vendredi, avril 25, 2008

interruption momentanée des services

Après s'être brillamment fait contrôler par la BAC sur le quartier (1), l'ami Ubi part une semaine en Auvergne avec une vingtaine de mômes se recueillir sur les volcans, bouffer du Saint-Nectaire, boire de cette fameuse liqueur verte de plantes. Ca le fait grave chier de rater la manif du 1er mai -pas tant la parigote que la berlinoise (2)- mais il se consolera en testant à gogo son nouveau joujou (3) :












(1) : Trois malabars sortent d'une bagnole en furie, dont un flashball pointé dans mon dos :
"- Police, une pièce d'identité s'il vous plaît...
- ...
- Vous faites quoi ici ? On sait que t'as acheté (4)...
- Chuis éducateur
- Nan, mais vaut mieux sortir la boulette tout de suite on dira rien et ça peut vous éviter des ennuis après...
- ...
- Il tremble il tremble !!!
- ...
- Si vous travaillez ici, vous devez savoir que y a beaucoup de drogue qui circule, alors hein, vaut mieux nous la filer tout de suite...
- Ah bon ?
- C'est quoi ça dans votre sac ?
- Ben un livre
(le malabar sort mon "Guerre et Paix" en pléiade et tourne les feuilles de papier bible comme s'il espérait trouver... ben je sais pas quoi en fait... il referme le bouquin d'un air dégoûté)
- Circulez..."
Une bonne trentaine de jeunes à casquette capuche me regardent, me sourient et se marrent, ça hurle de loin : "Bah alors, Ubi, ça fait quoi de se faire contrôle d'identiter ?" Je souris résigné et amusé. Cinq minutes plus tard, une autre bagnole s'arrête. Quatre jeunes en descendent, tape amicale dans le dos :"T'inquiète, Ubi, nous c'est trois fois par jour..." Pas la peine de leur dire que ça ne m'inquiète pas du tout et que je sais pertinemment ce qu'ils se tapent de provoc' policière... On se marre.

(2) : Raaaah la Keny Arkana en street concert au milieu du BB...

(3) : un Olympus e-400 avec objectifs 14-42 et 40-150... Wouh ouh vienzy le plein de pixels en reflex toussa....

(4) : Comme quoi la police-nationale-de-France sait aussi faire preuve de dialectique ; soit t'es arabe ou noir et t'es forcément dealer ou voyou, soit t'es blanc et t'es forcément acheteur... Hu hu... tremble Hegel, la BAC represent...



Here comes your man des glorieux et éternels Pixies

mercredi, avril 23, 2008

une journée à Nanterre (pas mes rêves !)



Huit heures du mat' :

Grillage de dernière clope avant de rentrer dans la maison d'arrêt pour voir N. Relève des équipes de nuit, une dizaine d'ERIS (1), encore cagoulés, riot gun à la main, regagnent leur voitures en se marrant et en me demandant si je suis avocat. Ils enlèvent leurs cagoules comme si de rien n'était, gueules de cons sûrs de leur force et de l'autorité confortée par l'anonymat et le fusil d'assaut. Welcome in jail, Ubi.


Huit heures et quart :

Privilège du parloir avocat accordé à un éduc, pas de fouille, pas de matons pour surveiller l'entretien. N. arrive, sourire illuminant la face, coupe de veuch' à la mode taularde. "Ubiiiiiiiiiii ?!?!". Trop surpris de me voir. Trop plaisir de se voir. Quatre mois qu'il croupit là. Il croyait que c'était l'avocat qu'il a quasiment révoqué, trop un bouffon... N. que j'ai quitté après une visite au musée du quai Branly avec sa soif d'apprendre pour comprendre le monde. Décidé à poursuivre après son entrée en taule, il a demandé deux trucs à l'Administration Pénitentiaire : un droit à une remise à niveau scolaire et l'accès à la bibliothèque. Dans sa légendaire mansuétude, l'AP lui a accordé la salle de sport. Il a malgré tout réussi à choper illégalement un genre d'encyclopédie qui s'appelle "Connaître", il me parle des doubles pages qu'il apprend, jour après jour. L'envie de se boire un café en terrasse près de la Seine et de mater les filles qui passent dans le soleil de ce début de printemps. La vanne finale aussi ; il va essayer de se recoucher si les matons le laissent tranquilles, je vais me taper une réunion de merde. Lui dire que j'échangerais bien ma place, à ce moment-là, contre la sienne. Le maton qui ne capte rien à notre éclat de rire final dans le couloir. Se revoir dans deux semaines.


