jeudi, avril 30, 2009

La Grande Vadrouille... (épilogue ?)



18 h 02 :

Coup de fil du père, le gosse s'est fait choper par les keufs à Nanterre malgré son interdiction de territoire. La JAP l'avait prévenu, a priori, c'est reparti pour quatorze mois de cachot.

Le Tribunal est fermé depuis une heure, ce qui signifie juge de permanence. Donc le môme serait bon pour rester au dépôt jusque lundi. En effet, un juge étant déjà positionné sur le dossier, y a peu de risque que son collègue prenne une décision à l'emporte pièce.



18 h 04 :

Coup de fil d'une collègue. Samedi matin, à 7 heures, ils déménagent un môme qui risque une expulsion locative imminente. Je l'informe pour l'interpellation. On commence à chercher une idée éducative à la con à proposer à la juge lors de l'audience pour pallier les quatorze mois. 



18 h 09 :

Je bois un verre de blanc.



18 h 15 :

Je laisse un message sur le répondeur de M. de Tréville (aka herr Direktor). J'imagine qu'il attend de se servir un verre de rhum avant de me rappeler.



18 h 39 : 

J'appelle un de ses potes. "Ah, bah justement, Ubi, j'étais en train de chercher ton numéro... Putain, on était en bagnole ; sachant qu'y avait une bagnole de keufs derrière, pas la BAC, hein, les képis, je freine brusquement dès que le feu passe à l'orange. Sûrement trop brusquement pour eux. Contrôle des papiers de la caisse et de tous les occupants, ils lui demandent de les suivre... On a été au comico, apparemment ils savent même pas quand y aura un OPJ de dispo... Si tu passes là-bas, demande à la fliquette blonde, la sympa, si elle lui a passé les thunes que je lui ai demandé de lui donner..."




(to be continued...)








Peut-être qu'il pense du fond de sa cellote au café du village, au dernier matin où l'on s'est tant marré avec les pêcheurs allemands, à la tarte aux pommes sur le rebord de la fenêtre, aux discussions sans fin, à ce restau d'hier à La Défense, à son anniversaire de 20 ans qu'il a passé au trou où je lui amenai gâteaux et bougies, et peut-être qu'il en sera ainsi pour le vingt-et-unième, au coucher de soleil sur le lac, à ce cimetière où il ne rentra pas par pudeur et décence, à ceux-elles qui pensent à lui, dans un cachot de la République, à la manif de demain, au 1er mai des opprimé-e-s, à ces putains de quatorze mois....









01 h 49 :

Je retrouve ce texte datant d'il y a un peu plus d'un an... :


"Ce soir, je bois.

Je bois en l'honneur de trois gosses de 17 à 24 ans, je bois à leur vie et à tous les jours qui leur restent à mourir, deux dans les cachots de la République de France, un dont la tête est mise à prix.

Ce soir, je bois en l'honneur de N., gosse de 20 ans avec qui je suis allé au musée des arts premiers parce qu'il voulait apprendre. Ce soir il dort en taule parce qu'un juge, avec autant d'embonpoint que de compétence et de barbe, a estimé qu'au détriment d'un renvoi en Algérie (N. est évidemment aussi français que moi), sans aucune preuve, il valait mieux, dans l'intérêt de la société et pour préserver celle-ci, qu'il dorme dans une geôle infestée de rats et de rancoeur.

Ce soir, je bois en l'honneur de S., gosse de 17 ans jugé au pénal, comme un majeur, puisque les lois Sarkozy et Perben II sur la prévention de la délinquance sont passées par là. "Les mineurs de 2008 ne sont plus les mineurs de 1945", disent-ils (môssieuh le commissaire). C'est sans doute juste, et la lutte des classes est morte, et y a plus de saison, et les "conneries" des mineurs se font de plus en plus tôt. Sauf que ça fait 2000 ans que le pouvoir dit que les conneries se font de plus en plus tôt. Et que si c'était le cas, les gosses commenceraient à déconner dans le ventre de leur mère, voire avant.

