vendredi, septembre 28, 2007

Foucault (non, pas Jean-Pierre, l'autre !!!)


J'écoutais Michel Foucault, hier soir. Ca fait du bien, sacrément du bien, une petite pause d'intelligence et de "bon sens", comme dirait l'autre abruti. Parce que si le bon sens est la chose la mieux partagée au monde, la vilaine société elle est pas trop partageuse. Mais c'est une autre histoire.

Foucault, donc. "Les Hétérotopies" et "l'Utopie du corps", deux conférences radiophoniques diffusées sur France Culture les 7 et 21 décembre 1966 (CD, INA mémoire vive, réf : IMV056 NT92). A l'époque où France Cul, ça voulait dire quelque chose. Pas avec Alexandre Adler qui chronique au matin... Un peu comme y a quelques années quand arrivaient enfin les émissions de la nuit de France Cul, les rediffs d'entretiens improbables ou les conférences sur le statues de sable en Mésopotamie. Ces rediffs qui commmençaient par un jingle hallucinant où un mec disait "il y a les régions ouvertes de la halte transitoire (gares, cafés..) et les lieux fermés du repos et de chez soi".

Ce mec des régions ouvertes de la halte transitoire, c'est Foucault, au début de sa conférence sur les hétéropies. Ca commence comme ça : "Il y a donc des pays sans lieu et des histoires sans chronolgie". Tout ce qui naît dans la tête des hommes et dans l'interstice des mots.

Arrive une splendide exemple des contre-espaces, ces lieux détournés de leur usage, ces utopies localisées : plus que le fond du jardin ou le grenier, c'est le grand lit des parents. Pour les gosses, c'est l'océan puisqu'on peut y nager, c'est le ciel puisqu'on bondit sur les ressorts, c'est la nuit puisqu'on peut devenir fantômes entre les draps, c'est "le plaisir enfin, pusqu'à la rentrée des parents, on va être punis".

Bon, ensuite ça s'embrume un peu. Il était tard j'étais fatigué, je prenais plus trop de notes. En résumé ça donnait ça.

Il n'y a pas une société qui ne construise ses hétérotopies. Par exemple les sociétés primitives ont des lieux sacrés pour les gens en crise biologique (maisons spéciales pour femmes en couche) alors que pour nous, les premières manifestations de la sexualité ont lieu en-dedans de la société.

Là ça devient carrément le bordel dans mes notes. "Rapport entre les maisons de retraite, l'oiseveté et la déviation constante"." Le téléphone a substitué un réseau arachnéen bien plus subtil la maison de nos aïeux".

Les cimetières, par contre, c'est vachement intéressant (ça rejoint Ariès, Vovelle et Morin). On pense pas assez au fait que les cimetières sont construits à la limite des villes, officiellement pour virer les infections, mais surtout pour éloigner la mort du regard, principalement au XIXème ; d'où le drame de 1914, quand un siècle de volonté d'éloignement de la mort resaute à la face de l'Occident.

Ensuite ça parle des tapis et des jardins en Orient, "juxtaposition d'espaces incompatibles". Ah tiens les romans seraient nés dans les jardins... "L'activité romanesque est une activité jardinière". Sur le coup j'ai capté mais là, impossible de réexpliquer pourquoi. Merde alors.

Je zappe un peu la suite, manque de m'endormir et sursaute à l'écoute de la conclusion, une merveille absolue de clôture, de style, d'ouverture, d'intelligence, de perfection. Je la réecoute, encore et encore. Putain que c'est beau.

"On voit pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, depuis le XVIème siècle jusqu'à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr, le plus grand instrument de développement économique, mais surtout la plus grande réserve d'imagination. Le navire, c'est l'hétérotopie par excellence. Les civilisations sans bateaux sont comme les enfants dont les parents n'auraient pas un grand lit sur lequel on puisse jouer ; leurs rêves alors se tarissent, l'espionnage y remplace l'aventure, et la hideur des polices, la beauté ensoleillée des corsaires."

mercredi, septembre 26, 2007

Mon Dragon

Le rock est mort. Ca fait cinquante ans que ça dure. A se demander s'il a même jamais existé, ce foutu rock'n'roll. Et pourtant.


  • musique, please...
  • (clique sur "sounds" et télécharge les morceaux sous-mentionnés, patate !)


    KARASU TENGU NO KODOMO

    L'île aux corbeaux. Le début. Son qui remonte à loin, très loin, qui remonte des tripes. Binaire. Vol de cornards dans le ciel gris de l'enfance. Quand le ciel bas et lourd... Faut que ça sorte, que ça hurle, que ça exulte. La menace.

    Education et esclavage. Révolte primaire. Le rock ne sera jamais autre chose. Infondée. Bienveillante. Ca flambe. Burn, Babylone burn. La basse arrive. Le rock est mort et bande comme un pendu.

    Les cafards. La plus belle chanson au monde. Vraiment. Break de malade, ouh-ouh rescapés de Sympathy qui deviennent disco, et ta voix, Fleur, putain de voix que tu vas chercher je sais pas où, et ce riff nom de dieu. Le rock a 16 ans, c'est un puceau qui découvre le monde et se croit éternel, il boit ses premières bières, s'arrête, regarde le monde autour de lui... Un avenir. No(s) futur(e)s. A bas tout.

    Interlude des barbelés. Mine, ruine, assassine. Rimes pauvres. Le fond de fumée gris et opaque revient. S'enfuir, s'enfuir.

    Dokdo takeshima. Où suis-je. Ca tourne, vibre, chamboule. 25 berges de guitare derrière moi. Monte le son, baby. C'me on, l'ampli à 11 ! Danse danse danse, pour échapper à ce qui nous reste de mort. La batterie me laisse en vie, encore deux minutes pour taper du pied en rythme. Ou pas. 25 ans que je suis bourré.

    Petite trousse. Rescapé de l'enfer. Au moins pour un temps. La basse. Un temps. Reprise. Le rock, c'est juste là pour baiser, dans le cru de la nuit. Le rock, ça n'a jamais été que du cul mis en bruit. Je t'aime. Une petite mort. Un temps. Calme. Il n'y aura pas de matin. Départ dans la nuit. Une dernière fois, chérie ? Dernière clope. No future forever.

    3x45 (berceau de vie / a new journey). Sail away, sail away. Vague espoir. Martelé. Fuir là-bas fuir. There's nowhere to go. Ad aeternam. Partir, revenir. Sail away, sail away...


    Le corps d'Ama. Rupture. Deux temps. Classique. La gratte fracasse. Pas de résurrection. Les putes sont aussi mortes que le rock. T'avais quel âge, Ama, hein ? Du fond de ton trou, murmure-le moi à l'oreille, je baisse le son, j'arrive. Fuck justice, fuck peace. Le rock c'est la vie, plus le bruit de la vie.

    Interlude des pilules. Une histoire. La zone. Ambiance métallico-post-indus-électro-crust. Banlieues de nuit. La route. Au loin, quelques lumières. Désespérées. Pilules. Et Eddie Cochran qui serre les lames de rasoir dans ses paumes avant chaque concert. A en tomber dans les pommes. Si le rock n'est pas la folie, qu'il crève...