Douze heures dix :

Putain de réunion, message de ma belle sur le répondeur du portable, je file aux chiottes en scrèd pour écouter cette minute de bonheur.


Dix-sept heures et des brouettes :

Sur le quartier, un jeune nous raconte comment, voilà quelques années de ça, ils ont réussi à obtenir un rencard avec la mairie après plusieurs lettres de demandes restées sans réponses. Méthode à réutiliser, variantes possibles :
1) Attendre qu'un élu se pointe sur le quartier, à l'occasion d'une réunion quelconque.
2) Fracasser la vitre de sa bagnole pour lui piquer les dossiers restés sur la banquette arrière.
3) Quelques jours plus tard, payer un pote qui servira en l'occurrence de complice pour aller dire à la mairie que, l'air de rien, il connaît le nom des jeunes qui ont fait ça mais qu'il veut surtout pas les balancer. Le complice repart en plus avec un petit billet qui honore sa citoyenneté.
4) Se faire inévitablement convoquer par la mairie qui préfère régler la question à l'amiable plutôt que de convoquer la police. Rendre le dossier dérobé avec un grand sourire avec, en guise de frontispice, ces quelques mots : "Puisque vous ne répondiez pas à nos lettres, on a préféré se faire convoquer officiellement."


Dix-huit heures cinq :

On passe à l'arrache voir l'amicale bouliste pour un projet qu'on a dans la tête (cf infra). L'impression d'être dans un Wolinski des 70's, moustaches jaunies par les gauloises maïs, odeur de bière de la buvette qui suinte des murs, gars rougeauds qui tapent le carton sur le tapis de jeu Ricard. Une assoce de quartier un peu minable tenue depuis plus de vingt ans par des bénévoles de plus en plus désabusés, pas de renouvellement du bureau, de moins en moins de crédits, l'alcoolisme chronique qui emporte les uns et la dépression les autres. Souvenirs émus de la canicule de 2003 : ayant piraté un tuyau de l'Office HLM, les boulistes arrosaient au jet les gosses jouant dehors et offraient à quiconque une cuve remplie d'éponges.


Dix-huit heures trente :

Le nom du projet en partenariat avec la glorieuse Ferme du Bonheur pour renouveler l'expérience de l'année dernière (2) est enfin trouvé. Foultitude d'animations en pied de tour vingt-quatre heures par jour pendant une semaine : concert de clavecin, vide-grenier, jonglage de feu et soirée disco. "Tout le monde dehors !". Plutôt rigolo pour un quartier populaire, qu'on a trouvé.


Vingt-deux heures cinquante :

Fin de la bouffe avec les collègues et une stagiaire revenue pour l'occase. Dernière clope dehors. Appel du A., tout gêné, avec qui j'ai rendez-vous demain pour aller à la Mission Locale.
"- Ouais, Ubi, je suis désolé de te déranger si tard mais...
- T'inquiète, A., si j'ai répondu c'est que tu me dérangeais pas...
- Ouais, je suis vraiment désolé pour demain, mais j'accompagne ma maman dans des démarches très importantes, je pense pas pouvoir être là à 14 heures...
- Ben, c'est pas grave, on dit plus tard si tu veux... 15 heures, ou après ?
- Ben, je sais pas combien de temps ça prendra... De toute façon, sinon, j'essaierai d'y aller demain matin...
- Oups, par contre moi, bonhomme, demain matin faut que je dorme un peu et je ne pourrai pas t'accompagner. Ecoute, si tu veux je te rappelle à 11 heures et on voit ce qu'on fait.
(Un temps, puis, la voix aussi gênée que reconnaissante et réconfortée.)
- Oui, d'accord. (Silence). C'est vraiment une jolie idée."
Je raccroche, yeux un peu ébahis. Quelle dernière phrase. Le gosse de quartier, le type-même du gars qui dit ""Putain trop de la balle, ok, vazy" qui me balance une dernière phrase digne d'un analysant sur un divan. Sourires. Les collègues se marrent et s'émerveillent.