Ce soir, je bois en l'honneur de K., gosse de 24 ans que nous sommes allés chercher aujourd'hui à la gare Saint-Lazare. Un mec auquel des collègues de Nice ont filé nos coordonnées. Qui crèche depuis quelques semaines à Bordeaux mais que ça peut plus durer, il est monté, juste avec notre numéro, à l'arrache. Accusé d'avoir paumé deux kilos de coke par des gosses de son quartier qui ont fait appel à des mercenaires serbes, il a les bras encore sanglants, la froide résignation et l'envie d'en finir. Trouver une piaule pour la nuit, avant les démarches demain dès l'aube. Ne pas l'aider, juste l'écouter, dans l'urgence de la douleur. Mais de place pour dormir, nulle part ; négocier une chambre dans un hôtel sordide où nous savons que les passes à vingt euros et les barettes au même prix se négocient juste à côté. Rendez-vous à neuf heures, demain matin, nous verrons bien, les gars de Nice sont à ses trousses et le trouveront peut-être, les Serbes affûtent leurs lames.

Ce soir, ce n'est pas du bourrage de gueule méthodique, c'est de l'oubli et de l'hommage salutaires.

Je veux vomir ce soir, vomir mon alcool et ma haine, gerber sur ces prisons, ces matons et ces juges, cette came, ces sitautions dans lesquelles des êtres humains sont obligés de se mettre pour pouvoir survivre, ce soir je veux vomir la bile amère qui remontera de mes tripes.

Ce soir, à l'heure du dernier verre, je regarderai le gros bouquet de fleurs que j'ai acheté tout à l'heure, des fleurs blanches comme l'innocence, cette putain d'innocence que le monde prend un malin plaisir à envoyer au diable.

Ce soir, je bois en l'honneur de trois gosses qui doivent se sentir bien seuls. Que ces quelques mots qu'ils ne liront jamais puissent les réconforter et qu'ils sentent que, quelque part, des hommes et des femmes les veillent, les estiment et les aiment."







lundi, avril 27, 2009

La Grande Vadrouille... (verbatim)


(Pour rappel, l'ami Ubi, éducateur de profession, emmène un jeune de banlieue à capuche une semaine à la campagne. Le dit jeune, âgé de 20 ans, est en proie à une sérieuse remise en questions des nombreuses démarches qu'il a pu accomplir en vue de sa réinsertion. Rappelons qu'il a passé un an au cachot et risque quatorze mois de plus s'il ne se conforme pas aux obligations déterminées par la Juge d'Application des Peines.

Pour faciliter la compréhension, tous les fragments de discours du dit jeune sont en italiques.

(Ce billet est dédié à Macha Béranger, voix du silence et de la nuit, -le concerto pour piano et orchestre n°21 du Wolfgang-.)










" - On est quand même mieux ici qu'en taule, non ?

- Ouais, grave... Et disons que c'est pas les mêmes barreaux... Au fait tu savais pour la prison de Nanterre ?

- De quoi ?

- Qu'elle est gérée par une boîte privée.

- Ouaip', je savais, c'est la première en France, partenariat public-privé...

- Et ben, tu sais, c'est la seule en France où y a une grille devant les barreaux, c' qu'est interdit normalement. Et en fait, la boîte qui gère la prison, elle préfère payer l'amende pour la grille devant les barreaux que de payer le nettoyage des trucs que les détenus balancent par la fenêtre, ça lui revient moins cher..."













JOUR 1 :



Il arrive à pile poil 11 h 30, l'heure du rencard, gare de l'Est avec deux de ses potes qui l'ont accompagné en bagnole. Au bout de dix minutes, un des potes dit qu'il va "faire le tour". Il revient cinq minutes plus tard. Le train part dans une demi-heure. Au bout de dix minutes, il dit qu'il va "refaire le tour". Je lui demande ce qu'il glande... : "Ben en fait, ça fait trois fois que je fais le tour pour rentrer dans le parking, passkeuh c'est gratuit seulement un quart d'heure, alors, je sors et je rerentre, quoi, et vu qu'on est là depuis 11 heures, c'est mon quatrième tour..." Je me marre et lui propose, pour le parking, cinq euros qu'il refuse. Magie incompréhensible du jeune de banlieue.

