samedi, décembre 29, 2007

Fuck da autofiction move, dit-il...



"mais que la porte s'ouvre enfin comme la première page d'un livre
ta chambre pleine d'indomptables d'amoureuses coïncidences tristes ou gaies
je couperai en tranches le long filet du regard fixe et chaque parole sera un envoûtement pour l'oeil et de page en page
mes doigts connaîtront la flore de ton corps et de page en page
de ta nuit la secrète étude s'éclaircira et de page en page
les ailes de ta paroles me seront éventails et de page en page
des éventails pour chasser la nuit de ta figure et de page en page
ta cargaison de paroles au large sera ma guérison et de page en page
les années diminueront vers l'impalpable souffle que la tombe aspire déjà"

Tristan TZARA, l'Homme approximatif




Il est de ces moments dans l'existence où tout est absolument merveilleux.

Où la frontière est si ténue entre l'indicible et l'ineffable.

Où le monde qui ne cesse de s'écrouler ne vaut même pas l'honneur d'une considération. Où Carla, Nico, Jean-Marie et Benoît me font rire plus que pleurer. C'est dire.

Je suis ailleurs.

Deux semaines que je navigue dans le ciel cotonneux, vaporeux et ouaté de la rencontre. La tête de béat benêt, les yeux en couilles d'hirondelle, la force et l'assurance, la certitude d'avoir trouvé quelqu'une grâce à laquelle ce monde qui s'écroule sans cesse n'est après tout pas si vermoulu.

Mon sourire qui irradie plus qu'une centrale ukrainienne par une fin d'avril 1986.

Et même si la distance et ces saloperies de kilomètres qui nous séparent, et même si la revoyure semble loin, si loin ; elle est au monde.

Magie de la boxletter en rentrant du boulot. Une diablesse d'enveloppe. Bouquin, CD.

Et ses mots.



"Mes fantômes même se refusent à me suivre, et il ne traîne dans l'air qu'une inhumaine musique faite pour accompagner les larmes, tandis que je voudrais dire pour un camarade mort et une Petite Fille que j'aime un merveilleux chant d'amour."

Louis CALAFERTE, Requiem des innocents.



Et que meurent les fantômes, et que crève l'inhumain, et que ne reste qu'une Fille que j'aime et un merveilleux...



Le reste est de son ressort.

Le reste m'appartient.

Le reste nous unit.





(OST : Emilio de Cavalieri - Lamentations
une Marine de Nicolas de Stael honore ce billet)

vendredi, décembre 28, 2007

un soir d'Auvergne



Ce ne devait être qu’une halte, une nuit, une soirée tout au plus sur la route des vacances. Et puis cette petite route qui monte vers ce village dont j’ai tristement oublié le nom. Nous devions dormir là avant que je ne parte le lendemain pour Albi, Toulouse et Barcelone. La maison était grande, oubliée, sans doute prêtée par un cousin éloigné ou quelque obscure grand-tante. Je me rappelle m’y être ennuyé bien vite et avoir décidé de faire, comme on dit, le tour du village. Le soir tombait, ciel violacé et vent vif, hautes herbes, quelques maisons et la porte du café. Je la poussai fièrement avec l’arrogance de mes vingt ans, m’attendant à trouver je ne sais quels jeunes du coin venus zoner autour du baby et d’une bière. Quatre ou cinq hommes au comptoir, le patron qui avait probablement le torchon à l’épaule ou à la main. L’assurance, d’un coup, s’en va. Impossible de reculer. Bonsoir messieurs. Pas de réponse, ou murmurée. Les conversations ont cessé ; le patron, de l’œil, attend ma commande. Euh, ben, je sais pas, kess ke vous buvez dans le coin ? Merde, j’ me suis dit, quel con, mais vraiment quel con, genre le gamin d’ la ville qui descend rendre visite aux autochtones, youyou la réserve d’indigènes, et vazy ke j’ te leur demande de l’exotisme en boutanche. Impossible de reculer. Il ne répond rien, chope une bouteille aussi verte que les herbes du dehors, remplit cinq verres. Je crois me souvenir que j’ai honte à ce moment-là, honte d’imposer ma présence, honte de ce verre. C’est pour moi Jean-Pierre. Je sais que j’ai commencé à parler, un peu, de cet alcool de plantes inconnu qui te réchauffe le bide et te donne envie de parler. Je sais que je me suis tu, aussi. Pour profiter du silence qui n’était plus du malaise, pour écouter les demi-mots de ces hommes qui parlaient de leur terre, pour apprendre, tout bêtement, comme on écoute un père. Un deuxième a dit que c’était pour lui Jean-Pierre. Les souvenirs ici s’embrument, les années ont passé, les verres se succédaient, je me souviens simplement que j’étais bien, que je pensais à cette foutue chanson de Brassens et que je ne me suis pas permis de dire Jean-Pierre c’est la mienne, mais simplement, du regard ou de la voix, vous z’en r’mettrez une siouplaît. Un seul a accepté, pour ne pas me faire l’injure de boire tout seul, les autres, toutefois, communiaient en souriant. J’ai follement aimé ces hommes et cette sorte d’examen de passage qu’ils me firent subir, sorte de rite initiatique dont nos sociétés ont désappris le caractère enchanteur, j’ai follement aimé ces hommes qui ne firent pas semblant de me prendre pour un de leurs mais avec qui je vécus de poignants instants de fraternité, j’ai aimé leur rudesse, leur alcool et leur terre, j’ai oublié le reste des vacances, Albi, Toulouse et Barcelone, seul me reste aujourd’hui ce village auvergnat dont j’ai tristement oublié le nom et ces hommes dont l’au revoir, à ma sortie du café, fut le plus touchant que j’entendrai jamais.



(OST : Madredeus - Alfama)

mercredi, décembre 26, 2007

"Wesh wesh, comenxé la famille ?" (1)

Ce qu'est vraiment bien à la No-hell (2), c'est quand t'attends la soupe à l'oignon. Réveillon du 24 au soir, big bouffe du 25, et la soupe à l'oignon pour les z'ultimes résistant-e-s qu'auront réussi à passer presque 20 heures non-stop à table (3).

Et que la soupe, elle va bien avec les restes, les bouteilles de champ' qui traînent encore (4). Et que même ceuxelles qui sont passé-e-s prendre le dessert sont là ("même ceux du Sud de l'Italie, y a même Giorigio bla bla bla"). Du coup, on rouvre quelques bouteilles, et, fin cramé-e-s, c'est reparti pour un tour.

Et c'est donc juste avant la soupe, pour une misérable flûte de champ', que j'ai eu la glorieuse idée de soudoyer la mirifique GrandK (5) pour lui soutirer un dessin à ma gloire.

Ce qu'elle.

Merci GrandK.

Wesh wesh, la famille (6)...


Oui, oui, c'est ma vraie crête qui trône au dessus de mon crâne, et c'est la vraie GrandK qui est toute gets et pimpante...




(1) : commune interjection banlieusarde (1.1) pour simplement dire "bonjour, comment vas-tu ?' (et inutile de me demander d'où vient ce troublant "la famille" ; paraît que c'est typiquement nanterrien -trop la classe-).

(2) : je la kiffe vraiment, celle-là...

(3) : inclure ou non le temps de sieste ?

(4) : de l'avantage d'être rémois d'origine, orgie de champ' à chaque fois, à n'en plius pouvoir, et ramener encore des bouteilles dans le sac...

(5) : le site de la chatoyante GrandK est dans le lien "poulpes et kiwis" à droite...

(6) : au sens propre, cette fois.