Vingt-trois heures dix :

Nanterre-préfecture, le RER est encore vide et attend le départ pour Paris. Un siège taggué attire mon regard cerné de fatigue et de joie. Plus de deux ans plus tard, à l'époque, dans une autre banlieue. Des gosses morts pour rien. Des grands feux de joie et de rage. Plus de deux ans plus tard, les fachos vont s'installer dans la plus belle ville du monde. Une des plus belles journées au monde, de la maison d'arrêt aux wagons taggués en passant par le quartier, une ville qui vit, aime, et se souvient, par delà la mort et l'enfermement. Le signal sonore marque la fermeture des portes. Je m'assois sur le siège de Bouna et Zied. Ils m'accompagnent jusqu'à Montreuil et Montfermeil et Clichy-sous-Bois. Avec N., A., et tou-te-s les autres.







Mon Dragon - les Cafards (à n'en pas douter la plus belle chanson au monde de tous les temps of the world)









(1) : ambiance et cotillons, la preuve en texte et en images

(2) : souviens-toi l'été dernier

jeudi, avril 17, 2008

c'est Aimé et le Front qu'on Nanterre



De retour d'une réu de préparation contre l'installation du siège du FN à Nanterre (pas mes rêves !), façade unitaire qui se lézarde pour des querelles datant, au moins, de la SFIO, j'apprends la mort de l'immense camarade Aimé Césaire.

Il y fut bien sûr de question de légalité et de légitimité, de pétitions, d'illégalité, de rue à rebaptiser au nom de Brahim Bouarram, de camarades, de mettre des tanks pour virer les fachos, d'assemblées populaires se constituant en soviets, du 1er mai, de sans-papiers, de gosses de quartiers, de morts, du 17 octobre 1961, de récupération stalinienne et trotskyste (vaut-il mieux fonder un collectif ou créer des commissions ?), et de la Seine qui ferait aussi bien d'acueillir un porc borgne noyé et toute sa clique.




"Au bout du petit matin...

Va-t-en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, je déteste les larbins de l'ordre et les hannetons de l'espérance. Va-t-en mauvais gris-gris, punaise de moinillon."

Cahier d'un retour au pays natal









(merci au camarade Clément pour la tof...)

Nanterre, soir de printemps













"ce monde imparfait
pourtant recouvert de
cerisiers en fleurs"

Kobayashi Issa












le silence qui suit du Wolfgang - le Nozze di Figaro, Voi che sapete

mardi, avril 15, 2008

du général au particulier



Fin de manif lycéenne à Nation.

Grand soleil, sur un monticule devant le carrousel à l'arrêt des bus 56 et 86, trois gisquettes sont assises sur un banc. Le vieux passe. Il marche à deux à l'heure, le journal dépassant du sac, impossible de voir s'il s'agit du Figaro ou de l'Huma. Boutonnière rouge.

La manif plus marquée par la présence des keufs et des SO que par les atterrantes et drolatiques bastons de jeunes de banlieue quand le 9-4 chauffe les bouffons du 7-8 qui enculent les lascars du 9-1 répondant aux provocs des gars du 9-2 se défendant contre les gusses du 9-3. Le 7-7 était excusé pour l'occase.

Des flics partout. En civil, en grande tenue anti-émeute, en civil, dans les SO, en civil aussi. Avec flashball, lacrymos, tazer, caméras, brassards, appareils photos, marqueurs peinture, limite s'ils ont pas sorti les casques à pointe.

Et le vieux qui passe, tout à la fin, alors que le bataillon de civils vient de passer, gazeuses, matraques et brassards oranges en érection, à la recherche, sans doute, du fameux jeune noir à casquette et capuche avec des baskets qui gueulait "enculé" y a une demi heure. Tu sais, celui qu'écoutait du hip-hop.

Les trois gisquettes parlent depuis tout à l'heure, d'on ne sait trop quoi, de mecs sans doute, de cette manif rigolote et funky qui permet de légalement sécher à l'approche du printemps, le vieux s'arrête, regarde, et parle, sentencieux :

"- C'est une honte, vous êtes manipulés !
- ...
- Quatre mois ! Une loi a été votée y a quatre mois et c'est maintenant que vous criez !!! C'est une honte ! Vous êtes manipulés !
- Wesh, m'sieur, c'est la fête, on est dehors, tous ensemble, c'est la vie, quoi...
- Une loi a été votée, c'était avant ou juste après qu'il fallait réagir."