Herr Direktor arrive à 12 h 10 nous saluer, soit trois minutes avant le départ du train.

Arrivée à la baraque vers 17 heures. Joie de l'hiver sur le plateau de Langres, (15 jours consécutifs à - 10°C) trois canalisations explosent quand on ouvre l'eau. Rencard pris avec le plombier demain à 7 h 30, avant sa journée de boulot. On décide d'aller faire la virée découverte à vélo après avoir tout épongé. A cinq bornes de la barque, un pneu crève et la chambre à air en profite pour sortir de sa jante. Retour à pied, on passe par le lac.

A la maison, une mirabelle home-made de 15 ans d'âge pour se remettre de nos émotions. Il goûte. Le visage se tend, il avale, le souffle hoquète. "Ouaouh, c'est quoi ce truc de ouf, putain les mecs de la cité ils font les malins avec leur whisky, mais là putain...". Du coup, on taille au verger, que je lui présente les mirabelliers et les premiers animaux du bled. Froid dehors et oublié mon pull à Montreuil. "Tu veux que je te prête une capuche ?" en me tendant un sweat noir. 

Retour at home, en faisant à bouffer, il déniche une vieille K7 de Vivaldi à mettre dans le poste radio. On joue aux cartes, il parle de shit, de taule, de sa famille.

Pas d'eau et aller pisser dans la nuit du village. Deux heures du mat', toutes lumières éteintes, pas de lune, on franchit la porte d'entrée, et la nuit, rien que la nuit noire éclairée aux étoiles. Il souffle violemment. "Ouaouhhh, j'ai cru en ouvrant la porte qu'on allait tomber dans le gouffre du néant."












JOUR 2 :



Réveil, plombier, café dehors sous le grand beau temps. 

On monte au restau près du lac pour bouffer. Salade au Langres chaud, on fait dans le typique. 

" - Faudra que j'appelle mon directeur ce soir...

- Ah ouais, en vrai, tu l'aimes pas trop ton directeur, hein, il te saoule un peu non ?

- Tu rigoles ? Non, non, je l'admire. Vraiment. Il est intègre et juste.

- Ah ouais ?... C'est vrai que c'était sympa qu'il vienne nous dire bonjour avant de partir... Il était dans le coin ou bien ?

- Ben non, il est venu exprès.

- De Nanterre ??? Putain, à l'ancienne le gars.. Et juste pour deux minutes pour nous dire bonjour...

- Ouaip' et te rappeler que t'as pas intérêt à planter ton projet à l'issue de la semaine, mon cher... Parce que, l'air de rien, y a du monde qui compte sur toi...

- ..."

Dessert. On s'abîme un peu dans la contemplation du lac, village et château d'eau au loin, sous le soleil. Silences.

" - C'est marrant, on dirait la France des livres d'histoire-géographie...

- Comment ça ?

- Ben tu sais, les vieilles photos des clochers, collines, tout ça...

- Hé hé, ouais... Remarque, ptêt que d'ici 100 ans, ça sera les photos des cités dans les bouquins d'histoire...

- Ouais, en fait, ce qui serait bien, c'est que ce soit le mélange des deux..."

On se prend un café, puis un deuxième.

" - T'as déjà voté, au fait ?

- Le 6 mai 2007, j'étais en gardav'. J'ai pas arrêté de dire au keuf que je voulais aller voter parce que c'est important tout ça...

- Et t'es allé voter ?

- Ben non, c'était juste pour qu'il me libère plus vite... De toute façon, regarde, là en France, il se passe rien, et je suis là ; et si ça pète, ben je suis là aussi..."

On marche quinze bornes pour aller chercher les courses. Sur la route du retour, il me demande "à quelle heure c'est normal de prendre un apéro".

Un peu trop tôt quand on rentre. Du coup, il goûte en trempant des ersatz de Petit Ecolier un bol de lait.