    What a what a waste (enfer blanc).

    Benedicte Douglas. Ca sent la fin. Vagues éclaircies. Tout finira dans le brasier. Puisqu'il n'y a pas d'autre issue. Si peu de temps. Une vie à consumer. Bien découpée, bien découpée. La viande verte de mon cerveau. Décapitée. Et l'harmonie finale ne fait pas illusion.

    343 salopes. Mon vagin mon fardeau mon pouvoir mon problème. Mon vagin mon fardeau mon pouvoir mon problème. L'écrire, le penser, le hurler comme Nicholson devant sa machine à écrire dans Shining. Sauf que là avec un micro. Mon vagin mon fardeau mon pouvoir mon problème. La mère du rock a avorté il y a un demi-siècle avec une aiguille à tricoter rouillée, cette salope. Mon vagin mon fardeau mon vagin mon vagin mon vagin........

    Interlude des enfants perdus. La pluie qui lave le crâne. Des gosses qui sortent. La mère du rock a avorté juste avant. Pas la peine d'en rajouter. Une chanson, donc. Et les voix, d'où qu'elle viennent, sont bien mortes. Les cornards planent toujours au-dessus. Je n'écoute plus. J'entends à peine. Ce n'est plus une menace, c'est une promesse.

    Viande. Parce que ça ne pouvait finir autrement. La fin. Mon dragon est mort. Il n'ont jamais existé. Viande.


    Force / Amour / Etincelles.




    (OST : link supra
    par ci, par là, des bouts de Baudelaire, Pouy, Beckett, Yadaly...
    merci à Bast et Newo pour les tofs)

  • pour même pas 10 dollars, le LP du siècle -avec aussi le cd inside- juste in one click...
  • lundi, septembre 24, 2007

    lettre ouverte à monsieur Fillon, premier ministre

    « Les mots ne comptent pas ; ce qui compte, ce sont les réalités. »
    François FILLON, 24 septembre 2007



    Monsieur Fillon,

    Votre déclaration au matin m'a tiré du sommeil alors que je m'étais endormi avec France-Un-Faux. Les mots semblent bien peu vous importer, ces mots que vous employez pourtant pour dire que la France est en faillite sans l'être ou pour motiver des préfets à rafler et expulser des sans-papiers.

    Je passe sur l'insulte faite à tout-e-s ceux-elles qui s’acharnent à chercher le mot le plus juste, tout en sachant qu’il ne viendra jamais, à ceux-elles qui ne veulent pas avoir l’illusoire dernier mot. Je passe sur mes réalités qui sont, à n'en pas douter, bien différentes de celles d'un Premier Ministre.

    A la terrasse d'un café de Belleville, je pense à ces personnes qui n'entreront pas dans vos statistiques.

    Je pense à Lamine, jeune de 22 ans, mort dans un fourgon de la police nationale de France.

    Je pense à Nelson, adolescent de 14 ans mort écrasé sur un passage piétons par une voiture de la police nationale de France.

    Je pense à Ivan, gosse de 12 ans fils de sans-papiers, sorti du coma après avoir sauté d'une fenêtre pour échapper à la police nationale de France.

    Je pense à cette femme sans-papiers de 51 ans dont on vient d'apprendre la mort alors qu'elle avait, elle aussi, sauté par une fenêtre pour échapper à la police nationale de France.

    Je pense à ces libraires inquiétés pour avoir affiché sur leur devanture de ces mots qui ne comptent pas, des mots qui demandent des comptes à la police nationale de France.

    Je pense à Bouna et Zied, comme tous les jours depuis deux ans.

    « Les mots ne comptent pas ; ce qui compte, ce sont les réalités. »

    On meurt beaucoup ces derniers temps, on saute aussi beaucoup aux fenêtres. L’appel du vide, sans doute. Le salut dans la chute. L’expression « mort de peur » au sens propre. « Les mots ne comptent pas. »

    Je serai dans un peu moins d’une heure en bas d’une fenêtre, pour l’hommage rendu à cette femme morte. J’y retrouverai des ami-e-s, des inconnu-e-s, des compagnon-ne-s de lutte. J’y retrouverai la rage et le deuil. J’y retrouverai la police nationale de France.

    Nous crierons sans doute que le Pouvoir assassine, nous crierons des mots que vous n’entendrez pas, nous crierons nos frères et nos sœurs mort-e-s, nous crierons les morts qui, pour vous, n’ont pas plus l’air de compter que les mots.


    Ubifaciunt


    nb : une dernière question, monsieur Fillon, dans vos statistiques, comptez-vous les mort-e-s comme « reconduit-e-s à la frontière ? »



    (OST : Pigalle - En bas en haut)

    mes z'ami-e-s, mes z'amours, mes z'emmerdes...



    Silences et morsures.

    "En ayant aperçu
    Ton CV sur le net
    Sans vouloir paraîtr' bête
    Moi aussi j'avais cru..."

    Le temps d'un printemps et d'un début d'été.

    Le train miteux pour Metz et ses dix minutes de pause rituelles à Pontam. Les réverbères de la gare, ton pain, ton thé, mon champ', cette première nuit, je ne sais plus nos mots, certains gestes me restent. Toutes les aubes à venir.

    Les fleurs de mai qui rient et toute la Lorraine qui rêve. Barbara, forcément.

    Quelques semaines ou quelques mois, je ne sais plus. Et mon départ. Quelques mots de Sénèque : "mais je crains que l'habitude...".

    Des retrouvailles. A chaque fois.

    "Ich habe dich geliebt..."

    A bientôt, mademoiselle, bonne route, que le vent te soit doux.


    (OST : Arthur H - Je rêve de toi)

    samedi, septembre 22, 2007

    21-12

    Je pense 14. Je lis 14. J'écoute 14. Je rêve 14. Heureusement que je baise pas, sinon, ce serait avec un casque à pointe...



    "Ah Dieu ! que la guerre est jolie
    Avec ses chants ses longs loisirs
    Cette bague je l'ai polie
    Le vent se mêle à vos soupirs

    Adieu ! voici le boute-selle
    Il disparut dans un tournant
    Et mourut là-bas tandis qu'elle
    Riait au destin surprenant"


    En à peu près trois semaines, j'ai lu (ou relu), décortiqué, souligné, biffé et pris en notes -et je parle que des bouquins- :

    Jacques FREMIAUX - les Colonies dans la grande guerre, combats et épreuves des peuples d'outre-mer
    - Pas mal réac même si beaucoup de précisions historiques difficilement trouvables ailleurs. Officiers pas assez remis en cause. Côté bisounours prononcé.

    Olivier FARON - les Enfants du deuil, orphelins et pupilles de la Nation (1914-1941)
    - Passionant sur un sujet balaise, même si ne traite pas assez des répercussions psychopathologiques chez les orphelins.

    Les carnets de guerre de Louis BARTHAS
    - La Bible. L'alpha et l'oméga de la classe mondiale de Peyriac Minervois. Gloire éternelle à Barthas.

    Marc FERRO - la Grande guerre
    - Et les soldats dans tout ça ???

