samedi, novembre 10, 2007

ubi tumultum facimus, vitam appello, vol. I

(from Nanterre to Gare du Nord)



Putain que ça sent bon.

Tout le monde qui commence à sérieusement tirer la gueule : cheminot-e-s, étudiants-diant-e-s, électricien-ne-s, pêcheurs-euses, sans-papiers, profs, magistrat-e-s, et sans doute même les chasseurs-euses de palombes en Gironde et tous ceuxelles qui voudraient gagner plus en travaillant plus.

Bikoz' plus un rond dans les larfeuilles.

Comme le rappelait justement le Canard de cette semaine, la grandiose tirade de cette bouffonne de Lagarde : "L'essence est trop chère ? Qu'ils prennent des vélos !" fait étrangement penser à la cultissime sortie de l'Autrichienne vers 1789 : "Ils n'ont plus de pain ? Qu'ils mangent de la brioche..."

Laissons les miettes, prenons la boulangerie.

Bizarrement, depuis trois jours, le téléphone sonne assez fréquemment, des zouzous et des potesses sortent de leurs terriers, oui, oui, le moment est putainement propice, les cheminot-e-s la semaine prochaine, grêve générale reconductible, le bordel dans les facs, et puis surtout tout le reste, nos vies qu'on essaie de nous voler chaque jour, chaque nuit, et ces abruti-e-s au pouvoir qui n'ont toujours pas capté.

La rage.

A Nanterre (pas mes rêves !), ce midi, pour l'AG qui décidera, ou non, de la grève et du blocage. Retrouver la fièvre du débat, les quelques glandu-e-s de droit(e), mèche blonde triomphante, venus faire leurs malin-e-s, les pote-sse-s pas vu-e-s depuis six mois et les nuits suivant l'élection du Nabot.

Des prises de paroles enflammées, un gars conclut justement son intervention par ces mots : "Monsieur Sarkozy, n'oubliez jamais que vous n'avez pas le monopole de la matraque." Tonnerre d'applaudissements.

On se barre avant le vote avec le G. pour pas rater le début de la manif.

500 personnes quand on arrive, des bonnes têtes connues, des têtes cramées, des ami-e-s. Oui, oui, le moment est propice. Oui, ça sent bon. Première grosse manif, à peine annoncée depuis la veille.

Même si des JCR, des bisounours, même si l'UNEF et ceuxelles qui nous empêchent d'aller occuper le premier objectif de la journée, premier gazage des keufs depuis six mois, retrouver l'adrénaline, ce soupçon de peur, et cette diablesse d'excitation.

A la Sorbonne, une cinquantaine de personnes parvient à rentrer. Retrouver le symbole, toutes ces nuits du CPE, retrouver les repères, les coups d'oeil affûtés vers la rue des Ecoles, les bruits, de ceux des matraques sur les boucliers, des murmures à l'intérieur des cafés, des discussions et des vannes qui n'en finissent pas.

Vite expulsés, une demi-heure se passe avant que l'envie de bouger, bouger pour on ne sait où, ne nous prenne. Descente du Boulmich', Île de la Cité, le Sébasto, un bout du parcours de la plus belle manif du monde, celle du 31 mars 2006, les slogans deviennent rageurs et foutrement explicites.

Paris debout qui se réveille.

Nous n'obliquerons pas sur Répu. Le nombre de cars et de sirènes au loin augmente à chaque carrefour.

Le-mec-type-avec-une-oreillette-et-une-gueule-de-con passe devant la tête de la manif sauvage. "Euh, vous comptez faire quoi là ?". Silence unanime. Puis, plus agressif : "Vous allez où, là ? Je suis de la police." Genre, on s'en serait pas douté. Mort de rire.

Pas de vitrines qui volent en éclats, cette fois, à peine quelques containers de bouteilles renversés.

Gare du Nord. Les slogans claquent fort dans la salle des pas perdus, on se dirige vers les Thalys et les Eurostar, on remonte les quais, à moins de deux cents personnes, on s'installe sur les rails. Slogans de solidarité avec les gars de la SNCF qui se marrent. Ca sent un peu la souricière, à si peu. Mais on tient une heure et demie.

Dispersion impeccable.

Les CRS n'entravent rien, une volée de moineaux dans les sous-sols de la gare, alors qu'en surface, un usager "pris en otage" hurle à la mort devant des caméras concupiscentes.

D'autres usagers s'insurgent et se marrent devant le chou blanc de l'imposant dispositif policier.

Je me rentre.

Ce n'était que le premier jour...


(OST : Fear Condition - Paris at night
merci au Thib -dont le site remarche- pour la tof)

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