" - Tu sais, Ubi, on m'a déjà proposé du C-4 à ma sortie de prison. Un gars que je connais, pas un charlot qui se la joue. J'aurai pu accepter. 10.000 euros le kilo. Avec ça tu fais péter au moins cinq distribiteurs automatiques, en sachant que y a environ 35.000 par distributeur quand ils viennent d'être remplis. 

- Ouais enfin, 'scuse-moi mais un gars qui raconte ça en trempant son biscuit dans son bol de lait à l'heure du goûter, c'est limite ça casse le mythe."

On éclate de rire.

Vivaldi a laissé la place à RFM. La bonne soupe rigolote. D'une oreille distraite, au coeur d'une discussion en faisant la bouffe, on capte qu'un gars chante qu'à la campagne, on joue à des jeux de société et qu'on mange du rustique. Eclats de rire. Nos voix reprennent au refrain, "à la campââââââgneuhhhh".














JOUR 3 : 






Monument aux morts du village entouré de quatre répliques d'obus de 75. Les nombreux de 14 sur sur la la première plaque, en dessous, le seul de 39, plus bas, le socle du monument. "L'espace vide, en bas,c'est pour la prochaine ?...". Du coup, j'en profite pour lui raconter l'histoire de la smala...

La nuit tombe et les questions, et les remarques, et les idées un peu à la con, un peu essentielles, qui commencent à sortir...

"Hé, dis, Ubi, vazy, je fais le mort sur la route et tu fais une photo comme pour faire croire que y a un accident..."





Retour à la maison. Il commence à se lâcher et ose fumer son premier joint devant moi. Et il parle, plus libéré, d'un coup. Du terrain qu'il gérait avec deux potes, des grandes descentes dans les cités voisines, du rôle des daronnes dans les immeubles, de maintenant et de ce qu'il veut pour la suite.

" - Donc, dans un sens, la prison, ça t'a servi ?

- Ah ouais, grave. Avant j'étais dans mon monde, taf de 10 heures à minuit dans la tour, je récoltais 12.000 par jour en voyant 400 personnes, les trois-quart des cas soc', j'avais juste une nuit tous les quinze jours pour claquer un billet."

Je prends une minute pour aller pisser et réfléchir dix secondes aux chiffres astronomiques. 12.000 euros à trois par jour, enlever le salaire des guetteurs de 13-15 ans, enlever le prix d'achat de la came, le transport, la caisse de secours pour les familles et les avocats... 

I'm back, un peu planant quand même...

"En novembre 2005, ça a été tranquille à Nanterre. C'est pas qu'on voulait pas y aller mais on voulait montrer qu'on était plus intelligent que ceux du 77 et du 94. On a dit aux petits de pas cramer les écoles et les bagnoles. Juste s'attaquer à l'Etat et aux keufs. C'est pour ça que juste le Trésor Public il a cramé à Nanterre. Pour le reste, on partait à quatre ou cinq là où ça y avait des affrontements directs contre les keufs."

Un temps, encore.

" - Mais ça a changé depuis que je suis sorti... Les gars ils ont vraiment changé...

- Comment ça, c'est eux qu'ont changé, ou ton regard sur eux qu'a évolué ?

- Ben les deux, évidemment... Eux qui se galèrent parce qu'ils savent pas tenir un terrain, moi parce que j'ai vu comment je voulais pas finir ; c'est bon, les risques, pas de sécurité et vivre du RMI, pas moyen pour une famille avec des gosses. Il me faut une vie, et ça passe par de l'argent, du vrai. J'ai compris comment ça marche maintenant. ASSEDIC, carte maladie, des papiers... Du vrai argent."

Il embarque la Calaferte en montant se pieuter.

Je reprends une mirabelle.














JOUR 4 :



Nuit aux étoiles. Montée vers le verger. Carrefour de l'usine, toujours pas de lune, métaphysique à deux balles, on fait des voeux en matant les étoiles filantes. Retour à la maison. Je ne sais plus comment on en arrive à parler du 11 septembre. Je lui dis que bizarrement, notre amie la télé si prompte à se satisfaire de la souffrance des victimes et des mères éplorées, n'a montré aucun cadavre. "Ben oui, c'est normal Ubi, les Américains ils veulent tout le temps voir des morts, mais pas les leurs."