    Paroles de Poilus (sous la direction de GUENO et LAPLUME)
    - Lettres touchantes et émouvantes, dommage que les correspondances ne soient pas assez contextualisées et suivies. Approche des saisons intéressante (cf haïkus) mais mal traitée.

    Francoise JACOB - 14 et les Annales médico psychologiques
    - Court mais efficace, surtout dans la 2ème partie sur les traitements médicaux stricto sensu.

    Nicolas OFFENSTADT - les Fusillés de la grande guerre et la mémoire collective
    - Riche, fourni, intelligent, brillant.

    Jean AMILA - le Boucher des Hurlus
    - Bon petit polar sur la vengeance d'un môme dont le père à été fusillé suite aux mutineries de 17.

    Louis-Ferdinand CELINE - Voyage au bout de la nuit
    - Céline, no comment. Ou si, mais ça prendrait dix pages.

    Frédéric ROUSSEAU - La guerre censurée
    - A part que monsieur dénigre Barthas à longueur de pages et encense Jünger (humpffff), une vraie mine d'intelligence et de précisions sur des sujets sensibles, à hauteur d'homme.

    Guillaume APOLLINAIRE - Lettres à Lou et Calligrammes
    - Cette salope de Lou qui ne répond jamais ou si mal, et rien que pour tout le génie d'Apo...


    En attente, Giono, la fin de la correspondance d'Apollinaire, Jünger, Richert, Faulkner, Jean-Pierre Calloc'h, et ça ira pour l'instant...

    Et preneur de tout truc relatif au sujet, ami -e lecteur-rice !!! Films, chansons, bouquins, autres...


    (OST : les Sales Majestés - Champ d'honneur)

    vendredi, septembre 21, 2007

    cette vi-ll-e est devenue un piège...




    (OST : Tom Waits - Anywhere i lay my head)

    jeudi, septembre 20, 2007

    de l'inconvénient d'etre né

    Verviers, Belgique, l'an dernier, presque jour pour jour. Je découvre la "banlieue" belge à l'approche des élections municipales, alors que je vis un des plus fabuleux mois d'amour de ma vie.

    Choc de culture, les voisins n'hésitent pas à trimballer sur leurs bagnoles les affiches des candidats qu'ils soutiennent. Ou à afficher les portraits d'iceux à leurs fenêtres ou dans leurs jardins. (J'imagine même pas le gusse qui laisse une affiche de Sarko au rez de chaussée à Montreuil ou la trombine au Facteur à Brégançon...).

    Et donc Verviers, vingt bornes de Liège, ancienne cité de la laine, comme tant d'autres n'ayant pas trop chopé le bon wagonnet de la reconversion industrielle. La Wallonie dans toute sa merveille, friteries, bières, humour à tomber par terre, bières, surréalisme prononcé, frites, bières.

    Verviers où coule la Vesdre, rivière prenant sa source dans les Hautes-Fagnes, et se jetant dans l'Ourthe qui elle-même se jette dans la Meuse. L'eau des Hautes-Fagnes est naturellement pauvre en minéraux, donc idéale pour laver les laines, ce qui a favorisé l'implantation des industries susdites. Fin de la minute culturelle.

    Usine désaffectée dans ce quartier de pauvres. Chemin de halage le long de la rivière. Et des tags, partout. Le genre de truc inconcevable en France, des résurgences nazillardes qui ne tiendraient pas plus de dix minutes sur un quelconque mur du pays. Mais ici, sans doute au même titre que la liberté d'expression évoquée plus haut, ça ne semble pas trop gêner, les odes au Moustachu et les déclarations d'amour à la Haine.

    Sauf que, des fois, même le Pire peut faire hurler de rire, surtout dans un pays comme celui-là. Quand un abruti sans cervelle (comme tout bon nazillon) se met en tête de reprendre l'historique hommage hitlérien sans connaître la langue de Stefan Zweig, ça donne un truc exceptionnel. Où le taggueur essaie peut-être de rendre un hommage à la musique qui lui fait mal aux oreilles. Où le lapsus fait sens comme rarement. Où l'inculture et la bêtise montrent enfin leur vrai visage.





    (OST : Marlene Dietrich - Sag' mir, wo die Blumen sind)

    lundi, septembre 17, 2007

    ze Courbet crew...


    A la base, j'aime pas trop aller voir les keufs, mais ce matin, j'étais obligé. Au comico du VIIIème, pour la peine, tant qu'à choisir. J'y vais pour refaire mes papiers, paumés depuis je ne sais quand et avoir quand même une chance de partir pour Athènes dans les deux semaines qui viennent. Je vais chez les policiers des riches parce qu'ils sont (un peu) moins casse-brunes quand t'as l'air présentable et qu'ils ne te prennent pas pour un dangereux anarchiste parce que t'es blanc en banlieue. Parce que les anarchistes, ils vont pas traîner chez les riches, ou alors seulement pendant les manifs.

    La preuve, c'est que le comico du VIIIème est dans le même bâtiment que le Grand Palais, ce qui suffit d'emblée à classer le machin. Alors qu'à Nanterre ou à Montreuil, rien que de voir où sont les commissariats et dans quel état ils se trouvent, tu comprends presque pourquoi les keufs ils ont envie de taper. Et c'est une charmante demoiselle en tenue qui m'invite à patienter dans un canapé en cuir alors qu'à Nanterre, t'as le banc tout taggué si le stagiaire rouquin boutonneux a la chance de te le proposer.

    Pas trop de confidentialité, je me trouve à moins de deux mètres des trois gens qui déposent leurs plaintes. Un Pakistanais qui s'est fait chourer son portable sur les Champs, une gamine qui s'est fait chourer son portable par son mec, et la bête de concours, le mec ultime que tu vois que dans les films. Le mec qui ne lira jamais le Figaro parce que c'est trop à gauche, le gars dont le brushing et la cravate en soie dégueulent le fric, le mépris, et l'assurance.

    "- Comprenez-vous, Madame, ces gens ont tracé des signes à la peinture sur tout l'immeuble...
    - (...)
    - (...) Des graffs, comme vous dites ! Ils appellent ça de l'art, tout le quartier en est souillé...
    - Et c'était des lettres ou des dessins ?
    - A croire qu'ils ont voulu réaliser, je ne sais moi, une fresque...
    - (...)
    - Mais oui, je porte plainte, c'est une honte, un scandale ; j'ai essayé au réveil de gratter avec du papier de verre... Et en plus, il y avait des bouteilles de Coca jonchant le sol, et, croyez-moi, j'ai senti, et il n'y avait visiblement pas que du Coca dans ces bouteilles ! Et de l'urine par terre !!! On ne pouvait pouvait même plus sortir de chez soi... De l'art, grand Dieu, de l'art..."

    Bon, là, faut quand même dire que je lutte pour ne pas exploser de rire... La jolie fliquette m'appelle et on commence à voir pour mes papiers quand j'entends la péroraison du gars à travers le plexiglas.

    " - De l'art.. Et ils nous mettent Courbet au Grand Palais dans un mois. Courbet, une crapule, un vaurien, (un temps, puis, plus fort), un Communard au Grand Palais !!!"