(1.1) : la "Wesh-Coast" (ah ah ah) comme dirait un de mes fameux cousins adoré et néanmoins sudiste (1.1.1.).



(1.1.1.) : j'ai toujours eu un peu de mal avec les sudistes, surtout de l'Est du Sud -c'est mal mais faut pas m'en vouloir, hein, je me soigne...-.




(OST : les Wampas - Ce soir, c'est Noël)

samedi, décembre 22, 2007

autofiction, dit-il...


Ce serait par une après-midi d'hiver d'un dimanche parigot. Ciel bleu, vent vif qui fouette et fait rougir le bout du tarin, odeur des marrons grillés et du vin chaud sur le parvis de Beaubourg.

La nuit précédente aurait été bien courte ; mélange d'impatience, d'excitation et d'angoisse que l'alcool n'aurait pas réussi à dissiper.

Il n'y aurait pas besoin de raconter le matin.

Planqué sous le sweat à capuche et l'écharpe, il aurait une fois de plus cherché à réhabiliter la cravate avec la crête de mohawk, dérisoire tentative d'avoir la classe par - 5°C.

A l'approche de l'heure, il aurait pris un dernier café, mis en ordre le paquet, et si jamais elle ne venait pas, et les mains qui moitissent malgré lui, et se sentir pas très bien, et regarder l'heure toutes les deux minutes, et putain que cette horloge n'avancerait pas vite.

Ce serait comme une apparition. Elle arriverait, simple, belle et évidente ; les mots manqueraient au début, et puis ils parleraient de Joe Dassin, d'Heidegger et d'Emma Goldman...

La suite resterait à écrire.





(OST : la BO d'In the mood for love irait très bien avec la tof du merveilleux Tony Leung au dessus...)

mercredi, décembre 19, 2007

c'est le Front qu'on Nanterre...

Aujourd'hui, à Nanterre (pas mes rêves !) la Rouge, à Nanterre (pas mes rêves) la Folie, à Nanterre (pas mes rêves !) la plus belle ville du monde, on ne parle que de ça...

Les fil-le-s de pute du Front National, à court de thunes (bien fait pour leur gueules de rats consanguins), sont obligés de vendre le "Paquebot" de Saint-Cloud, joyeuse bourgade huppée cachant autant de nostalgiques de Mauras que de bras droits tendus, et songent sérieusement à emménager à Nanterre, puisque, c'est bien connu, chez les prolos, ça coûte moins cher.

Même que c'était discuté hier soir au conseil municipal. Mais qu'apparemment, comme c'est du domaine privé, la municipalité n'a pas à intervenir.

Il n'empêche ; petit rappel historique nanterrien.

1935, les cocos municipaux (qui n'ont rien à voir avec les z'infâmes sbires nationaux formatés par la défunte URSS stalinienne) se font élire sur une liste « Unité d’action anti-fasciste ». Leurs descendants, avec tous les aléas de soixante-dix ans d'histoire, sont encore aux commandes de la ville.

1936, le Front Pop', les usines occupées, le rêve de la Sociale et tout Nanterre qui va foutre sur la gueule des bourgeois et des patrons.

La guerre, Nanterre voit en regardant vers la colline ses fils et filles se faire trouer au Mont-Valérien pour avoir résisté à la bête immonde.

A partir de 1954, la résistance et l'état-major du FLN planqué au coeur des bidonvilles, Ferhat Abbas qui donne ses instructions, l'éternelle répression policière et les communistes qui aident dans l'ombre à lutter contre mon-général.

L'horreur du 17 octobre 1961, les mots qui manquent, les deux-tiers des assassiné-e-s viennent de Gennevilliers et de Nanterre, le pont de Neuilly à jamais une tâche noire, Papon qui jubile, 30 ans de silence, 300 mort-e-s, la Seine à jamais rouge du sang de la honte.

Moins d'un an plus tard, le 8 février 1962, Charonne, le gamin Daniel Féry qui ajoute sa mort aux mort-e-s d'avant-hier et de demain.

La fac est créée. (Presque) tout qui part de là par un beau printemps enragé de 1968.

Et puis tout cet aujourd'hui qui se vit au jour le jour. Des discussions de café aux rencontres dans la rue, de ces employés municipaux, de ces shibanis qui ont toujours la Méditerrannée dans les yeux, de ce Roger des Prés y trouvant un asile, de ces gens qui ont toujours la révolte à fleur de coeur et de poing, de ce moi qui y ai trouvé un endroit à ma (dé)mesure.

Le Front National qui veut donc emménager à Nanterre (pas mes rêves !) au début du deuxième semestre 2008. Etrangement, à l'annonce de la nouvelle, des rires qui éclairent tous les visages. Comme s'ils pouvaient espérer tenir ne serait-ce qu'un mois. L'Unité d'action anti-fasciste prête à réapparaître, les plus modéré-e-s parlent seulement de brûler le bâtiment, les autres attendent avec impatience, se parlent à l'oreille.

La nouvelle ne date que d'hier.

Nanterre, Nanterre, les gosses de tiékar, les vieux militants associatifs, les cocos, les sales prolos, les autres, les ceuxelles qui sont venu-e-s ici pour ton histoire et pour ta joie, les ceuxelles qui n'avaient pas le choix, les mort-e-s et les bien vivant-e-s, n'aie pas peur, ma belle Nanterre, nous saurons te défendre.





(OST : l'Internationale)

mardi, décembre 18, 2007

merci...


Ne rien dire, encore moins signifier...







(OST : Richard Desjardins - Tu m'aimes-tu)

samedi, décembre 15, 2007

Comment pourrir un repas de famille...

Y a quelques années de ça, une de mes chouettes tantes avait eu l'idée de faire une chouette bouffe familiale dans sa chouette baraque bretonne. Et si je surkiffe les repas de famille (bikoz ça bouffe ça boit et ça s'engueule), j'aime pas trop par contre les contraintes du genre "Tout le monde doit faire un-e dessin/texte/chanson/autre sur un thème imposé". D'abord parce que je fais ce que je veux de ma liberté individuelle, ensuite passkeuh je trouve ça over-ringard. Et là, le thème c'était "les phrases cultes de ma grand-mère". Pfffff. Même si les répliques de ma grand-mère étaient souvent hautes en génie.

Du coup, histoire de faire ma provoc de merde (hu hu) dans ma famille de droite, de militaires, de commerçants, de cathos par tradition parce que la France-fille-aînée-de-l'Église, de fils de péquenots qui sont plus de droite par atavisme que par réelle conviction, bref, de gens pas trop riches mais dignes et qui croient au fruit de leur labeur, au mérite et à la conservation des quelques privilèges qu'ils ont acquis à la réelle sueur de leur travail, du coup, disais-je, je me suis fait plaisir, 30 personnes au repas, l'attente du fromage et des gens un peu bourrés pour me lever et dire, un peu tremblant malgré tout "Moi aussi, j'ai fait un truc..."

Je lis le texte. Silence plombé d'une bonne minute, une de mes tantes tousse violemment, ça murmure avant que la conversation ne reparte, gênée, foireuse. L'effet mastoc. Bonheur.

Voici donc le texte dont on me reparle encore aujourd'hui lors de certains repas de famille.

Et vivement Noël.




LA DERNIÈRE CHIÈE DU DIABLE.


"C'est la dernière chose que le Diable a chiée avant de crever."