Les trois gisquettes se regardent, air imbrobable, le vieux s'approche, tend le revers de la veste sur lequel la boutonnière rouge est accrochée.

"- Wesh, c'est quoi ça ?
- Commandeur de la légion d'honneur, j'ai répondu à l'appel du général de Gaulle, quand je pense à ce que j'ai fait pour vous...
- ...
- Vous êtes manipulés ! Quatre mois !"

Le vieux s'en va, ignorant les maladroites tentatives de débat que les gosses qui s'attroupent essaient de provoquer. Kess ki raconte, là-çui, wesh z'avez voté Sarko ou bien, c'est quoi ton ruban... Les rires repartent.

Deux "certaines idées de la France" qui se séparent.

Dis, cher vieux, ils étaient combien -à part les marins de l'île de Sein- les ceux qui partirent le 19 juin pour Londres, ils étaient combien les ceux qui étaient au maquis quatre mois plus tard en octobre 40, ils étaient combien à planquer des juifs en 43 même quand les lois étaient votées, ils étaient combien à penser se battre pour des gosses de 2008 alors que la Gestapo et sa grande amie la Milice rôdaient ?

Ils étaients combien, les mythiques "Résistants de la dernière heure" de juin 44 ?

Et toi, cher vieux, riais-tu au coeur de la guerre quand des vieux te parlaient de 14 ?...









La Souris Déglinguée - les Parents à Chantal






(merci au Thib pour la tof
-z'avez vu, on dirait un mini Casse-toi-pauv'-con au milieu...-)

lundi, avril 14, 2008

Chasse à l'enfant



Le joyeux service public radiophonique (France-un-faux en l'occurrence) nous apprend ce matin l'ouverture de l'EPM de Porcheville.

"Etablissement Pour Mineurs". Première erreur grossière : il s'agit évidemment, dans la terminologie officielle, d'Etablissement Penitentiaire pour Mineurs. Oublie des mots, crapule de journaliste aux ordres, ça ne gommera pas pour autant les matons et les coups de trique, le mitard et les tentatives de suicide, réussies ou non (1).

L'enjoué journaliste aux ordres nous informe que les murs sont peints en gris clair, bleu ciel et jaune vif. Et que c'est bien parce que les gosses auront la télé jusqu'à pas trop tard dans la nuit parce que, quand même hein, faut aller en cours le lendemain. Interviews complaisantes du directeur de l'EPM et du chef des matons bien content d'avoir quitté Bois d'Arcy ou Fresnes.

Dix secondes à la fin pour vaguement évoquer que le Syndicat de la Magistrature "s'inquiète".

Rideau.

Trois minutes de "reportage" qui taisent les éducateurs forcés par le Ministère de la Justice d'aller bosser dans les EPM puisque pas grand monde (2) pour cautionner cette réouverture des Colonies Pénitentiaires disparues dans la nuit de Mettray, l'ombre de Genet, la révolte des enfants de Belle-Île ; rien sur sur l'Ordonnace de 1945 ; pas un mot sur les juges qui vont imposer les EPM comme "mesures éducatives alternatives à l'emprisonnement" alors que cet enfermement est une modalité pénitentiaire comme les autres ; silence complet sur les quartiers pour mineurs qui dégueulent dans toutes les prisons françaises ; bref un beau boulot de journaliste aux ordres en admiration devant les murs jaunes vifs et les détecteurs de mouvement infra-rouge de Porcheville.

Lutter contre la délinquance en construisant des prisons, c'est comme lutter contre une épidémie en construisant un cimetière. (3)

Et Belle-Île, donc. La révolte des enfants de la Colonie Pénitentiaire qui courèrent la lande et les bruyères à la fin de l'été 1934. Ne pouvant quitter l'île, ils furent repris un à un par les habitants, les gendarmes, les touristes désoeuvrés et sans doute les journalistes du France-un-faux de l'époque. Pain sec et eau croupie en guise de récompense une fois de retour dans les cellules aux murs peints de je ne sais quelle couleur.


"Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !

Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau

Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement
Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Maintenant il s'est sauvé
Et comme une bête traquée
Il galope dans la nuit
Et tous galopent après lui
Les gendarmes les touristes
Les rentiers les artistes
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
C'est la meute des honnêtes gens
Qui fait la chasse à l'enfant
Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
Tous le braves gens s'y sont mis
Qui est-ce qui nage dans la nuit ?
Quels sont ces éclairs ces bruits ?
C'est un enfant qui s'enfuit
On tire sur lui à coups de fusil
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Tous ces messieurs sur le rivage
Sont bredouilles et verts de rage
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
Rejoindras-tu le continent ?
Rejoindras-tu le continent ?

Au-dessus de l'île
On voit des oiseaux
Tout autour de l'île
Il y a de l'eau."

Jacques Prévert







Keny Arkana - Réveillez-vous






(1) : le 31 mars 2008 une tentative de suicide d'un gosse de 16 ans qui a pété les néons de sa cellule pour se trancher les veines, un suicide réussi par pendaison d'un autre gosse de 16 ans début février 2008 à Meyzieu.

(2) : ah la joyeuseté des marchés publics de construction de prisons décrochés par Bouygues & guests, comme quoi que si, la misère, c'est rentable.

(3) : je sais plus d'où elle vient celle-là ; hommage.

jeudi, avril 10, 2008

le noir pour mourir à Paris...




À la (presque) demande générale, une rareté du camarade Léo (grazie Véro !), avec quelques tofs z'adéquates...




(en rital, per favore)






mercredi, avril 09, 2008

La réalité n'est qu'une hallucination provoquée par le manque d'alcool

Un des plus beaux textes au monde avec une des plus belles chansons au monde :


"Moi aussi, je suis un ivrogne. Je bois chaque fois qu'il le faut. Chaque fois que j'ai eu un peu d'argent entre les mains, je suis d'abord allé boire.

Quand le cahot des défaites infernales de tous les jours vous a jeté sous un pont, logeant sous un pont, nuit après nuit, dans l'odeur des excréments et de la pisse, en butte à la flicaille qui vient vous déloger à grands coups de godasses dans les reins, dites-moi : où trouver la force ?

Quand paraît le matin et que l'on n'ose pas ouvrir l'oeil, le lever vers le ciel, parce qu'on sait d'avance que le ciel n'a rien de bon à vous accorder, qu'on ne trouve même pas le courage de se mettre debout, parce qu'on sait d'avance que cela ne sert strictement à rien, dites-moi, quand on en est à se mentir à soi-même, à se gruger sur cette peur tortillante qui brinquebale dans la poitrine et que l'on voudrait prendre pour de l'indifférence, mes bons humains, dites-moi : à qui demander la force ?

S'il n'y avait pas alors cet alcool des mirages, ce gros pinard épais et noir qui ne coûte pas cher, ce litre qui ne quitte jamais la musette qu'on porte au dos, s'il n'yavait pas cette évasion, cette possibilité de se gaver, de se gorger, de se gonfler d'alcool jusqu'à en dégueuler et à en mourir - mais hélas cela n'arrive pas ! - pourrions-nous vivre ?

À qui demander la force de se regarder tel que l'on est, pendant des mois ou des années : manqué, raté, une loque, un débris, une miette, presque rien... À qui s'adresser, si l'on est un homme comme certains autres, malgré tout, qui a des tripes pour ressentir la douce beauté des soleils qui s'endorment dans le ventre ensanglanté des horizons éclatants, les pluies en gouttes d'or, les neiges dociles et pâles, la vie de notre mère la terre, en quelque sorte...

À qui réclamer la force ?

Le picrate est là."


Louis Calaferte, Partage des vivants








Allain Leprest - le Temps de finir la bouteille

samedi, avril 05, 2008

Front de libération des fumis

Pour sa première grosse manif de retour au pays, c’était plutôt pas mal. Retrouver la France après trois ans au Canada, après Montebello, forcément, toutes les têtes cramées d’Amérique du Nord venant ruiner le sommet du PSP entre Bush, Calderon et Harper, les survivant-e-s de la bataille de Seattle, venant débusquer et fracasser les keufs déguisés à la mode black bloc.

Ici, on avait eu les nuits de novembre 2005, le CPE et les suites de l’élection de la « dernière incarnation d’Elvis ». Peccadilles essentielles. Des rencontres. De la vie.