    Mais putain de fils de pute, et les rappeurs c'est des sauvages, et Van Gogh et Artaud c'est des oufs, et le blues c'est la musique du Diable, et... Vazy, nique ta mère, même pas envie de m'énerver. Le mépris. (Et Godard c'est un intello maoïste).

    Je me retiens de ne pas me lever pour aller lui exposer ma vision du Gustave, des taggueurs et de la Commune face aux flics qui se marrent avec condescendance. Et puis non, je me résigne. Peut-être que je me fais vieux, que j'ai pas envie d'être à la bourre au boulot, pas envie d'être remarqué comme un dangereux anarchiste potentiel, mais j'ai surtout foutrement envie d'avoir mes papiers pour éventuellement être à Athènes dans deux semaines. Une certaine forme de lâcheté. Toutes les mauvaises raisons du monde.

    Mais, mon bon Gustave, sois en convaincu, je serai le premier dans la file à venir te rendre hommage au Grand Palais. Et crois bien que les premiers trucs que je cramerai quand viendra ce damné Grand Soir, juste après l'immonde Sacré Coeur, seront la Colonne Vendôme et le comico du VIIIème...


    (OST : Gil Scott-Heron - Home is where the hatred is)

    dimanche, septembre 16, 2007

    une journée à La Courneuve, une nuit à la radio...



    C' qu'est bien avec la fête de l'Huma, c'est que, dès le départ, tu sais où tu mets les pieds. Les marchands du temple, les vieilles illusions qui refusent de mourir, les concerts sponsorisés par TF1, la schizophrénie totale. Un concentré d'incohérence(s).

    Du coup, quitte à être tout aussi incohérent, je chosis Céline plutôt qu'Apollinaire pour lire le temps du trajet. La fumée de la banlieue de Rancy, et puis, celle bien réelle de Saint-Denis. Des crêteux à côté de moi dans le RER, des CGTistes avec la déguaine complète : pantalon en velours, chemise à carreaux, cravate lie-de-vin, collier de barbe et le baise-en-ville des grands jours -à défaut du Grand Soir- fièrement vissé à l'épaulette.

    Le Bourget. Navette gratuite, une meuf un peu flippée que c'est sa première fête de l'Huma demande à la cantonnade dans le bus comment que ça va se passer, si y aura pas trop de danger de baston ou de débats enflammés qu'après tu te remets grave en cause tellement ils volent haut les débats. Je souris et l'excitation me gagne un peu. Putain, Iggy et les Stooges, quand même, à 22 heures. Il est à peine midi et la pression monte déjà. Les Stooooooooges.

    Arrivée sur la fête, bordel des tentes sauvages, pas de fouille, coup de fil au Thib pour qu'il ramène une dizaine de litres de bière. Premier stand. Dassault, Renault F1 et EADS military. Pour du vrai. Tout le monde semble s'en foutre.

    Très vite, je me rends compte que les trois big stars de cete fête de l'Huma 07 sont l'éternel Che, le chapeau vietnamien et Guy Môquet. Avec possibilité de panachage (un autocollant du Che sur un viet chapeau, par exemple). Et que les cocos ils ont pas trop aimé la récup sarkozystiquo-rugbystique du martyre de 17 ans. Sur ce coup-là, au moins, ils ont plutôt pas tort.

    Premier apéro, un ricard au stand de Nanterre (pas mes rêves !). Puis un verre de savagnin dans le Doubs (abstiens-toi !). Puis une andouillete au chaource dans l'Aube. Puis des frites belges. Et du vin, un peu partout. Ca donne du camarade à tour de phrase, le mot le plus entendu n'est pas gauche, lutte, espoir ou communisme mais Sarkozy. Signe des temps. Il est 13 heures, je me dirige tranquillou vers la grande scène, la nuit a été courte pour certain-e-s qui réattaquent quand même au pastaga plutôt qu'au café. Allez, je me reprends un apéro pour la peine.

    Retrouvailles avec des potos sur la colline. Les bières sont de sortie, on attend les Ogres. On trippe sur les hippies ("crève, hippie, crève !!!") et tout le cultissime épisode de South Park y repasse, des défoncés rigolards aux cercles de tappeurs. Cela dit, on essaie d'assumer notre envie de voir les Ogres. Schizophrénie bénie.

    Comme des babos, on descend dès qu'on entend les premières notes, qu'en fait, non, c'est les derniers réglages son. Pause, ce qui permet à l'écran géant de balancer des pubs pour l'Humanité, of course, mais aussi pour Lagardère et toutes ses déclinaisons, of course aussi. A peine un grognement dans la foule. "Lagardère président !"

    Set bien sympa de la smala barbackienne. Ca commence en douceur et finit dans le pogo et les sourires. Salut à toi, Roger des Prés...

    Remontage pour aller chercher des bières et retrouvailles avec la So et ses potesses. Je me grille une clope aux clous de girofle qu'elle m'a ramenée exprès d'Indonésie, on se tape le relou bourré habituel qui tente de draguer et qu'est aussi pénible qu'une pub dudit Lagardère, les filles se motivent pour aller boire un thé à la menthe. Pouahhhh, du thé à la menthe pendant la fête de l'Huma. Pourquoi pas voter à droite, non plus ? Pourquoi (pas) voter, d'abord ??? J'ouvre ma 8-6.

    On bouge avec les potos vers la scène avant-garde où qu'y aura la Rumeur tout à l'heure. On s'extasie devant chaque stand ("no tomo Coca-Cola, tomo el Che cola !!!") où, comme disait le môssieuh Goethe, "du sublime au ridicule il n'ya qu'un pas". Une hideuse peinture représente Diam's la boulette au dessus de calicots Ricard sur un manège pour gosses. Le grand débat de la gôôôche où on entend vite fait Hollande puis la Marie-Georges qui appelle à la Révolution totale pour mardi soir. Mais ptêt qu'on a mal compris.

    Divers potes de croisés, c' qu'est bien avec la fête de l'Huma, c'est que c'est comme la manif du 1er mai, ça fait longtemps que t'as pas vu des gens et t'es sûr des les y retrouver. Les mondanités militantes, en somme.

    Entre temps, le Che est à toutes les sauces, t-shirts, briquets, cendriers, cola, sacs plastiques, drapeaux ; j'ai pas vu de rouleaux de PQ mais j'ai sans doute mal fouillé.

    On s'extasie aussi devant le stand du parti communiste chinois ; mais je préfère pas trop en parler pour pas cautionner cet atroce déni d'humanité, au sens propre.

    Quelques bières plus tard que nous v'là devant la scène avant-garde. Coup de fil de la miss Nothing, ça sent le faux-plan alors qu'on aurait dû passer la nuit ensemble. Pour des raisons indépendantes de notre volonté. Pour changer...

    Un des pires concerts de ma vie, un mec ridicule joue de la merde pendant une heure. Atroce. On sait pas trop pourquoi on reste mais c'est sûrement pour la joyeuse propension à critiquer, alors là, on va grave pas se gêner. Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. Le ridicule ne tue pas. Donc le ridicule rend plus fort, selon l'axiome zabossien qu'il a piqué à je ne sais qui. Ce "chanteur" en est la preuve.