Elle me rassurait qu'à moitié, la sentence familiale entendue depuis des lustres. Faut dire, moi, j'ai jamais voulu trop y croire à ces conneries, à Dieu, au Diable, à tout ça, à ces amulettes vaudoues, moyens de rassurer le bas-peuple et les esprits faibles. N'empêche, la phrase me plaisait bien ; en plus, elle avait le mérite de montrer que le grand Satan était bel et bien raide, enterré je ne sais où avec sa fourche, ses cornes, sa barbichette et ses diablotins. Mort le Malin, le Démon, l'infâme Tentateur, le fourbe Trismégiste et, depuis que l'aut' dingue de philosophe allemand avait aussi décrété que "Dieu est mort", on pouvait enfin avoir un peu de répit ne plus redouter le jugement des hommes, de Saint Pierre ou des curés, ni même subir le dernier Jugement, le final en apothéose avec le poids des âmes et la prétendue balance.

Ca m'intriguait qaund même, cette foutue dernière chose qu'Il aurait pu chier. Quoi donc qu'ça pouvait être ? Bien sûr, je l'avais entendu à propos de la voisine de palier, la grosse conne avec ses cheveux violets, à propos de l'abruti d'épicier qui faisait même pas crédit d'un sourire, du flic du coin, et même de l'abbé fraîchement débarqué, celui qui se défroquait dès que passait le moindre enfant de choeur. Pourtant, injurier la religion -et a fortiori ses éminants représentants- c'était pas trop dans les habitudes de la smala ; pour preuve, moi, c'est à peine si j'osais de temps en temps cracher au Ciel, défier Dieu et le Diable, sans savoir que ces deux gugusses-là avaient passé l'arme à gauche. Insulter des morts, tu parles d'un défi à ma taille, comme ça, au moins, j'étais tranquille, ni diffamation, ni représailles.

Bon, allez, ils sont morts, crevés, alors voilà, n'en parlons plus et l'affaire est réglée. Ni dieu, ni maître, ni diable. Le gros Barbu a chié un fils à Son image et des guerres en Son nom, des églises un peu partout et parfois de bien belles cathédrales ; l'autre Rôtisseur a chié je ne sais quoi, des maudits qui Lui vendent leurs âmes en échange d'un espoir de gloire, de fric, ou de quelques notes de blues, et puis moi, sans doute, paumé au milieu de ce grand nulle part, sans adversaire à combattre. Alors oui, peut-être au fond que c'est moi la dernière chose que le Diable a chiée avant de crever. Et tant pis si je suis maudit jusqu'à la fin de mes jours, et merde si je dois en chier ad aeternam, mais moi, je ne chierai rien d'autre que des étrons malodorants disparaissant fissa dans les canalisations, et quand on me foutra au trou, la dernière chose qu'Il a chiée avant de crever aura l'honneur de ne laisser aucune descendance, comme ça, au moins, le proverbe et la malédiction s'éteindront avaec moi.




(OST : Army of lovers - Crucified)

jeudi, décembre 13, 2007

l'emploi de la gueule...

Des fois, c'est vraiment à se demander s'ils font pas exprès (1) rien que pour qu'on rigole un coup. La tête de con. D'animal vivant dans une bauge (2). Que même Villeret à côté dans le Dîner il ressemble à Beckett.

Parce que là, tout y est, vraiment. La dégaine. Sobre, efficace, la pose de défi infatué (3) et d'arrogance ignare. Le look à la Chips (4). Le mec t'as l'impression qu'il revient du bayou (5) et qu'il repart dans 10 minutes pour aller buter trois crocodiles (6). La preuve, c'est que la ceinture, chuis sûr qu'elle en est, du croco.

A moins que le gars ne vienne direct de chez Casto (7), rapport à la quincaillerie qui l'encombre.

Enfin, il est là, bien là, et il le fait savoir. Tu vois l'oeil torve derrière les Ray-Ban (8) aussi fumées que le jambon donné par le porc dont j'ai pas le droit de parler (9).

Et puis le talkie, forcément. Ces gens-là (10), s'ils ont pas quéqu'chose qui leur distrait la main, ils sont malheureux. Au choix : talkie donc, matraque, flingue, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un accroissement illusoire de la virilité présumée au moyen d'un pseudo symbole phallique (11).

M'enfin, c'est quand même pas possible (12). Ou le gusse il est en représentation, il vient de se déguiser en ce qu'il croit être un manifestant normal, et là faut se soucier de sa santé mentale, ou c'est sa tenue habituelle, et là faut tout aussi sérieusement s'inquiéter de sa santé mentale.

Etre sûr qu'on gardera jamais les trucs dont faut pas parler ensemble (13).













(1) : alors que si en fait.

(2) : attention, il est désormais interdit de représenter en dessin un policier avec une tête porcine.

(3) : pour mes rares lecteurs-ices ignares, ça veut dire que le mossieuh est fier de lui et passablement suffisant.

(4) : la série débile, pas le truc qu'on mange, hein...

(5) : aahhhh Hank Williams...

(6) : sans doute ceux qui pullulent dans les égoûts parisiens.

(7) : pub gratuite.

(8) : cf supra.

(9) : oui, elle est jolie et classieusement amenée celle-là...

(10) : une petite référence au grand Jacques ne fait jamais de mal.

(11) : fait chier ; parce qu'onze fait chier (ah ah).

(12) : cf (1).

(13) : tout est bon...



(OST : the Beatles - Piggies
merci au Thib' pour la tof)

mercredi, décembre 12, 2007

retour sur la plus belle manif du monde (31 mars 2006)




"Ultime communiqué du Comité d'Occupation de la Sorbonne en Exil

Les étudiants ont repris leurs études. Les facultés ont rouvert leurs portes et les professeurs leur claque-merde. Le cycle planétaire de la vie micro-dosée se terminera, comme prévu - comme toujours - en juin : les examens auront lieu puis on ira mériter ses vacances au soleil. Tout indiquerait un parfait retour à la normale s'il n'y avait de la part de tous un si notable empressement à le simuler. A faire comme si rien ne s'était passé, comme si une tout autre normalité ne s'était imposée pendant deux mois d'occupation. Une normalité où les amphis sont des dortoirs, où les voisins sont des camarades ou des ennemis, où la lutte rend les êtres désirables, et non plus seulement séduisants ainsi que le veut la séparation coutumière. A vrai dire, tout ce petit monde universitaire en fait un peu trop. Il y a une fébrilité, une exagération dans les expressions, une maladresse qui trahit le travail en cours : refouler l'évidence qu'il pourrait en être autrement, que la vie ne ressemble pas nécessairement à cette course de hamster en cage.

Et en effet, il n'y a pas de retour à la normale. Ce qu'il y a, c'est un processus de normalisation : une guerre à outrance contre la persistance de l'événement. Nous ne parlons pas de simples prises de conscience, de faits aussi communément admis, sur la fin du mouvement, que la fonction policière des syndicats, le nécessaire recours à la casse, la joie d'une vie passée à bloquer l'économie plutôt qu'à se laisser formater pour un jour la servir ou le retour du feu comme pratique politique élémentaire. Nous parlons d'amitiés. Toute amitié conserve une trace des conditions de sa naissance, du moment de la rencontre. Celles qui se sont nouées là garderont toujours une odeur de lacrymo, un petit éclat de voiture qui flambe, de vitrine qui tombe, une lointaine rumeur d'émeute ; qu'elles ramèneront. Les syndicalistes, les gauchistes, les militants ont vécu un mouvement social. Un de plus.

Les « mouvements sociaux », dans leur rituel cent fois répété et toujours défaits, sont une tolérance locale. Ils appartiennent au folklore de ce pays. « Pour notre honte », disent les uns, « pour notre gloire », pensent les autres. Dans tous les cas, ils font partie de la gestion démocratique à la française, dont ils sont le moment carnavalesque, après quoi tout rentre dans l'ordre. Les gouvernants peuvent bien jouer les monarques tant qu'ils laissent à la population le droit de mimer 1789.