JOUR 5 :


Trop fort, trop intime, trop secret, trop précieux, trop humain.

Et puisque c'est à la nuit que se disent les choses...

Rideau.











JOUR 6 :



On relit la version finale de la lettre pour la juge qui contient ses réflexions de la semaine et surtout ses envies pour la suite. "Je t'écris cette lettre à la lueur des balles traçantes" me dit-il en me tendant les feuilles de papier.

Deux heures d'attente à la gare, il nous commande d'autorité une bouteille d'aligoté et sort son bouquin. 

Dans le TER et ses quatre heures pour Paris, il se met à chanter, du Renaud, d'abord, et me demande de l'accompagner sur sa chanson préférée. Puis le grand répertoire y passe sous l'oeil étonné des autres passagers qui entendent Piaf, Brel, Souchon, Dutronc, Nougaro, Brassens et Trenet dans la bouche d'un lascar à capuche. 

"La France des livres d'histoire-géographie" défile à la fenêtre du train et dans nos chansons. Ce qui serait bien, c'est que ce ne soit pas que nous qui...

Gare de l'Est, on aide une jeune maman à descendre ses bagages. Elle nous donne quelques brins de muguet qu'elle a cueillis au jardin de sa grand-mère.

On se quitte dans un sourire, une dernière vanne, peut-être pas, "les larmes que je suis près de verser".

Je me tais.

Au loin, il s'engouffre dans la bouche de métro.













Les photos qui n'ont pas trouvé de place ailleurs : 







































Renaud, Chanson pour Pierrot

jeudi, avril 16, 2009

KATAΛΗΨΗ





Il faut continuer…


…Pour des raisons historiques, sociales voire personnelles, pour la lutte des classes, et bien sûr du fait de l’assassinat d’Alexis par le flic Korkoneas, nous sommes de ceux-elles qui se sont rencontré-e-s dans les rues et les occupations d’un décembre en révolte. Un événement majeur, une étincelle qui a enflammé paix sociale et consensus, un début d’explosion sociale sans précédent. Une explosion qui a remis en cause à tant de niveaux l’étouffante normalité de nos vies. Ce décembre en fête a tout chamboulé : ignorance et solitude se sont transformées en un "nous" gai, sauvage et collectif qui a conquis les rues. Ce décembre a attaqué la démocratie, ses fantasmes et les gardiens qui l’accompagnent ; il n’avait aucune revendication, ne priait pour rien ni personne, il autogérait son quotidien dans les bâtiments occupés. Cette fête de décembre a engendré une critique acerbe du soliloque marchand en détruisant et en pillant les lieux sacrés de la consommation, en redistribuant les richesses, en paralysant le centre-ville. Décembre a ignoré les gauchisantes trahisons qui voulaient jouer le rôle d’intermédiaires, les laissant bégayer leurs âneries sociologiques dans les écrans de télé. Décembre a fait taire les cris d’orfraie des journalistes en montrant de manière manifeste que celui qui veut comprendre ce qui se passe n’a qu’à sortir de chez lui. Même si ce ne fut que provisoire, ce décembre en révolte a supprimé le rôle du Spectacle et la distinction entre les sexes : dans les situations où le plus important n’est pas celui-celle qui fait mais ce qui se passe, des milliers de personnes opèrent comme un corps uni.