    Je vais reboire du savagnin, pour la peine, et m'envoie une tartine au maroilles avec des frites. Set un peu relou d'un groupe de hip-hop israélo-palestinien. Comme quoi l'enfer est pavé de bonnes intentions, si louables soient-elles. Et que ça fait pas forcément du bon son.

    Une bouteille de fitou plus tard, le murmure gronde à l'approche de la Rumeur (quelle figure de style !!!). Petite joute avec des stals qui chantent "la Varsovienne" et que je beugle plus fort "a las barricadas". L'accordéoniste se marre et met tout le monde d'accord avec l'Internationale et les Hurlements de Léo. Du coup, pour changer, on boit un coup.

    Et la Rumeur. La claque. Son à proprement parler monstrueux, public en fusion. on voit que les gusses de la Rumeur hallucinent et prennent un pied d'enfer. Et que nous aussi. Du coup, ça échange, ça vibre, ça envoie du très lourd. Une heure et demie de bonheur, d'oubli du monde alentour et se dire que vraiment, mais vraiment, la France c'est vraiment le pays du hip-hop. Et que y aurait eu guère qu'un NTM au sommet de son art qu'aurait pu envoyer un son aussi furieux. Et que c'est même pas sûr...

    On se speede pour pas rater le début des Stooges. Mini-manif de droite à cinq dans les avenues du parc du Bourget. Les gens captent pas la haute portée de notre message contre-révolutionnaire et regardent comme des benêts. "Les syndicats sont nos amis, jamais, jamais, ils ne nous ont trahis".

    Horreur, le set des Stooges a commencé depuis apparemment dix bonnes minutes quand nous arrivons. Foule hallucinante ; on se demande comment on va rejoindre le coeur de la mêlée, tiens, coucou la So, on speede pour descendre pour aller pogoter.

    Devant, c'est l'enfer. Vraiment. 1969. Et du grand rock'n'roll. Iggy est au top. Les pieds de micros volent, la sécu est débordée, je perds vite tous les potes dans le flux sauvage qui suinte des enceintes et fait hurler La Courneuve. Se dire que ça devait être ça à Detroit en 70, à Liverpool en 77, dans toutes les caves où des boutonneux essaient d'essayer Led Zep et les Pixies. Putain de rock. Putain de public. Putain d'Iggy. La rage, l'exutoire, la frénésie, la sauvagerie. Brute et primale. Ca ne pouvait être que ça. La joie de la violence. Je paume mon appareil photo et mon chapeau dans la bataille, pas grave, j'ai sauvé mes lunettes. Une demi-heure au coeur du grand delbor et un peu de paix (quoi que...) vingt mètres à l'arrière. Now I wanna be your dog. Je ne sais pas à combien sont les amplis. Je ne sais pas combien nous sommes à être des chiens sur ces quatre minutes trente de fureur pendant lesquelles l'Iguane se vautre devant un gonzesse qu'il a fait monter on stage. Ca bouge, ça pousse, ça fracasse, ça rit, ça rock dans tous les sens.

    Trois quart d'heure de show. Pas plus. Font chier. Se font vieux les Stooges. Ils ont pris autant de bouteille que nous on en a bu dans la journée. Putain, on était prêts à aller au bout du bout de la nuit banlieusarde.

    Message sur le répondeur. La miss Nothing n'est pas venue, ne viendra pas. Je le savais. Rentrer seul, pour changer, dans la nuit.

    Rentrer. Et se dire que même si, en dépit de tout, voilà quoi, la schizophrénie et les marchands d'armes, quand on y réfléchit bien, "l'humanité", ça reste quand même un des plus beaux mots du monde. Nonobstant.


    ----------------------------------------

    I WANNA BE YOUR DOG


    Samedi soir, c’est pas la fièvre ici, j’arrive, tout est calme dans l’immeuble. Allume l’ordi, répond au mail de presquounette, "bon week-end, je t’embrasse, g."

    Allume la radio, des fois que

    oula ! Gros son. Encore un groupe de jeunes qui veut refaire le monde, c’est lourd, saturé, chanteur énervé.

    J’en étais justement à ressasser mes vieux cantiques "qu’est-ce que je m’emmerde avec les gens de mon âge" (mais à quoi bon) "et leur 4 x 4 de beaufs" (mais je ne les fréquente pas).

    Pas mal ce chanteur (pour un jeune) et la guitare derrière en distorsion non stop (mais attends, on dirait qu’il sait jouer ? et vachement bien…) Fin du morceau. C’est un concert. Clameurs de foule. Le chanteur "We are the Stoo-geees !" QUOI ? évidemment pauv’ pomme, c’est la Fête de l’Huma, c’est du direct, c’est The Stooges ! Et Iggy.

    Pour un groupe de jeunes, tu repasseras.

    J’arrête tout (impossible de faire autre chose), monte le son "I FEEL ALLRITE" répété quatre fois en aboyant sur guitare hypnotique trois accords, c’est animal, psychiatrique, brut, les morceaux s’enchaînent sans aucun temps mort. Iggy l’iguane, possédé, fait une présentation des musiciens (comme si c’était nécessaire) complètement viandée "On fucking drums : Scott Asheton" et enchaîne "1969" tempo lourd, "aouw ! ahou" ambiance de chenil ahou chiens jaunes et d’ailleurs "I wanna be your dog."

    Je décroche deux secondes Est ce que le Préz qui veut plaire à tous les français a une vague idée de ce que produisent les communistes, 80 000 jeunes quand même, mais "Fuck !" Remonte le son. Iggy dans l’invective, sur les gens en place au pouvoir "FUCK" (beaucoup de "fucking fuck") ça devient effrayant, je n’ai jamais entendu une telle FOLIE, "raw power", tout est HURLÉ (mais juste) rythmique plombée, camisole de force harde de sangliers excités enfermez-les "I AM YOU I AM YOU –I AM YOU !" pour finir un morceau (pas reconnu, c’est trop sauvage centrifugeuse hachoir) et la batterie derrière, discrète, 1-2-3-4 vlan c’est reparti vaudou clinique "abject minds ! ABJECT MINDS" (répétés une douzaine de fois) et le plus invraisemblable est que c’est de la musique, au quart de millimètre.

    Vous ne pouvez pas comprendre. Ou alors vous y étiez.

    A 23 heures pile poil, dernier morceau d’apocalypse. Tétanisé devant ma petite radio, j’imagine Iggy sur scène (même costume depuis 38 ans, jean et torse nu) sauter sur les amplis, dans la foule, se ligoter avec le fil du micro, ce qu’il fait toujours. 37 ans que ça dure.

    http://lesecritsbouillis.hautetfort.com/



    (merci au grand Thib pour la tof ; d'ailleurs, ça y est, il a enfin actualisé son site, c'est dans les liens à droite, sinon, pour les fainéant-e-s, c'est par là : http://thibautcho.free.fr/

    merci à l'ami Hell pour le deuxième texte, le lien aussi à droite, et juste au dessus pour les toujours fainénant-e-s.