Nous, nous avons vécu un événement. Un événement se reconnaît aux intensités qu'il produit - dépaver ensemble, à coups de grilles d'arbres, une place à touristes, coordonner une attaque au cocktail Molotov, discuter d'un texte jusqu'au petit matin -, non moins qu'aux failles qu'il dessine, aux possibles qu'il dévoile. Ce que nous voulons consigner ici, c'est ce qui a été acquis là d'irréversible, ce sur quoi aucune « fin de mouvement » ne peut revenir, ce qui fait des derniers mois non une parenthèse dans le cours régulé de la vie sociale, mais une seconde vague, après l'incendie de novembre, dans la douce montée d'une onde insurrectionnelle.
(...)

7.
Deux façons de se mouvoir dans la rue, dans la rue devenue espace hostile, propriété des flics, des automobiles et des caméras : le cortège et la bande. Le cortège : on arrive individuellement, on se joint pour quelques heures à ses « camarades », on braille quelques slogans auxquels on ne parvient plus à croire, les jours d'enthousiasme on chante des chansons qui feraient froid dans le dos si elles voulaient encore dire quelque chose, comme L'Internationale. Une sono vient avantageusement couvrir le mutisme de l'assemblée, et le vide des relations. Manu Chao, Zebda, La Brigada, etc. Puis chacun regagne, individuellement, son chez-soi où il a tout loisir de n'en penser pas moins. Promenade digestive pour bétail syndiqué, défilé de solitudes garanties par un service d'ordre. La bande : on débarque ensemble. On a pris un peu de matos. On a une petite idée de ce que l'on est venu faire là. Se taper avec les flics, brûler Paris, libérer la Sorbonne, dépouiller des magasins, des portables, se faire des journalistes ou des manifestants. On se meut comme un seul homme, à cinquante. Si l'un court tout le monde court, si l'un tape tout le monde tape, si l'un se fait taper, pareil. Réflexes de horde. Jargon commun. Disposition à la bêtise, au suivisme, au lynchage. Extrême mobilité. Hostilité à l'inconnu, à l'immobile. Plusieurs fois, dans les dernières années, ces deux façons de se mouvoir se sont rencontrées à Paris. Le 8 mars 2005, notamment, puis aux Invalides. Chaque fois, la confrontation a tourné à l'avantage des bandes. Chaque fois, l'individu séparé des cortèges, avec sa liberté d'expression, son droit à être lui-même, à avoir son portable, son compte en banque et ses dreadlocks, s'en est tiré meurtri, traumatisé. Traumatisé par des gamins de quinze ans. Traumatisé par une cruelle alternative : s'organiser à son tour en bande ou bien finir sur le carreau. A moins de prendre son parti de cette vérité : l'individu libéral a la police pour condition. C'est cette évidence que l'ON a voulu dénier, après chacune de ces confrontations, par un brutal accès de mauvaise foi.

22.
Vendredi 31 mars. Allocution sénile de Chirac. Des rassemblements spontanés en plusieurs points de Paris. Qui se cherchent, se trouvent, convergent sur l'Elysée, refluent, obliquent, pour éviter la gendarmerie mobile. 3000 personnes de 8 heures du soir à 4 heures du matin. Une errance sauvage de 25 kilomètres. Foule de tous âges, de toutes tendances, idéalement désarmée, désemparée par sa propre puissance sans emploi. Qui passe le pont de la Concorde, arrive sur l'Assemblée Nationale avant les flics, qui y serait entrée si elle avait eu ne fût-ce qu'un pied-de-biche. Qui faillit forcer les portes du Sénat. Passe devant le Palais de Justice. Qui remonte vers Barbès et ravage tout ce que les boulevards de Sébastopol et du Magenta - le fameux « espace civilisé » du Magenta - recèlent de banques, d'agences d'intérim, de brasseries branchées, au cri impérieux de « Paris, debout, réveille-toi ! ». Puis qui salue les prostituées de Pigalle, monte vers le Sacré-Coeur - « Vive la Commune ! », entend-on dans les bouches avant de le lire, taggué sur l'ignoble édifice -, échoue, là aussi, à y entrer pour l'incendier. Feu de joie, donc, devant le Sacré-Coeur. Un dernier Mac Do vole en éclat. Et sur le chemin de la permanence de Pierre Lellouche, qui partira bientôt en miettes, cette dame d'une cinquantaine d'année accoudée en nuisette à son balcon, qui passe à tue-tête « Les mauvais jours finiront » - il est trois heures du matin. Nous avons parcouru ce soir-là, dans une récapitulation mélancolique, tout ce qu'il nous faudra, pour commencer, brûler."



Salut,

J'ai relu avec intérêt l'ultime communiqué du comité d'occupation que j'avais tenu quelques instants entre les mains dans le métro un autre soir.

Petites réflexions donc, au delà de la justesse des propos :


- On retrouve passim certaines allusions à des graffitis lors d'une manif sauvage à Belleville (vers le 6 ou le 7 avril, je crois), manif d'autant plus vite coupée qu'elle promettait d'être showtime. Le temps est une invention des gens incapables d'aimer. Le moi est une prison. Ici bientôt insurrection. Il n'y aura pas de retour à la normale (au futur). A bas les slogans. Manif qui me semble exemplaire "de la guerre en cours" mise au jour par les événements de mars-avril. Pourtant, aucune allusion explicite dans le communiqué.

- Merci d'avoir mis la Brigada sur le même plan que Manu Chao.

- Peu en accord, en revanche, avec certains termes employés dans le chapitre 22. et final (donc important), sur le 31 mars nocturne : "errance", "qui y serait entrée si elle avait eu (...) un pied-de-biche", "récapitulation mélancolique". Et sur le fait que ça commence à péter à Magenta. De même que les Communard-e-s ont été terrifié-e-s à l'idée de toucher à la Banque de France, je pense que nous fûmes aussi effrayé-e-s ce soir-là de voir la force collective se dégageant du cortège et la possibilité effective de pénétrer DANS l'Assemblée (nul besoin de pied de biche, une légère escalade de grilles suffisait) ou DANS les organes effectifs de l'Etat. Première manif à passer sur le pont de la Concorde depuis 1934 (et c'était les ligues fascistes à l'époque). Nous étions AU-DELA du symbole en ce début de soirée. Quartiers peu habituels à la plupart des manifestant-e-s, besoin de retrouver des certitudes en repiquant vers le traditionnel pélerinage sorbonnard. Et ce que nous ne cassâmes pas où nous aurions dû le faire, on le fit dans des quartiers bien plus populeux et "habituels". La fête des fous en répétition générale dans l'ivresse du symbole en actes. La suite de la manif est un hommage et retombe pour le coup dans ce qui ne ressort plus du domaine du POSSIBLE mais du CERTAIN.

bien à vous...



(OST : les Papillons - les Poètes professionnels
merci à Thib' pout la tof)

mardi, décembre 11, 2007

la smala (suite)



CECI N'EST PAS UNE IMAGE JUSTE
CECI EST JUSTE UNE IMAGE
(CECI N'EST PAS UNE PIPE NON PLUS)

samedi, décembre 08, 2007

Lettre au père

(Précision en réponse à l'avalanche de sacs postaux, de mails et de coups de fils : Si cette lettre bien réelle a été envoyée, il est à préciser - bikoz c'était peu clair pour certain-e-s - que je n'ai pas eu de gosses pour autant. Magie de la nature, parfois... Dont acte.)