D’un autre côté, ils se sont mis en branle dés qu’ils ont su se réorganiser, l’État, les patrons et toutes les autres canailles qui ont toujours eu intérêt à ce que rien ne change. Ils se sont prévalus du retour à la normale pour mettre au travail toutes les forces disponibles : les flics et les milices paramilitaires, bien sûr, mais aussi les sociologues et les artistes engagés. Les autres, ils disent que ce ne sont là qu’extrémistes, gangs, anti-grecs, provocateurs… Et que ces gens-là, les extrémistes, les anti-grecs iraient même jusqu’à remettre en cause le droit des autres à fêter paisiblement Noël. La pseudo-autocrtique de ces adultes envers leurs enfants a amené l’arrestation de 265 révolté-e-s et la détention préventive de 65 d’entre eux-elles. Ces autres ont tout fait pour transformer les événements de décembre en une "triste parenthèse" de sorte qu’à la fin, les extrémistes et les anti-grecs soient puni-e-s, et que ceux-elles qui se soient laissé entraîner aient bien retenu la leçon…



Il faut continuer…

...une forme de réalité continue à se nourrir de la révolte de décembre. Dans ce conflit, chaque camp reste en lutte. Ce n’est qu’à travers le prisme de décembre qu’on peut comprendre des événements tels que l’attaque à l’acide contre la syndicaliste Konstantina Kouneva, la tentative d’attentat à la grenade contre le centre social d’aide aux immigrants, mais aussi les déclarations sur la restructuration de l’arsenal militaire et législatif de l’état, ainsi que la volonté affichée de réveiller les réflexes les plus réactionnaires de la société.

Mais, dans le même temps, des larges pans de la société développent constamment discours, actions, et pratiques subversives qui ont comme point de référence les événements de décembre. Que ce soit dans les stations de métro, les gares, les centres de la bureaucratie syndicale, les bureaux, les secrétariats des hôpitaux, les parcs et jardins publics, dans les quartiers et jusqu’aux lieux con-sacrés du Spectacle et de la marchandise, les initiatives autogérées se diffusent, s’enrichissent, deviennent des outils, des méthodes, des inventions du quotidien et des moyens d’attaque contre le Capital et la démocratie, deviennent des éléments constitutifs d’une vaste procédure de radicalisation qui, de par sa durée, son intensité et sa qualité, devient une nouvelle forme de société.



Il faut continuer…

…de tout ce qui précède, d’où que nous soyons, nous avons collectivement décidé la réappropriation du bâtiment abandonné du 61, rue Patission. Que cet espace soit le point de départ de la vie que nous voulons construire. Qu’il devienne un espace autogéré ouvert à tou-te-s à partir duquel nous allons prendre part à la conspiration pour la destruction de ce monde. Qu’il soit contre toute forme de hiérarchie et de pouvoir, contre toute médiation politique et commerciale, contre tout rôle spectaculaire et toute distinction entre les sexes. Et puissent, dans cet effort, des complices nous rejoindre…

LA RÉVOLTE À VENIR EST DÉJÀ PARTOUT





SOLIDARITÉ AVEC KONSTANTINA KOUNEVA

LIBÉRATION IMMÉDIATE DE TOU-TE-S LES EMPRISONNÉ-E-S DE LA RÉVOLTE DE DÉCEMBRE









(Traduction d'un communiqué reçu par la Katalipsi Patission)

Une initiative athénienne parmi tant d'autres.






Sporto Kantès, Impressed (in the ghetto)







lundi, avril 13, 2009

mes z'ami-e-s, mes z'amours, mes z'emmerdes...








Il est certaines petites gens de la plus haute noblesse.

Et qui commencent à avoir. 

Enfin.

A hauteur des espoirs formulés. 

De l'amour donné.

Enfin.

Malgré tout.

La rota fortunae n' a pas pour autant tourné.

Elle s'est juste un peu calmée.

Enfin.






somewhere in Reims,
11 avril 09





(ça le fait grave pour un week-end pascal)

mercredi, avril 08, 2009

La Grande Vadrouille...






Ca commence par ma chérie, la veille, qui me dit quelle cravate mettre avec ma chemise bleue pour aller voir la juge.

Moi, j'aurais mis la blanche et rose, pas spectaculaire mais un peu jeune cool, un peu éduc, un peu beau gosse.

Mais non, la noire.

Avec le bleu roy de la liquette.

Plus sobre, ça ira bien mieux.

Ca sent la nuit où tu te couches à deux heures du mat' alors que tu te lèves à sept, pas tant de pression que d'impatience, un moment important qui va se jouer, ne pas pouvoir se coucher, et ne savoir dormir.

