dimanche, novembre 04, 2007

le voyage en Grèce, vol. V

Tiens, que j’ me dis en me réveillant à deux heures de l’aprème, ça pourrait être chouette d’aller mater le coucher de soleil sur le Lycavète (aka la plus haute colline d’Athènes).

Et hop, c’est parti, en ayant pris soin de faire un petit crochet par le joli stade olympique de 1896.



Au bas mot 25°C, pas un poil de vent, je plains ceux qui viennent dans les parages en été. Parce que vraiment, le Lycavète, ça grimpe. Et ça grimpe dur. Et il fait chaud. Je me dis que c’est pas grave, qu’il y aura une putain de vue et que ça vaut bien d’en chier un peu. Ellas, trois fois Ellas, la déception est à la hauteur de la colline. Place minuscule, trois énormes câbles de téléphérique bouchent la vue, un mini monastère pollue le champ visuel et les vendeurs à la sauvette viennent te voir toutes les cinq minutes pour te proposer de l’eau fraîche. Courage, fuyons.

Du coup, je file au Filopappos. Moment magique, encore une fois. Cette satanée lumière, ces chemins, les oliviers, et le soir qui tombe entre l’Acropole et le Parthénon. Le rouge du couchant explose au loin derrière Salamine, un olivier recueille un secret, le froid tombe d’un coup, les oiseaux se mettent à chanter pendant dix minutes. La nuit envahit l’espace, les angoisses éternelles ressurgissent. Se dire qu’ils devaient penser à ça aussi, les vieux, y a 2500 berges.




« La vie n’est de soi ni bien ni mal : c’est la place du bien et du mal, selon que vous la leur faites. Et si vous avez vécu un jour, vous avez tout vu : un jour est égal à tous jours. Il n’y a point d’autre lumière, ni d’autre nuit. Ce Soleil, cette Lune, ces Etoiles, cette disposition, c’est celle même que vos aïeux ont jouie, et qui entretiendra vos arrière-neveux. »
Michel de Montaigne, les Essais, livre I, XIX





Bonheur de l’expatrié, même provisoire, j’arrive à trouver le Canard Enchaîné de la semaine. Du coup, pour fêter ça et le lire dignement, je monte au troquet d’Exarchia qui me sert de repère et commande un verre de lefko krassi. Drôle d’agitation au centre social qui est juste en face. Je demande ce qu’il en est à mon voisin, il me dit que c’est un débat sur les dernières manifs à Athènes. Du coup, je vais voir de plus près. Je demande confirmation à l’intérieur, quelque fois que mon catastrophique anglais ait été mal compris, non non, c’est bien de ça dont il s’agit. Evidemment, j’entrave que dalle aux trois quarts d’heure de débat grec. Mais bon, ça me fat plaisir d’être là. Le mec qui préside va pour conclure et semble dire un truc du genre « est-ce que quelqu’un a quelque chose à rajouter ? » Silence d’environ trente secondes, ça sent la fin et les gens se préparent à se casser. Je lève la main, pas pour ramener ma grande gueule mais juste par envie de témoigner, putain quand même j’ai vu les images et les vidéos de leurs manifs et c’est vrai qu’ils assurent les Grecs. Un petit bout de solidarité internationale, quoi.

Je commence par dire en anglais que j’ai évidemment rien capté à la discussion. On m’invite à aller à la tribune pour traduire en même temps. Je recommence ma phrase, développe un peu, tiens, les gens me regardent bizarrement. Je demande à mon traducteur s’il s’agit bien d’un débat sur les manifs de mars à Athènes, il me répond que pas du tout, c’est sur les modalités d’une éventuelle action Lesbienne Gay Bi Trans. Et là, début du grand moment de solitude. Je tente de rattacher à la situation LGBT française, mais visiblement ils n’en ont rien à foutre. Et ça devient atroce, le moment où tu sais que tu t’embourbes en tentant de te justifier mais tu te justifies quand même. Et tu t’enfonces, inexorablement. Et ton anglais devient de plus en plus dramatique. Et t’es bien content que le mec te dise à l’oreille avec un sourire entendu « Ok, that was really interesting ». Regagner sa place honteusement. Et le pire, c’est que ça a relancé le débat pour une bonne heure. Et que t’as pas moyen de filer en loucedé que sinon ça serait l’aveu d’échec complet.

Dans la rue, une main sur l’épaule. « Bonjour c’est A., je parle un petit peu le français que ma mère est le professeur. J’ai trouvé ça très intéressant ce que tu as dit mais tu sais ici, ils s’en fichent, ils sont juste intéressés à la situation grecque ».

On discute dehors pendant trois quarts d’heure. La nuit athénienne est si douce.

2 commentaires:

el rubab a dit…

joli le grand moment de solitude, tu m'as tué de rire ... encore un truc que j'aurais voulu voir...

ubifaciunt a dit…

c'était pas glorieux celui-là... tu sais, quand t'essaies de te faire tout petit petit malgré ton double mètre, que le rouge monte aux joues, et que tu t'entends raconter des conneries, mais qu'inexorablement, tu continues...

humpfff


et clair que j'aurais bien aimé que tu sois là, patate ;-)