"Je fore
Je creuse

Je fore
Dans le silence"

Eugène GUILLVEIC



28 Janvier 2004,


Ce sera donc la lettre ultime, celle qui essaiera de (tout) comprendre, de faire comprendre, celle qui espère plus que jamais une réponse, un mot ; celle après laquelle il n’y aura d’autre possibilité que le silence, si elle reste vaine.

Comme je te l’écrivais la dernière fois, il y a eu pas mal de bouleversements ces derniers mois. J’ai re-vécu ta situation quelque vingt-cinq ans plus tard, ce qui a provoqué des accès d’angoisse pure, chronique, invivable. Tout connement, comment pouvoir me retrouver en tant que moi quand je me sentais à la fois proche de cet enfant qui allait naître et ce statut de père à assumer contre son gré, à assumer puisqu’il était, dès le départ, hors de question que je réagisse à ta manière. Ne vois pas ici un blâme mais une simple conséquence de mon expérience de fils sans père.

J’ai pu ainsi entrevoir une bonne partie des sentiments que tu as dû éprouver toi aussi, quand tout tient dans la parole d’une mère et que tu te retrouves littéralement pris au piège. Ça me rappelle ce mot que tu avais écrit pour ma naissance et que j’ai retrouvé en fouillant dans les papiers de ma mère (oui, je sais, c’est mal, mais c’est avant tout mon histoire) et que, depuis, je garde précieusement : "Les raisons pour lesquelles je ne suis pas revenu sont nombreuses mais je me sentais en quelque sorte pris au piège…". Les mots sont étrangement les mêmes, la situation aussi. Comment moi, ayant pendant plus de vingt ans abhorré, exécré, vomi, renié un père qui m’avait, croyais-je, délaissé, comment pouvais-je avoir une chance sur un million de revivre la même situation et d’avoir fait un gosse sans le vouloir ?

Et le critère de cette putain de paternité ? Suffit-il de coucher avec une meuf qui tombe enceinte et refuse d’avorter qui fait de toi un père ? Partager la vie d’une femme qui a eu des enfants précédemment et que tu es amené à considérer comme les tiens propre ? Un peu des deux, des trucs en plus, des conneries de conceptions judéo-chrétiennes, l’image que tu te fais de pouvoir avoir donné la vie, rien de tout cela ?

J’en sais foutre rien, mais une chose me semble sûre, c’est que doit se ressentir une forme d’honneur et de devoir par rapport au gamin que tu as conçu, même si tu ne l’as pas voulu. Je reconnais que notre misérable faiblesse humaine, qui plus est masculine, fait que c’est loin d’être facile. Je comprends ton attitude, ton silence et ton refus d’avoir quoi que ce soit à voir avec une décision que tu n’as jamais prise ni sans doute envisagée, ce n’est pas pour autant que je cautionne ton attitude.

C’est toujours moi qui ai dû chercher, comprendre, venir te voir une fois (mais j’y reviendrai), t’écrire. Un tel événement -avoir un gosse- est-il donc si insignifiant pour toi que tu ne te poses la moindre question, que tu n’aies le plus petit regret, la moindre honte, un quelconque soupçon de sentiment de culpabilité ? J’en appelle à l’homme conscient de ses faiblesses, l’homme ayant une femme et des gosses ; cette fille que j’ai entrevue le soir où je suis venu sait-elle seulement que son père…?

Tu n’as pas eu une seule fois le courage ni les couilles de me parler franchement. Je sais que bien des enjeux me dépassent de loin, mais je n’ai nulle envie de pourrir le restant de mes jours en ignorant tout de celui de qui je tiens la moitié du patrimoine génétique, que ça lui plaise ou non.

Tout au long de ces années, je t’ai d’abord haï, j’ai voulu t’ignorer, toi que je jugeais être l’unique responsable de mes malheurs (comment ne pas se sentir différent, exclu, peu sûr de soi quand plane au-dessus le fardeau du tabou et des non-dits ?). Hélas, cette volonté de t’ignorer me faisait encore plus penser à toi et encore plus te haïr, jusqu’à ces foutues journées où je n’en pouvais plus et où je dus venir te voir.

Je sonne, fébrile comme jamais, tu ouvres la porte, nous nous taisons quelques instants que je me rappelle interminables, je comprends à cet instant en te voyant, physiquement, tout ce je te dois, ta taille, tes yeux, je comprends à cet instant que tu es mon père et un truc dans le même genre doit te chambouler le crâne. Terribles instants où la vie bascule en une demi seconde.

De mémoire, la suite donne ceci :

« - Alors, z’êtes mon père ?
- Euh il paraît, oui.
- …
- Venez dans mon bureau. »

Ce vouvoiement qui me débecte encore aujourd’hui ; comment as-tu pu, en me voyant, en chair et en peur, devant toi ? C’était pas suffisant que je me mette minable à ce point devant toi pour que tu me traites comme le premier étranger venu, celui qu’on vouvoie et qu’on accueille dans son bureau ?

Et les lettres qui ont suivi, pour le fric, pour le rien, pour t’annoncer cette putain de nouvelle, t’as toujours pas compris que c’était un appel au secours, une demande d’aide, d’amour, un voeu intense de dialogue, de tout ce que t’as pas fait, de te voir, me parler ou m’écrire, tout simplement ?

Encore aujourd’hui, je ne suis pas au clair vis-à-vis de toi ; je ne sais pas ce que j’attends, ce que j’espère, ce dont je rêve. Sans doute l’image d’un père clair, sinon face à moi, du moins face à lui. Ce doute m’obsède encore et encore et toujours. J’en ai ras-le-cul de vivre avec mes angoisses, ma faiblesse, mes rendez-vous bihebdomadaires sur un divan de merde, mes questions à la con, ma bite qui veut bien bander une fois sur deux, mes rancoeurs à ton encontre ; et même si ce n’est qu’à moi de régler toutes ces merdes, je sais qu’elles ont un rapport avec toi, toi que j’aimerais considérer autrement que comme un connard sans scrupules.

Je me débats donc avec mes névroses, je cherche, j’ai peur, j’écris. Là se trouve ma vie, la seule part de liberté que je pourrai jamais conquérir, c’est pas gagné, mais bon, j’essaie. Et forcément, le p’tit gars Kafka qui rôde entre les lignes, en filigrane : "Bien sûr, c’est une illusion, je ne suis pas, ou dans le meilleur des cas pas encore libre. Ce que j’écris traite de toi, je ne fais là qu’exprimer des plaintes que je ne peux exprimer contre ta poitrine. C’est, volontairement tirés en longueur, des adieux que je te fais, à cela près qu’ils me sont imposés par toi, même s’ils suivent une direction déterminée par moi."

J’ignore évidemment quel sera notre futur. Là encore, je cherche. Répondras-tu, comme je le souhaite tant, à cette putain de lettre, te tairas-tu encore, jusqu’à la mort, par delà ta mort ? Qui sait ce que l’avenir me réserve ? Toi, et seulement toi, juste un peu de courage et de couilles, je t’attends.


Bien à toi.





(OST : Barbara - Nantes)

jeudi, décembre 06, 2007

mes z'ami-e-s, mes z'amours, mes z'emmerdes...

"Ceux qui essaient de pactiser deviendront images.
Ils pâliront.
Ils pâliront aussi soudainement que les photographies que l'on expose à la lumière du soleil sur la table du petit déjeuner.
Cuites et gondolées à midi.
Lambeaux crevés lors de la rosée nocturne qui amène le lendemain."

Pascal Quignard, les Ombres errantes.




Me revoir, y a dix ans, à son âge, illusions qui minent le crâne, insouciance, premières manifs, premières émeutes, et le talent brut qui renverse tout sur son passage. Se croire (presque) éternel. Courir partout, happer et vomir le monde dans un immense éclat de rire ; une rage élémentaire, primale et salutaire.