Ca sent la cafetière italienne qui se prépare la veille, en prévision de la gueule dans le cul du lendemain.

Et le gosse qui t'appelle sur les coups de vingt-deux heures, pour te confirmer l'heure du rencard de demain matin mais plus encore pour ne pas dire qu'il ne s'est pas fait pécho le soir malgré son interdiction de territoire et que tu peux venir le chercher chez lui.

Au matin, le café avalé en speed, gestes automatiques, foutre la cravate. La noire.

Chez lui, la maman pleure, il a mis tant de temps à se réveiller... Elle m'offre le café. J'entends le bruit de la douche. Il arrive enfin, il a mis sa plus belle chemise, lui aussi, et le petit pull jacquard qui va bien avec. Dernière engueulade avec sa mère ; ils sont aussi stressés l'un que l'autre.

Parce que c'est pas rien, quand même, aller chez la juge d'application des peines, celle qui décidera de la levée, ou non, du "sursis mise à l'épreuve". Quatorze mois de taule en jeu.

Sur le chemin, essayer de le rassurer et de maintenir la pression, parce que c'est la juge quand même mais y a pas de raisons que ça se passe mal, et même s'il ne remplit aucune des trois obligations de sa mise à l'épreuve, même s'il a lâché la formation et n'a pas de boulot, même s'il n'a pas commencé à payer les dommages et intérêts, même s'il retourne à Nanterre alors qu'il est interdit de territoire, y a pas de raisons que ça se passe mal, on vient avec une putain d'idée à proposer à la juge ; une idée dérisoire, essentielle.

Elle est pas mal, la juge, derrière ses effets de manche d'ancienne avocate. Elle a tout capté : l'importance de la famille, les quatre hôtels miteux en mois de deux mois, même pas le temps de poser les bagages, même pas le temps de sympathiser avec l'arabe du coin, elle a tout capté à la formation de merde qui le trimballe de Saint-Ouen à Vanves pour apprendre à faire un CV en trente-cinq modules individualisés d'une demi-heure. Du coup, à force d'être pris pour un con, à force de se voir refuser par des formateurs abrutis les conventions de stage qu'il apporte pourtant dûment remplies, il a lâché l'affaire et la juge l'a bien compris.

Au bout de trois quarts d'heure, elle se tourne enfin vers moi. Très bien, la juge. J'explique, pas à pas, réservant mon effet de manche de carré d'as de derrière la cravate pour la fin. Parce que plane l'ombre du procureur, menaçante et inique. Et celle des quatorze mois.

Je me tourne vers lui, lui dit qu'il a oublié de dire l'idée qu'on avait eue à la juge. Comment ça ? Le projet qu'on avait bossé ensemble. Les vacances. Un temps. Sourire. Il reprend. La rupture. Il se marre.

La juge s'énerve. Sévère. Et d'un coup, il rigole moins. Parce que la juge, elle est sympa, mais faut pas la prendre pour une endive de troisième zone. Alors il a plutôt intérêt à tout expliquer, là, maintenant, sans forfanterie.

Il dit que ben voilà, une semaine quoi, à la campagne, à 400 kilomètres de Paris, sans rien autour, une maison et puis un lac, une semaine à réfléchir. La juge sourcille, sourit, commence à capter. Elle demande dans quel cadre, avec qui... Ben avec Ubi, comme si la question se posait. Elle se tourne. Et je détaille. Le cadre, les intentions, le propos éducatif, les modalités de financement avec le jeune qui devra payer de sa poche. La sienne. Son propre argent. Son argent propre.

"Une mise au vert", dit-elle.

"Nuance, un séjour de rupture", réponds-je.

Mais je tais, aussi. Le vrai programme qu'on a prévu. Le seul truc à faire. Le rien et le silence. L'absence totale d'activité, le néant du village, l'absence de portable et de télé, juste un éduc qui va le saouler, les crises qui seront nécessaires, l'ennui, les départs dans la nuit juste éclairée à la lune, le transfert à gogo, l'absence de réponse à ses angoisses, la confrontation à ses propres désirs, à sa responsabilité, à ses silences, six jours de tout ça, et encore des silences.