    OST : Chanson plus bifluorée - l'Internationale)

    vendredi, septembre 14, 2007

    dead flag blues

    "On devient rapidement vieux et de façon irrémédiable encore. On s'en aperçoit à la manière qu'on a prise d'aimer son malheur malgré soi. C'est la nature qui est plus forte que vous voilà tout. Elle nous essaye dans un genre et on ne peut plus en sortir de ce genre-là. Moi j'étais parti dans une direction d'inquiétude. On prend doucement son rôle et son destin au sérieux sans s'en rendre bien compte et puis quand on se retourne il est bien trop tard pour en changer. On est devenu tout inquiet et c'est entendu comme ça pour toujours."

    Louis Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit



    Y a des jours comme ça où faut que ça sorte.

    Envie de chialer mais le coeur aussi sec que les yeux. Envie de se vider mais trop de vide en soi.

    Tout qui part en couille. Au sens propre.

    Celle qui ne passe pas, pas de lettre, "le silence obstiné du téléphone", la fenêtre ouverte donne pourtant sur sa rue.

    Celle qui est partie, tellement loin dans un coin tellement chouette que j'ai préféré oublier si c'était Santiago, Vladivostok, ou Samarcande.

    Celle qui me mettra sans doute un lapin demain à la fête de l'Huma. Et même si les Stooges, le rock'n'roll et la rage. Le rêve d'une nuit.

    Mes vacances en Grèce annulées bikoz' que l'Administration, quand ça s'y met, c'est vraiment l'Administration. Verdun, Craonne et Ypres plutôt qu'Athènes, Delphes et Salonique.

    Et ce matin.

    Quand tu te demandes ce que tu fous là.

    Quand même les silences ne me protègent plus.

    Quand tu ne sais que trop bien ce que tu fous là.

    Quand la carapace explose, sur un petit bout de phrase, et que tu sais qu'il est trop tard. Trop loin.

    Quand il n'y a plus qu'à pleurer, ou vomir pour être mieux. Ou comprendre. Mais des jours où comprendre c'est pas possible. Alors vomir.

    Y a des jours où tu sais que la nuit sera longue. Et noire.



    (OST : Tom Waits - No one knows i'm gone)

    jeudi, septembre 13, 2007

    sweet Lorraine

    (Concours de nouvelles, y a quéqu'z'années, alors que je vivais dans une des plus belles régions of the world. Thème imposé : "une nuit à Nancy". J'avais gagné, yeahhhh, ce qui ne me rapporta of course absolument rien...)



    Il avait fallu la mort du Vieux pour qu’elle se décide enfin. L’enterrement, tout ce qu’il y a de plus classe, drapeaux de l’Amicale des Anciens Combattants, curé qui tape dans les mains pour accompagner la sortie du cercueil au son de Nat King Cole. Le Vieux avait toujours aimé sa voix de velours, ça lui rappelait ses jeunes années, là-bas, en Europe, quand il s’était résigné à s’engager pour sortir de taule, purger sa peine, et accessoirement buter du nazi. Alors, forcément, quand il connut la Madeleine, là-bas, en Europe, ce foutu 15 septembre 1944, au soir de la libération de Nancy, il l’avait emballée sur Sweet Lorraine, putain de chanson sortie à peine un an plus tôt et ça lui rappelait sa terre, Memphis Tennessee. Alors forcément, quand il a ramené la Madeleine au pays, quand ils s’aperçurent qu’allait naître une gamine conçue au pays des mirabelles, ils n’hésitèrent pas longtemps avant de l’appeler Nancy, hommage à Nat-voix-de-velours-King Cole, à la Madeleine et à son bled, aux copains crevés là-bas et à ce vieux pick-up qu’il avait ramené, ce pick-up d’un seul disque.

    Elle s’en était toujours foutue de tout ça, et quand le Vieux la bassinait, elle l’envoyait irrémédiablement chier, lui et ses histoires, elle et son histoire. Mais là, fatalement, c’était plus pareil. Le Vieux était mort avec ses secrets et elle se décida enfin à le faire, ce foutu pèlerinage, cette quête initiatique et ce retour aux sources, d’aller là-bas, dans cette ville qui lui avait donné son nom. Nat King Cole continuait à chanter, la Madeleine était barrée depuis longtemps et le Vieux venait de crever.

    Nancy, ça lui disait rien. Seulement une tâche sur la vieille carte de France accrochée dans le salon, un peu à droite, là où le papier avait jauni à force d’avoir été touché. La France non plus ça lui disait rien, pas plus que l’Europe ou l’Arkansas pourtant tout proche. A peine si elle était déjà allée à Florence et à Athens, ces deux patelins paumés au fond du Tennessee, pour voir ce maudit bluesman qu’elle avait dans les tripes, et qui la faisait chialer avec ses fuckin’ riffs, qu’avait sûrement vendu son âme au Diable pour pouvoir te faire le Rio Grande, la corne de l’Afrique et les docks du Havre rien qu’avec ses six cordes. Jusqu’à la mort du Vieux, ça lui avait suffi. Mais là, c’était plus pareil et elle ferma la porte ce 21 septembre 2003, un peu plus de cinquante-neuf ans plus tard.

    Rien à dire sur l’avion, rien à dire sur Paris ; elle se galéra un peu pour trouver le bon train, le 1705 départ 16 heures 17, arrivée là-bas 19 heures 27, elle avait pas encore pensé au retour, 35 euros 30, ça faisait à peu près pareil en dollars. Elle savait pas encore où elle allait dormir, elle parlait pas un mot de français, elle n’avait rien capté à la vanne du contrôleur qui lui avait dit « Vous allez à Nancy, mam’zelle Nancy ? Et ben, heureusement que vous allez pas à Carcassonne, mam’zelle… » Tout le monde s’était marré ; Nancy, ici Nancy, cinq minutes d’arrêt. Elle avait d’abord cru qu’on lui parlait, et puis finalement non, elle était arrivée.

    Elle s’acheta un plan de la ville au relais de la gare, ça lui rappela le Vieux : Libération, armée Patton, la IIIème pensa-t-elle, Stalingrad, fuck, nope, Stanislas. Des flics partout dès qu’elle avait posé le pied dehors, un peu comme pendant les émeutes à L.A. après Rodney King. Elle décida d’aller voir les rues de l’Armée Patton et de la Libération, c’était pas trop loin. Rien à voir, deux rues banalement banales, même pas une plaque ou une statue pour évoquer je ne sais quel souvenir. Ptêt’ qu’elle s’attendait à trouver dans cette ville semblable à toutes les autres mais qui portait son nom, et plus particulièrement dans ces rues, une explication à sa vie banale et à la mort du Vieux, mais tu parles, ça ne servait foutrement à rien. Pour la première fois de sa poor life, elle avait agi, comme ça, par instinct, sans réfléchir. Elle savait pas trop où elle allait maintenant, le soir tombait, toujours des flics, vieilles baraques et ruelles qui la changeaient de Memphis Tennessee, à part la tour ridicule à son arrivée, près de la gare, et encore des flics.