Le temps des photos jaunies aux cheveux longs idées courtes, au t-shirt guévariste et à l'éternel keffieh.

Se chercher, vaguement aussi ; donner un sens à ce tout ça qui embrouille un peu mais semble faire sens dans les yeux et les mots de quelques autres.

Et des rencontres, fatalement. Premières manifs loin de la ville natale, avec des historiques-hystériques qui m'en apprirent plus en une nuit que... Des repas où le couteau rouillé trancha le pain de l'amitié. Des moments où les corps se rapprochent, se serrent dans l'intimité des gaz et des pavés qui volent sous nos rires. Apprendre, recevoir, toujours.

Et puis le temps passe, la Moselle continue à couler, premiers gros coups dans la gueule, premières gardav', le sourire des vieux briscards face à cet autre baptême du feu, leurs conseils, leurs présences. Mon chemin avec le leur qui m'ouvre parmi les plus belles bibliothèques que je connaissse.

Faire un bout de mon chemin, seul, porteur de cet héritage.

Et rencontrer ce gamin, l'oeil collé au viseur, m'éprendre d'affection pour son talent, puis pour ce gosse lui-même. Et l'amitié. Et transmettre, à ma manière. Comme un hommage. Comme un devoir.

Me revoir, y a dix ans, à son âge...





(OST : Sabac Red - Fight until the end)

mercredi, décembre 05, 2007

le temps des queues de cerise

"mes larmes
grésillent
en éteignant les braises"

Kobayashi ISSA







(OST : Daphné - Mourir d'un oeil
merci Zita pour la marvelous song que voici...)

lundi, décembre 03, 2007

surtout, penser à faire les commissions !

"Nous nous sommes réunis jeudi après l'AG pour discuter des différentes possiblités de décorer la fac.

Nous avions donc décidé d'accrocher des guirlandes et banderoles de manière artistique afin de créer un milieu festif et convivial dans notre fac.

Des individus non-identifiés (tendance autonome) ont décoré la fac à leur manière en inscrivant des slogans poitico-poétiques, tels que :
- Le travail est à la vie ce que le pétrole est à la mer
- Le droit à la vie ne se mendie pas, il se prend, etc etc...

Nous ne saurons condamner ces sympathiques expressions créatrices qu'il n'est pas de notre ressort de contrôler. En effet, le graffiti appartient au meilleur des mouvements populaires (cf la Sorbonne en 68). Il n'est pas une dégradation, mais une amélioration.

Bien évidemment, la Commission Décor condamne sans retenue les actions artistiques telles que : vomis, mégots, bouteilles vides, etc.

Nous sommes ouverts à toute contribution à l'esthétique de Tolbiac.


La Commission."

Compte-rendu de la Commission Décor de Tolbiac,
mars 2006 ,
(mouvement dit "anti-CPE")




Si y a bien une chose over importante pendant un mouvement étudiant, c'est les commissions.

Passkeuh, l'air de rien, sans commissions, le mouvement il meurt.

Bien sûr y a les AG, grands messes où même les anti-bloqueurs peuvent venir prendre la parole et appeler au citoyennisme et à la méritocratie (tout en pourfendant le déni de démocratie et la voyoucratie) ; mais les anti-bloqueurs n'ont pas encore poussé l'entrisme jusqu'à s'infiltrer dans les commissions.

Le truc bien avec les commissions, c'est qu'on peut en faire sur tout et surtout sur nimp'.

Commission Décor, donc, histoire de mettre deux guirlandes.

Commission Analyse, histoire de pomper sur google de quoi que ça cause vraiment le CPE ou la loi Pécresse.

Commission Bouffe, pour récolter les thunes et aller chercher des bières au Proxi du coin.

Commission Action, la fameuse, celle qui prévoit les objectifs stratégiques des jours à venir (On part à quelle heure pour la manif à Bastille ? On bloque le B ou le D ? Tiens, et si on attaquait le comico ? Naaaan, trop tôt, le mouvement n'est pas encore assez légitime...).

Y a aussi les commisssions tarot et djembé mais celles-là, elles sont plutôt du domaine de l'informel et du toléré.

Sûr que quelque part doit même y a voir la Commission Commissions.

Ce matin, à Nanterre (pas mes rêves !), l'ambiance est plutôt tranquilloute à l'heure des poules et du début de blocage. Y avait pourtant bien des rumeurs de "blocage Armaggedon", avec casques et barres à mine, mais finalement non. On zone grave. Ca sent la fin de mouvement, la déception, et l'autodérison sans laquelle on peut se tirer une balle tout de suite. L'UNEF et la JCR ne donnent même plus l'illusion de leur présence.

On se marre malgré tout avec les "excité-e-s" : cette dizaine d'infâmes "anarcho-autonomes rompu-e-s aux techniques de guérilla urbaine" selon le pertinent mot du sieur président de la fac Audéoud.

Et on décore.











(OST : Kinky Beat - Monster)

samedi, décembre 01, 2007

Cesser d'espérer (manifeste préalable)




1. Nous vivons une période pré-révolutionnaire. Une période pré-révolutionnaire est celle qui voit la naissance d'une nouvelle idéologie ; nous gerbons sur l'idéologie, nous n'avons que des idées : celles-ci restent à définir.

2. Les utopistes sont ceux-elles qui croient qu'en se contentant de changer les structures sociales, on changera l'esprit des choses.

3. Toute lutte est politique ; la politique n'est ni courage ni débauche, elle est un simple devoir.

4. Danser. Partout. Tout le temps. Debout sur les tables de bistrots. Dans l'ivresse de la rue, des transports en commun, ou de la nuit. Sur une barricade. Sous les lampions du bal. Ailleurs. Danser. Danser. Un monde qui ne danse plus ne mérite pas d’exister.

5. Prendre dans ce qui existe tout ce qui est bon et tout ce qui a été défiguré.

6. Que toute personne se laisse chavirer par son enthousiasme, sans se sentir coupable. Réapprendre le sens de l'humain.

7. Toute personne qui a peur de l'aventure doit savoir qu'elle n'a peur que du changement. Nous avons assez interprété politiquement le monde ; il faut maintenant se transformer.

8. La majorité intellectuelle, politique et sociale de tou-te-s est instituée. Handicapé-e-s, jeunes, alzheimerien-ne-s, autres (à définir).

9. Que toute personne qui ne comprend pas vienne discuter. Tout peut s'expliquer à tou-te-s.

10. Nos structures psychiques doivent se saborder pour céder la place à l'imagination d'un monde nouveau. Notre héritage n'est précédé d'aucun testament.

11. Nous vivons une période critique, quiconque ne le saisit pas ne peut rien comprendre au monde.

12. Arrêter la fuite en avant de la routine stérilisante de tout travail parcellaire. Et rire.

13. Toutes les notions existantes sont périmées et à repenser.

14. Le travail est aboli ; des dispenses spéciales pourront néanmoins être accordées à ceux-elles qui souhaitent se mettre en grève.

15. Retrouver le goût du mot juste et de la pensée adéquate. Tailler le jargon au scalpel.

16. Tout esprit peut imaginer des idées nouvelles et être créatif.

17. Seule l'autonomie véritable permet la créativité.

18. La notion de conflit de générations doit disparaître du monde : elle n'est qu'un maquillage de la lutte pour le pouvoir.

19. Que les "pères" jouent leur rôle de "pères", et la révolution sera évolution.

20. Toute personne qui considère l'émotion comme étrangère à la pensée logique doit se défaire sur le champ de cette vision idéaliste.

21. Toute création part d'une émotion.

22. Éprouver charnellement, le désir, la colère et la joie.