Ça sentait la manif funky style, rumeurs qui bruissaient depuis une bonne semaine, feux d’artifices en honneur aux sans-pap’, et peut-être la virée à Vincennes, ensuite. Je ne sais pas si elle était impatiente de retrouver nos flics, les merguez de la CGT, et le cortège motivé-moooo-tiii-véééé de la Ligue à Léon.

Les sans-pap’ bien présent-e-s. Un beau cortège anarchoïdo-sympathico-décidé aussi. Et la Ligue aussi…

Banderole de soutien à B. et I. tendue à l’arrache sur l’avenue des Gobelins. Quelques fumis. Retrouver les gens. On sent qu’on est pas mal, en fait. Deux cents peut-être. Peut-être plus. Dont elle. Pour une fois, la CGT est plutôt compréhensive et dégonfle son immonde ballon qu’on a envie de crever aux fléchettes pour passer sous la banderole.

On longe le Luxembourg et, joli pied de nez, c’est rue d’Assas que le cortège prend vraiment forme. Banderole « destruction des centres de rétention portée » à l’allemande ; même pas envie d’attaquer la fac des nazillons consanguins, mieux à foutre, se retrouver, commencer à allumer les fumis. Elle fout sa capuche, relève l’écharpe, comme tout le monde.

« Libérez nos camarades, libérez nos camarades, libérez… » Le cri grossit, vient du cœur, claque farouchement dans l’air enfumé. « Libérez nos camarades… »

Elle n’avait jamais vu le Lutetia. Il n’avait pas eu l’honneur de notre visite depuis le CPE. Les cris des torturé-e-s de la Gestapo ne montent plus des caves, pas plus que les plaintes des déporté-e-s revenu-e-s des camps, on entend juste les vitres voler en éclats, vitres de l’hôtel, vitres des Porsche garées devant. La fumée des fumis protège les cagoulé-e-s.

« Je milite à Nanterre (bis)
La Ligue la Ligue
Mais j’habite à Neuilly
La ligue à Léon

J’aim’ bien la couleur rouge (bis)
La Ligue la Ligue
Cell’ de ma Ferrari
La ligue à Léon

À deux c’est une tendance (bis)
La Ligue la Ligue
À trois c’est une scission
La ligue à Léon….
Trotski ploum ploum »

Boulevard Raspail, le cortège de la Ligue passe de manière aussi provocante que celui du PS lors du FSE/FSL de 2003. Il n’en faut pas plus. La banderole Destruction, de ses petits bras musclés, décide de charger. Cette fois, pas de CNT pour protéger les sociaux-traîtres. Le facteur se planque et laisse les gaz poivrés du SO de la Ligue faire le sale boulot. Le bloc tient bon, répond, fait reculer les ex-maos des 70’s parvenus au bout de leur Longue Marche. Rage, rires, et détermination. Poubelles volantes, cannettes, et toujours des fumis.

Les flics remplacent la Ligue sur la fin de parcours. Nouveau face à face. Une poubelle remplie de fumis orange roule vers les barrières que le bras armé de l’État a placées avant le ministère de l’identité nationale et de l’immigration.

« Je hais la France ses flics et ses fachos. »

Elle hurle.
















la Réplik - Mon voisin vient de loin




(merci au Thib' pour les tofs en noir et blanc)

jeudi, avril 03, 2008

"La Raison du plus fort", Patric Jean, 2003

« Où ils font un désert, ils appellent ça la paix. »



Mur de banlieue, rue du Blues.

Ça faisait plus d’un an que je remettais ce billet au surlendemain. L’explication d’un pseudo.

« Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant. »

La Raison du plus fort, documentaire de Patric Jean. Des cités d’Amiens aux prisons de Bruxelles, du cœur de Marseille aux hauteurs de Lyon, partout la même misère, la pauvreté, partout les mêmes déchéances et les mêmes petits espoirs.

« Où ils font un désert, ils appellent ça la paix. »

On ne doit guère lire Tacite dans les cités d’Amiens. Il n’empêche, un graff sur un mur. Ça ne doit pas plus comprendre le latin dans cette banlieue que dans cette classe où ces friqués gosses belges n’entravent grand chose au Sénèque que le vieux prof aussi cravaté que consciencieux cherche à enseigner.

« Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant. »

Le discours de Calgacus au chapitre XXX de la Vie d’Agricola fait écho aux plaintes de tou-te-s ces anonymes. Deux mille ans que le désert ne cesse de s’étendre. Ils nous promettent une paix de dix mille ans.

