lundi, novembre 19, 2007

le voyage en Grèce, vol. XI

Delphes, l’omphalos, le centre du monde, le sanctuaire d’Apollon. Un des rêves de toute une vie.

Avoir attendu les derniers jours pour y aller, que l’envie soit plus forte que tout, alors que ça me ronge de l’intérieur depuis plus de dix jours. Delphes, putain. J’espère que la désillusion ne sera pas trop forte. Non, impossible. De toute façon, c’est le centre du monde et Apollon n’a pas choisi son coin par hasard.

Trois heures de bus depuis la capitale. Gare routière, on se croirait à Lisbonne, à Naples, à Athènes, là où toutes ces vieilles et ces vieux avec leur canne partent pour Thèbes, Mycènes ou Dodone. Retrouver le village. Retrouver le passé.

Les oliviers défilent derrière la vitre du bus, les vignes, des champs de coton aussi. J’aurais jamais cru que Koltès me poursuivrait autant. La route devient rigolote et grimpe de plus en plus. Le mont Parnasse trône au loin et se rapproche, le cœur commence à frétiller. Arachova, dernier village avant Delphes. Je souris comme un con. Le sanctuaire apparaît, en haut à droite, merde, je l’aurais cru plus grand que ça. En bas, le golfe d’Itéa et la vallée d’oliviers. Le bus stoppe dans le nouveau village. Je descends.

Il est à peu près 16 heures et j’hésite sur la suite des événements. J’avais prévu de dormir parmi les oliviers et de me taper la visite demain matin, au lever du soleil. Mais là, y a vraiment une putain de lumière et ça peut valoir le coup, comme ça, je reprends le dernier bus pour Athènes à 20 heures. Le nombre de cars de touristes et les cris que j’entends de l’intérieur me mettent vite d’accord.

Je salue le sanctuaire, lui donne rendez-vous à l’aube et prends le chemin des oliviers. J’en ai pour au moins trois heures de marche. Le soleil tombe doucement, la big bouteille de Retsina est dans le sac. Et en route pour la joie.

Toujours cette lumière belle à pleurer. Il n’y a plus maintenant que Delphes, un temple au loin, des oiseaux, des oliviers, et le silence.



Et puis une vieille qui sort d’on ne sait où, alors que je marche depuis une heure. Toute habillée de noir, ridée, flétrie, rabougrie. Digne et farouchement belle. J’hésite à allumer l’appareil photo, moment de doute, mais non, trop envie de vivre jusqu’au bout cette apparition. Sans la figer. Le bruit de sa canne sur le chemin. Ses yeux qui pétillent. Envie de la prendre par le bras pour quelques mètres, lui dire qu’elle est belle. Envie de juste la croiser, comme dans un rêve. Je la salue en la vouvoyant. Elle éclate de rire et, levant sa canne au ciel, me répond en me tutoyant. Son sourire de femme. Toute la tendresse de mes yeux. Je me retourne, juste une fois. Elle s’éloigne, comme dans un rêve.

Les oliviers, de plus en plus nombreux. Le soleil descend doucement sur les montagnes au loin, un de ces moments où tu te sens en harmonie avec la terre entière. Ne faire qu’un, être au monde, la sérénité la plus aboutie. Je me pose, ouvre mon Sophocle au hasard.

« Antigone : Mon pauvre père, Œdipe, j’aperçois des remparts autour d’une acropole ; mais ils sont encore, si j’en crois mes yeux, à une bonne distance. Ici, nous nous trouvons dans un lieu consacré. On ne peut s’y tromper : il abonde en lauriers, en oliviers, en vignes, et, sous ce feuillage, un monde ailé de rossignols fait entendre un concert de chants. Repose-toi ici sur cette pierre fruste. »
Sophocle, Œdipe à Colone.

Je souris. Comme une évidence.





Deux heures de marche. Le soleil se couche dans une traînée de nuages. La lune, pleine, ne tarde pas à apparaître et m’éclaire le chemin.



Un olivier m’accueille, pour la nuit. Je le caresse, lui dis ma joie et ma fierté d'être simplement là, lui prends quelques rameaux à offrir aux ami-e-s, je finis doucement la bouteille. Le monde n’a jamais été aussi simple et beau que ce soir.

2 commentaires:

el rubab a dit…

joli!
çà me rappelle une fois près de zakopane, dans les carpates en Pologne. j'étais parti un peu dans la même optique, dormir au milieu de la forêt, etc... mais à un moment il s'est mis à neiger et à cailler méchamment; ensuite le ciel a commencé à s'obscurcir et j'ai commencé à me dire que çà serait dommage de crever de froid là-bas; pour finir, je suis tombé sur une pancarte au hasard d'un chemin qui disait de faire gaffe aux quelques ours qui vivaient dans le coin... çà a achevé de me convaincre et j'ai vaillament décidé de rebrousser chemin tu penses!
donc respect Ubi, mais j'ai hâte de savoir comment s'est passée ta nuit sous l'olivier (remarque dans le coin t'avais sûrement peu de chance d'être dérangé par un ours mais va savoir

ubifaciunt a dit…

bah disons que les seuls trucs que j'ai vus ressemblant à des ours étaient les membres du clergé orthodoxe... salut, mon pope, quoi...

(une bien belle nuit qui n'est rien à côté de la merveille du lendemain -ouh ouh suspense !-)