23. Une société qui détruit toute aventure fait de sa destruction toute aventure possible.

24. Toute création doit apporter des éléments de vie.

25. Les hommes des institutions en place doivent continuer d'expédier les affaires courantes ; ils doivent fournir le pain quotidien. Demain nous le ferons pour eux, et nous donnerons la culture en plus.

26. Tous ceux-elles qui ne sont pas chargé-e-s d'expédier les affaires courantes doivent se défroquer, descendre dans la rue, et remettre en cause leurs méthodes de pensée.

27. Manger et se reposer chaque jour. Voire boire.

28. Il faut discuter partout et avec tou-te-s.

29. Être responsable et penser politiquement appartient à tou-te-s; ce n'est pas un privilège d'une minorités d'initié-e-s.

30. Qu'on ne s'étonne pas du chaos, il ne faut pas en sourire ; il ne faut pas s'en moquer ou s'en réjouir : c'est la condition d'émergence des idées neuves.

31. Que les "pères" du régime comprennent que l'autonomie n'est pas un mot creux, elle suppose la mort du pouvoir, c'est-à-dire un changement de monde.

32. Que personne ne cherche à mettre une étiquette au mouvement actuel, il n'en a pas, il n'en a pas besoin ; le mouvement se crée de lui-même avec tou-te-s ceux-elles qui viennent le rejoindre en laissant chez eux tout ce qu'ils ont cru jusqu'à présent.

33. Que ceux-elles qui refusent de comprendre prennent leur retraite. Ad aeternam. Qu'ils aillent croupir dans les flammes éternelles d'un quelconque enfer.

34. Construire des milliers de parkings pour que les enfants puissent jouer aux billes dans les caniveaux.

35. L'intelligence est une affaire collective.

36. Sous la lutte des classes, il y a fondamentalement une lutte pour le pouvoir.

37. Oser pleurer. De peur. D'émotion. De joie de vivre.

38. Pour réapprendre à penser, sabordons-nous en tant qu'individus conditionné-e-s par une classe.

39. Jouer.

40. Dieu est mort. L’Art est mort. Tuons le Michel Sardou, le flic, le Philippe Bouvard, le rêve de pouvoir et de gloire qui est en chacun-e de nous.

41. Que le goût des fêtes nous revienne.

42. Le drapeau rouge peut mourir. Le drapeau noir aussi. Les ancien-ne-s nous ont juste transmis un rêve de liberté payé de leur sang.

43. Chanter.

44. Que l'on invente de nouvelles saisons. De toute manière, y a plus de saisons.

45. Le présent manifeste institue la liberté du monde. Pour nous. Pour nos soeurs et nos frères. Pour le monde. Le présent manifeste n'est d'aucun pays. Il est de coeur, d'intelligence et d'émotion.

46. Seul l'éclatement de nos actuelles méthodes de pensée permettra de penser un monde nouveau.

47. La vie est ici. La vie est ailleurs. Nous sommes en route.

48. Nous sommes faits de l'étoffe dont sont tissés nos rêves.

49. À partir de la créativité de chacun-e, une nouvelle culture et de nouvelles idées seront fondées. Un nouveau manifeste en sera l'émanation. Il sera, à son tour, en fusion perpétuelle grâce à l'apport de chacun-e.

50. Le point 50 reste à définir. Il s'appelle l'Imagination.


NOUS SOMMES EN MARCHE
NOUS SOMMES AU MONDE
NOUS SOMMES LE VENT
VIENNE LA TEMPÊTE


Changez les mots s'ils ne vous conviennent pas,
Rajoutez,
Supprimez,
Reproduisez ce tract,
Et diffusez-le.
Ou pas.



LA-FRANCE-DES-CAVERNES




(chopé sur http://liège.indymedia.org
OST : Superflu - le Secret)

mercredi, novembre 28, 2007

ubi tumultum facimus, vitam appello, vol. IV

des mots, ici, ailleurs, autre part, en passant...

















(OST : NTM - On est encore est là)

lundi, novembre 26, 2007

comment dire...

à Moushin & Larami.




Y a des mots qui sont parfois bien durs à sortir, des parallèles évidents et pourtant des enchaînements d'idées qui ne se font pas, peut-être la faute au vin chaud qui embaume l'appart' et monte à la tête, sans doute parce que je suis trop dedans depuis deux semaines, à coup sûr parce qu'il n'y a pas de lien, alors que tout est si évident...

Ca se voulait au départ un texte hommage à la Commune de Peter Watkins que je viens enfin de voir (en deux jours, version DVD complète, 5 heures 45...), et blam la réalité qui me rattrape alors que je mets sur pause hier soir et vérifie Indymedia par principe.

Deux gosses de plus.

Combien de mort-e-s ?

Deux gosses de plus, du fait d'un accident de mini-moto percutant un véhicule de la police nationale de France. Ou l'inverse. Va pas falloir compter sur l'IGS pour faire la lumière. Un quartier qui commence à cramer.

A ce moment du film, c'est la joie des premiers jours suivant le 18 mars 1871. L'ivresse des crosses en l'air, l'ivresse du vin et de l'amour, et de l'espoir. Les chants, les débats, la vie. Et la danse sans laquelle aucune révolution ne sera la mienne. Danse, bordel. Danse.

Le sourire me quitte, forcément.

Allers-retours entre le DVD et internet pour me tenir au courant. Je suis à plein dans ce que dénonce si brillament le Watkins au sujet des médias et de la communication.

J'apprends que toutes les brigades anti-criminalité d'Île de France, ainsi que dix compagnies de CRS et de gendarmes mobiles ont été envoyées sur place pour mater une centaine de gosses ivres de rage, de vengeance et de deuil.

La banlieue et la Commune s'entremêlent, ça tourneboule dans mon crâne, je rappuie sur play, le lendemain Nanterre, la fac et les gosses, mardi sans doute à Saint Denis, la sortie foirée sur Versailles, novembre 2005 et la banque de France qui ne sera jamais prise. Et une foutue demoiselle qui me chatouille les méninges et les tripes. Kill my imagination, kill my president, kill kill kill....

Les femmes s'organisent pour secourir les blessés, on ne sait pas encore combien de commissariats ont cramé, sourire à la réception d'un mail attendu, la Commune vient de décreter la république universelle, c'était fin nul à la fac aujourd'hui, allez les gosses foutez le raffût, il prend le temps le Watkins, des débats, des silences, de l'exaltation, du péremptoire, et du rêve, les affrontements semblent avoir repris cette nuit à Villiers-le-Bel et s'étendre -selon les rumeurs- de Sarcelles à Cergy, "la Révolution, c'est vouloir le bonheur", vouloir danser, bordel de merde...

Ne pas chercher à faire se rejoindre les parallèles. La semaine sanglante, des gosses qui meurent ; se dire que seuls la danse, la rage et l'amour nous sauveront.




(OST : Riton la manivelle - Elle n'est pas morte)

dimanche, novembre 25, 2007

le voyage en Grèce, last day, last night




L’au revoir aux copain-ine-s, forcément. Ouverture d’un centre social, deux cents anars ont fait le déplacement. Tristesse des séparations. Se revoir, bientôt, dès que ça chauffe, ici ou là. Ou même si ça chauffe pas, d’ailleurs. Juste pour la joie.



"Quand on transforme l'authentique jouissance en plaisir marchand, la destruction du système devient une oeuvre d'art."



Rideau.

samedi, novembre 24, 2007

dix ans (et une question)

24 novembre 2007, je me réveille avec FIP. "Du bout des lèvres". La journée s'annonce douce, belle, et froide.

Café.