« Où ils font un désert… »

Le tractopelle s’approche du graffiti. Des mots d’un historien romain tracés au cœur d’une banlieue qui tiennent depuis plus de vingt siècles, qui tiendront dix millénaires. Le tractopelle abat le pan de mur. Le silence se fait, le désert avance.

« … Ils appellent ça la paix. »

Scènes d’une justice de classe ordinaire. Malades au mitard dont les cris hurlent au fou et au loup, vieille facho réac sur la colline de Fourvière pour qui une rafale de Kalash’ serait un trop aimable supplice, flics partout, matons, juges, et vous, mes ami-e-s, qui résistez à votre façon. Avec Pasolini, avec des lunettes à triple foyer et un vieux caméscope, avec l’accent des oliviers par-delà la Mare Nostrum, avec la moustache roussie de tabac brun, avec les cent pas mille fois répétés dans la cour de promenade. Avec l’humour et la rage. Salvateurs. Et toujours des flics.

« Ubi solitudinem faciunt… »

Patric Jean ne nomme rien. Il montre ; tout au plus. La misère, et le silence. Longs plans fixes sur une rue vide ou une porte de prison qui se ferme, sur le regard d’un vieux qui ne rentrera jamais au pays, sur des rires de mômes, par-delà le mal et le mal, par-delà CRS et désespoir.

« … Pacem appelant. »

Quoi qu’ils fassent, ils appellent. Ils tentent de nommer. L’ennemi n’a pas l’intelligence des mots, l’ennemi les piétine. Mais c’est la guerre. Qu’ils le veuillent ou non. Qu’on la souhaite ou pas. La guerre que ‘la Raison du plus fort’ donne à voir. Celle qu’ils s’obstinent en vain à essayer de pacifier. La guerre contre les opprimé-e-s, les pauvres et les sans-grade, contre le peuple. La guerre contre une idée. La guerre contre ce qu’ils font.


« Nous construirons
Nous liquiderons la peur. De la nuit
Nous ferons du jour plus tendre –

Et nous n’aurons besoin
Que du toucher des peaux » (1)


Et un doigt creuse le grillage des barreaux, demandant de l’amour.










(1) : Eugène Guillevic







Nina Simone - Blues for mamma

mardi, avril 01, 2008

Protect me from what I want

La suite de par là...



Il a donc choisi.

Plutôt que de courir la belle et de dormir sous l'étoile qui l'est tout autant, ça sera Bois d'Arcy et, sans doute plus tard, un de ces nouveaux Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs, un de ces endroits où les gosses se suicident en s'arrachant les lambeaux du t-shirt pour bander une dernière fois ou en pétant les néons pour se trancher les veines.

Quatre mois d'inconnu et de marche sous le ciel espagnol ont été moins forts que l'attrait de trois ans de taule.

On les voulait trop, peut-être, ces quatre mois pour lui. Tous les gosses de la cité les voulaient aussi. Que lui restait-il, à lui, de sa liberté, la seule qui vaille, celle de pouvoir choisir. Celle qui fait qu'on peut-être aussi libre à l'ombre des barreaux que sur un chemin de Compostelle, celle que toutes les pressions du monde ne pourront vaincre ; celle de dire non, et merde, encore une fois.

Nonobstant toutes les meilleures bonnes intentions du monde. Celles qui font l'enfer.

Laissez-moi être un gosse. Laissez-moi mes angoisses. J'ai peur de la nuit et de la solitude. Je ne veux pas me faire chier à marcher vingt-cinq bornes par jour. Au fond de cette cabane de merde, dans mes dix mètres carré, j'ai mes potes qui tambourinent à la cellule d'à côté, on se marre, on se vanne, et on t'emmerde, putain d'adulte qui crois savoir ce qui est bon pour moi.

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul, qu'il disait le gars au gros tarin dans je sais plus quel film.

Descendre au fond du trou aussi, toujours aussi seul.

C'est à moi que je le devrais, tout ça, rien qu'à moi, et y a que moi qui peux le vouloir, si jamais j'ai envie de vouloir un jour.

Et je vous chie au nez.

Libre de choisir, libre de refuser.

En taule ou ailleurs.

Libre.














Véronique Sanson - le Maudit