    Une longue rue en descente, au loin lumières et sirènes. Elle mata son plan, place Stalingrad, fuck, nope, Sta-machin. Drapeaux noirs, accordéon, cannettes de bières jonchant le pavé, un saxophoniste sous la grosse statue, des slogans, et cette bien jolie place, quéqu’ chose d’inconcevable en Amérique, une place vide, immense, intime. Elle se rapprocha du mec au saxo, les gyrophares des bagnoles et des cars de police bleuissaient l’ocre de la place. C’me on guy, do you know Nat King Cole ?… Tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont, ils l’ont volé… Euh, yes miss, a little… Police nationale, milice du Capital… Fantastic ! play please… Pétain, reviens ! t’as oublié tes chiens… Euh, yes miss, ça s’appelle Quizas, quizas, quizas… Police partout, justice nulle part… What happens here ? Is this war ?… Partage des richesses ou alors ça va péter… No miss, against french government, but let me play please… Ça va péter… Quizas, quizas, quizas…

    La charge des CRS après les lacrymos, des cris, des courses, la brume qui fait pleurer tombe sur cette foutue place, le mec au saxo et Nancy n’ont rien vu venir, les matraques et les chiens, les quelques anars ne voulant pas reculer qui ont sorti les flingues, les grenades qui commencent à voler sur cette putain de place, ces putains de flics qui tirent. Nancy est à terre, elle s’en fout, elle pense au Vieux, à Nat-voix-de-velours-King Cole, à ses potes tombés pour une putain de remise de peine, à ceux qui sont pas revenus, à elle qui reviendra pas, couchée sur le pavé de cette putain de place, y a pas de raisons pour que les flics s’arrêtent de tirer, elle peut plus bouger, ça crame autour d’elle, allez les gars, tenez bon, ça pue la peur, ça pue la mort, ça pue la merde, les flics tirent dans le tas, elle va y passer. Sweet Lorraine.


    (OST : Nat-voix-de-velours-King Cole - Quizas quizas quizas)

    lundi, septembre 10, 2007

    Etre faits de l'étoffe dont sont tissés...

    (Réponse à un commmentaire, y'en a tellement peu que je peux bien me permettre de faire un billet...)



    chère Juliette,

    Ca fait foutrement bizarre de commencer une lettre par "chère Juliette". D'emblée, être dans le mythe ; un peu comme écrire une lettre à Elise ou s'appeler Yseult et qu'un abruti se mette dans l'idée d'offrir des ronces plutôt que des roses.

    Vaincre le cliché : Vérone, les familles, le poison, les z'amants z'éternels, et toutes les conneries ressassées depuis le grand Guillaume Agite-Poire. Tuer les mythes (et pas que celles de ma cuisine).

    Magie cachée du ouèbe. Lancer des mots à la con, bouteilles à la mer, parfois lus et aimés par "anonyme a dit" ; enfin un peu de poésie, la réhabilitation de la lettre anonyme, du temps que l'on s'alloue, avant de choisir de (se) révéler, peu à peu, peu ou pas.

    Brouiller les pistes. titiller. Je ne pense pas connaître de Juliette. Vrai prénom, pourquoi l'écrire tout de suite, premier commentaire ? Sinon, que deviner derrière ce pseudonyme volontairement provoc' ?

    Et ces guillemets. Nous savons. Gauguin qui sert d'intermédiaire. Bieni joli choix de citation, mademoiselle. Et pourtant. "Sois bien". Injonction paradoxale diraient les camarades de Palo Alto. L'impératif ne pourra jamais m'y résoudre. Ailleurs, vers Vienne, "je suis bien, si bien...".

    Au plaisir de te lire,
    j'attends à mon balcon...

    Ubifaciunt



    (OST : Emir Kusturica & the No Smoking Orchestra - Was Romeo really a jerk)

    "i'm not Romeo,
    i'm not Romeo,
    maybe you are Juliette
    but i'm not Romeo..."

    dimanche, septembre 09, 2007

    septembre (en attendant)

    Dimanche de septembre, derniers rayons d'un soleil de début d'automne parisien après un été qu'a pas eu lieu. "Y a pas eu de saison, ma bonne dame...". Dix-huit heures, fin d'une sieste après un midi et une aprème avec le J. qu'a les yeux en couilles d'hirondelle bikoz' il est amoureux. Il le mérite, ce veinard, et il en est encore au moment le plus magique, celui des lèvres effleurées, des rendez-vous dans l'après-midi et des doutes alors qu'on sait que...

    Réveil de la sieste, donc ; le café monte tranquillou dans l'inox italien, le rouge avec la charcut' pour l'apéro sur le marché, le rouge avec la pure bouffe du midi en écoutant France Cul, les Papous et les pastiches de Duras, le rouge en trippant sur Barbara après le repas. Lui, dans toute son éternité, dans l'attente du demain ; moi, dans le souvenir nostalgique de l'avant-hier. De ces débuts de moments magiques, quand tu chantonnes en te rasant avant un rencard, quand tu penses aux fleurs que tu vas acheter, quand il faut penser à sortir la bouteille de champ' du congélo, quand l'évidence n'est pas encore la sérénité.

    Pommes de terre, cancoillotte, maroilles, biscuits roses du pays trempés dans le rouge, un peu de muscat et de chasselas de saison, un peu bourré, il est si heureux le père J., le laisser à son bonheur, le virer, faire une sieste, pour oublier un peu, pour profiter des derniers rayons du soleil de septembre...

    Réveil de la sieste, le café est passé, le soleil tombe doucement, légère érection du réveil et des souvenirs de toutes celles qui, à nos corps défendant... Je pense à Villon et aux neiges d'antan. Putains de neiges, putain d'antan. Quand j'ai tout pourri passkeuh tu n'étais jamais la parfaite, passkeuh pas assez de cul, passkeuh pas assez de mots, passkeuh pas assez de moi. Et toutes ces retrouvailles, comme autant d'hommages foirés et inaudibles. Nostalgie, nostalgie, la fumée de ma Gauloise dans la lumière d'automne, se demander pourquoi j'ai tout fait pourrir de manière aussi radicale . Crise de la trentaine (ah ah ah !). S'excuser. Ne rien regretter. Hélas. Il est trop tard.

    De Belgique en Lorraine, de Nanterre à Montreuil.

    Finir le café. Se servir un verre de rouge. Maudit septembre.



    (OST : Autour de Lucie - Avril en octobre)

    jeudi, septembre 06, 2007

    origami crew




    La soirée prévue jusqu'à 22 heures commence à la one again. Direct sur la zone où y a eu la Khaïma (cf épisodes précédents) avec quatre zouzous qui zonent sur un banc et avec qui on partage la pizza offerte après la pizza achetée et bouffée quelques instants avant chez D. Quatre jeunes, évidemment arabes, forcément dealers, voleurs, à casquette et capuche. Sauf que là ils ont pas de capuches et que, comme d'hab' avec eux, ça sent pas le shit'.

    Pendant qu'A va rechercher un ballon de foot dans le coffre de sa bagnole avec K, un des trois zouzous s'enquiert du bouquin qui sort de ma poche. Nicolas Offenstadt, "les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective." Ca tchatche un peu de Quatorze, des mutins et des fraternisations. On s'envoie consciencieusement la pizza.