Indymedia, comme d'hab'. Et cet article...





"Tout l'été de cette année s'est passé, dans la presse, dans le Monde, dans Libé, à tenter de définir l'identité française. On n'est pas sûr que les penseurs qui ont pensé pour nous aient réussi à y arriver. Le sujet était paraît-il d'actualité, il était aussi sans doute fortement conflictuel. La langue, la culture qui ossaturent supposément la chose sont sans doute pour quelque chose dans notre identité s'il y en a une. Mais bon ! ça fait peut-être un peu léger de se contenter de dire cela. Les cultures ne sont pas éternelles, on le sait, la langue elle-même est évolutive, et la langue est aussi largement concurrencée.

Une identité en deux mots est faite d'un présent-présent, d'un passé, pour autant qu'il est encore présent, elle est faite à coup sûr d'un futur également, car s'il y a dans l'identité du posé bien réel, il y a aussi du mythe, du rêve, de l'imaginaire, il y a de l'espérance, il y a des trous et du vide instauré. Etre français par exemple, c'est n'avoir pas de handicap franquiste, être français c'est avoir rejeté le pétainisme même si la France fut pétainiste dans les faits.

Dans l'identité, il y a du corps, des attitudes, du sentir et de la manière de penser, voyez si c'est simple ! Y a aussi des lieux communs, mais qui finissent par s'effacer. Y aussi des tas de trucs dans les tiroirs : Vieilles images, photos jaunies qui durent l'espace d'une grosse génération, probablement à peine plus.

Un ami africain, au bout d'une nuit bourrée définissait ainsi la francité : un ballon de côte du rhône, un oeuf dur à casser sur le zinc, une gauloise au bout des doigts : Ca se défend, est-ce que ça instaure pour autant une complète éternité ?

Ok encore pour le camembert, ok pour Descartes, ok pour le champagne, déjà ce n'est plus vrai pour la baguette et le béret basque.

Voyons d'autres détails encore, sont-ils plus probants !

Bien sûr ! qui, sans s'y attendre, n'a pas entendu, très loin, là-bas, à 13 000 kilomètres d'ici, un choeur chanter "A la claire fontaine", l'attrapant de dos, n'a pas subi l'épreuve vraie de son identité ! Les esprits forts diront : nostalgie perso sans plus !

Le Français, il est vrai, répétons-le n'a plus son béret basque, plus sa baguette sous le bras.

Ceux des péquins ordinaires, bourgeois petits et tellement tellement d'ouvriers, qui achetèrent Hugo en souscription de son vivant pensaient sans doute que le monde à eux étaient exactement fixé, le million qui l'accompagnèrent au tombeau le pensèrent plus encore. Le pensez-vous, le pensons-nous encore ?

Après le poète, il y eut les chanteurs et les lieux de l'identite : Bruant, Chevalier, Mistinguet, Tino, Piaf, Brel, Georges, etc. Montparnasse, Montmartre, Saint-Germain des près. Il y eut du ciné, des écrivains, etc., diverses célébrités de Raimu à Camus. Ces temps sont sans doute passés en même temps que passaient arrière-grands-parents, grands-parents, parents, et en même temps que nous passons un peu ou beaucoup nous-mêmes...

On ne sait plus en vérité ce que nous sommes exactement (on notera qu'on n'a pas dit, d'où venons-nous ? ou allons-nous ?).

Tiens je te pose une question.

Demain 24 c'est Barbara, dixième anniversaire de sa disparition, tu l'auras tout plein sur les ondes et tout plein sur les écrans. C'est quoi Barbara pour toi ? Une Oum Kalthoum à sa façon aussi vaste que la première, une deuxième Gréco ?"







  • Alain
  • merci pour le texte !

    vendredi, novembre 23, 2007

    ubi tumultum facimus, vitam appello, vol. III




    Spéciale kassdédi à ceux sans qui rien de tout cela ne serait possible :








    En somme, comme ils l'avaient annoncé lors de la manif du 20 novembre, au milieu des cheminots, des étudiants, et de tous les autres :





    (OST : Offspring - Why don't you get a job ?)

    mercredi, novembre 21, 2007

    le voyage en Grèce, vol. XII

    Réveil à 5 heures. Le froid de la nuit. Rassembler les affaires. Commencer à monter. Le litre et demi de Retsina tape encore dans le crâne et les jambes.

    La lumière, doucement, s’adoucit.

    L’aube, l’aurore ; et le miracle. Tous les matins du monde.




    Je m’enivre, bien autrement que la veille. Les oiseaux se mettent à chanter. Le centre du monde.




    Une source. « Retrouver le geste ancien de boire » disait en substance Guillevic je ne sais plus où.

    Sanctuaire d’Apollon. La chance de la solitude. Personne d’autres que des oiseaux, la lumière, et les traces des petits pieds enflés d’Œdipe. La Pythie m’attend.



    Moments de grâce, l’émotion me bouffe. Larmes.

    Le temple d’Apollon, se dire qu’il faut renoncer aux mots, aux images, à toute tentative de représentation. Je suis au monde, je suis ailleurs.





    Le vent et la lumière, la chaleur qui commence à monter au fil du soleil qui, peu à peu, éclaire les marches du théâtre. Je relis Sophocle. Un rossignol se met à chanter. Un rouge-gorge s’amuse. Au loin, les oliviers dans la brume et le ciel, bleu, si bleu.





    J’entends les premiers cars de touristes. Je peux redescendre, maintenant. Des cloches et des bêlements ; un berger sort ses chèvres dans la vallée.

    L’aube, l’aurore, tous les matins du monde.

    Le soleil se lèvera toujours sur Delphes.





    Musée archéologique de Delphes. Groupes scolaires qui hurlent et courent de partout. Groupes de vieux allemands en short. Le cauchemar à hauteur des heures de magie que je viens de vivre. L’omphalos et l’aurige, malgré tout. Mais putain que je suis heureux d’être arrivé si tôt au sanctuaire.




    Attente du bus qui me ramènera à Athènes. La sono d’un café pour touristes passe une soupe internationale du plus mauvais goût. Et d’un coup, l’éclat de rire intersidéral. Amel Bent qui se met à beugler « ma philosophie ». Ici, à Delphes. Cette abrutie d’Amel Bent qui ose parler de philosophie. Franchement. A Delphes. Tremble, Apollon, la France représente…

    « Je n'ai qu'une philosophie
    Être acceptée comme je suis
    Malgré tout ce qu'on me dit
    Je reste le poing levé
    Pour le meilleur comme le pire
    Je suis métisse mais pas martyre
    J'avance le coeur léger
    Mais toujours le poing levé

    Viser la Lune
    Ça me fait pas peur
    Même à l'usure
    J'y crois encore et en coeur
    Des sacrifices
    S'il le faut j'en ferai
    J'en ai déjà fait
    Mais toujours le poing levé »

    mardi, novembre 20, 2007

    interlude (avant la manif...)



    1er mai 1919, la presse serine avec la menace anarchisante et agite le spectre du vilain bolchevique au couteau entre les dents prêt à égorger le premier bourgeois qui descendrait sur le trottoir...

    La CGT (attention, la CGT de l'époque, hein, la vraie issue de l'AIT) appelle à une putain de démonstration de force pour fêter le jour des travailleurs et des travailleuses (qui travaillent pas beaucoup à l'époque, mais c'est une autre histoire).

    Et les ouvriers parisiens, ceux qui ont réussi à survivre à la tuerie de Quatorze, les fils de Communards exilés en Nouvelle Calédonie, décident de s'en payer une bonne tranche. De rire et de couteaux.






    (OST : Pigalle - un Petit paradis)