    B, animateur en colo cet été, a la joyeuse idée de nous faire une boule de Noël en pliage avec une feuille de papier. Trois feuilles filées à la cantonnade, l'abruti de K, revenu entre temps, en fait des confettis qu'il me balance dans la tronche en étant fier de sa vanne. Dont acte. Un souvenir à la con me remonte à la gueule, du temps où il m'arrivait d'avoir quelques pétales de roses sous ma casquette et que je saluais de jolies demoiselles dans la rue dans un tourbillon de pétales. Je file et reviens dix minutes plus tard, enlève mon chapeau et les confettis papillonent près du terrain de foot. Les gosses et ma collègue me regardent atterrés et Y part dans un fou rire (forcément homérique). Et les rires, et les rires.

    Et là, l'idée à la con.

    A, ma chère collègue, fait un oiseau tout chelou en pliage. Une grue. L'oiseau, pas le truc du BTP auquel sont forcément consacrés tous les arabes dealers à capuche précités quand ils franchissent le seuil d'une ANPE.

    Les gosses scotchent.

    "Vazy, fais le nous, vazy, fais le nous..."

    Re trois feuilles à la cantonnade.

    Et c'est parti.

    Trois gosses de 17 à 20 ans dans la nuit de Nanterre (définitivement pas mes rêves !) vont passer une demi-heure à faire de l'origami avec deux éducs. Des histoires de plis, de feuilles, de carré, de truc-qui-ressemble-à-la-Vierge-Marie, de vélo de la Poste, de jambe à Zidane ; une oasis de poésie et de surréalisme au plein coeur des quartiers chauds si chers à TF1. Ben oui, ces putains de jeunes, ces terrifiants jeunes de 17 à 20 ans qui trippent à plier une misérable feuille.

    "- Putain, c'est chaud, on plie, on replie, on déplie, ça fait un quart d'heure qu'on se galère.
    - Ben oui, mais d'un autre côté, c'est un peu ça le principe au Japon...
    - Ah, oui, c'est vrai, t'as raison..."

    J'hallucine complétement et sors discrètement le MP3 pour enregistrer ce moment de magie. On est vraiment hors du monde, les jeunes se tirent la bourre pour savoir qui réussira la plus belle grue et toujours des dialogues hallucinants. M et H parlent de cataphilie et de procrastination, je les vanne-à-la-con en leur disant que leur dialogue est catamaran, ils me répondent à juste titre sur la catastrophe de ma vanne, Z m'explique qu'à cause de ces jeux de mots foireux, il a les oreilles bouchées et a besoin de cata-tiges.

    Au bout du compte, y a deux grues sur trois qui ressemblent à des grues, et une qui ressemble à rien. M, dépité, se rend compte qu'elle ressemble plus à un dindon qu'à l'oiseau japonais symbolique de la paix et de l'amour. Ca sera l'oiseau symbole du sandwich (à la dinde).

    L'heure de rentrer. On les quitte alors qu'ils essaient de faire voler leurs piafs comme n'importe quels avions en papier.

    Z, 19 ans, pense déjà à l'engueulade qu'il va subir de sa daronne, brandit fièrement sa grue et dit qu'il l'offrira à sa mère pour s'excuser de son retard. Comme un collier de nouilles en mieux.

    Des fois, tu te dis que tu fais vraiment un drôle de boulot et que si M. Devedjian, successeur de MM. Pasqua et Sarkozy à la tête du Conseil Général des Hauts-de-Seine, savait à quoi il te paie...



    (OST : Janis Joplin - As good as you've been to this world)

    dimanche, septembre 02, 2007

    une bien vieille histoire...

    Comme nous tous, il était condamné à mort, sauf que lui savait et le jour et l’heure. Il n’en tirait pas d’amertume ni de rancœur, c’est pas le genre de la maison. Seulement une promesse, héritage d’un ancien rite païen, un dernier salut et un ultime pied de nez à faire à ceux qui l’ont condamné.

    A côté de lui, y’a Criton. On l’aime bien Criton, même s’il semble un peu con et bien ignorant en face du bon maître, Criton, c’est un peu nous tous, il voudrait bien savoir, il aimerait bien comprendre. Contrairement au Maître, il ne sait pas que ce qu’il sait, c’est qu’il ne le sait pas, et réciproquement. Alors, forcément, quand le Vieux va parler, on sait que ça va être son dernier mot, celui qui reste ad aeternam dans les biographies et les guides touristiques du tribunal d’Athènes. Criton, sûrement, il s’attend à un truc qui va tout expliquer, le-genre-de-phrase-à-résumer-le-monde-en-une-demi-seconde. Il pense que va jaillir la philosophie ultime, celle qui résumera la vie du Bon Socrate comme plus tard l’Autre sur sa croix ou le Boche demandant à ce qu’on ouvre les rideaux.

    Un quart d’heure plus tôt, il avait viré sa femme et ses gosses parce qu’ils chialaient trop et qu’il faisaient sans doute trop de boucan. A vrai dire, les potes tirent la gueule et ont bien du mal à ne pas pleurer comme des madeleines. Lui est allongé, tranquille, comme si de rien n’était. Il discute. Y a le gars Criton donc, sûrement l’autre con de Gorgias, Platon-le-plumitif qui n’a rien de mieux à foutre que de prendre des notes et puis des autres dont les noms ne nous sont pas parvenus.

    Ça y’est, il a bu la ciguë qui va pas tarder à faire son boulot. Tous le regardent. Ils attendent la sentence ultime. Vazy Soso, allez, parle-nous qu’ils doivent se dire. Pourquoi vit-on, pourquoi meurt-on, à quoi ça rime tout ça ? Le Vieux Sage se marre intérieurement, il sait que l’essentiel est ailleurs, bien loin de ces vagues préoccupations d’angoissés perpétuels. Il va parler. Platon a déjà sorti son dico pour comprendre les mots compliqués que va dire le Bon Maître. Gorgias rote un coup, le banquet d’hier soir était décidément bien arrosé. Socrate se tourne vers Criton, il lui fait son plus paternel sourire. "N’oublie pas que je dois un coq à Asklépios."

    Hein ? Mais kess ki raconte ??? Trop tard, il a parlé. Platon remballe son dico et se gratte les couilles d’un air méditatif, Gorgias mate Platon et l’interroge du regard, Criton ne dit rien, il est déçu, il se dit que la ciguë attaque le cerveau autant que le système nerveux. Il tourne et retourne cette phrase cent fois dans sa tête. Les autres se demandent ce qu’il a bien pu vouloir dire par là. Le temps que chacun sorte de ses rêveries de basse-cour, le Vieux est mort de sa belle mort, fermant les yeux sur une cité qui ne l’a jamais compris. Ils s’en aperçoivent. C’est l’explosion de larmes. La femme et les gosses rentrent. Kess kiss passe ? Kess k’il a dit ? On leur raconte. C’est déjà l’heure des condoléances. La philo est morte, Platon en profite pour songer aux sujets qu’il proposera aux prochaines épreuves du bac, Gorgias va se bourrer la gueule pour oublier tout ça, Criton ne sait pas quoi faire et se décide à aller consulter une encyclopédie à la bibliothèque du coin, doit bien y avoir quelque part un article sur le fils d’Apollon, dieu de la médecine de son état et accessoirement dernier mot du Vieux. Pendant ce temps à Athènes, un gros poulet sait qu’il va bientôt y passer.


    (OST : Genia tou Chaous - Bastardokratia)