Il ajoute qu'à la fin, il lui écrira à la juge pour lui dire, pour dire le résultat de tout ça, pour dire la suite qu'il envisage.

On sort du tribunal, il rompt le silence le premier :

"- Au fait, Ubi, tu lui as pas dit à la juge...

- ...

- Qu'on prenait pas la voiture et qu'on allait faire du vélo.

- Ah non, j' lui ai pas dit.

- Et au fait, les vélos, ça sera des VTT ?

- Tu rigoles ou quoi ? Ben non, des vieux vélos un peu pourris comme à la campagne quoi...

- Ah ouais, des Bourvil !"

Eclats de rire.

Il croit encore que ce sera des vacances.

La Grande Vadrouille.

Il est midi, la journée est encore longue.

Je desserre un peu la cravate.




"Les chefs d'oeuvre doivent se répandre en mystérieux effluves et toucher ainsi jusqu'aux plus ignorants des ignorants."

Louis CALAFERTE.
Requiem des innocents.







Actualisation au 09/04/09, 23 h 08 :

16 h 05 : La mère du gosse m'appelle pour me dire de venir d'urgence à la maison. Je ne peux pas. Elle ne peut pas parler. Du monde autour. En posant quelques questions auxquelles elle répond par oui et non, je comprends que la police nationale de France a fait une perquis' au domicile familial dans la journée pour espérer trouver le môme.

20 h : Appel du môme. La police nationale de France est venue trois fois dans la journée au domicile familial.

20 h 18 : Nous rentrons dans la salle de ciné pour voir Ponyo sur la falaise du glorieux camarade Miyasaki.

22 h 10 : On sort du ciné place de la Nation, des vagues et des étoiles d'émotion dans les yeux. Un cercle de tappeurs de djembé au milieu de la place, et des gens. Une voiture de la police nationale de France se gare dans l'herbe. Quatre fonctionnaires descendent, la maglite en éveil. Le bruit du djembé couvre à peine celui de la circulation de ce vendredi soir. Tous les petits groupes qui squattouillent au milieu de la place sont dévisagés. Deux autres voitures de la police nationale de France passent pendant ces quelques minutes, au pas ou sirène hurlante. Les fonctionnaires du service public de police se rapprochent du cercle, semblent parler, suite à quoi le tam-tam s'arrête. Trop de bruit, sans doute, au milieu des voitures. La maglite s'éloigne alors qu'un des tappeurs fait quelques gestes et vociférations peu amènes.

22 h 18 : Je rallume mon portable. Message de la mère qui souhaite que je la rappelle d'urgence.

22 h 30 : Je raccroche. Ils ne sont venus qu'une fois, elle se saborde d'un geste de mère sublime pour qu'il ne revienne plus alors qu'elle crève d'envie de le revoir. Elle lui a menti pour le protéger. L'antique tragédie méditerranéenne qui depuis trois mille ans fait sens et se transmet par les mères. Le destin, le fatum, le mektoub, c'que tu veux. Prendre sur soi pour que l'enfant vive. Mentir et souffrir pour qu'il puisse faire semblant de vivre. La mère illettrée qui ne sait pas déchiffrer le mandat de perquis' qu'ils n'ont même pas sortis. Mais quand on touche aux femmes, quand on touche aux mères, c'est que le début de la fin est le signe..

23 h 01 : Pas d'alcool fort, remplir la bouteille de blanc, boire un coup, penser à la police nationale de France et aux sans-papiers qui sautent du deuxième ou du douzième étage pour lui échapper.



Puisse-t-il... 
(live à Montreux 1973)

mardi, avril 07, 2009

Interlude picturalo-musicalo-historique




Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins n'a pas de visage, sinon son sourire.

Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins pique des boutanches et s'en fait une joie.

Il a des barres de fer cachées sous les cravates et les chemises à col cassé -et ça, c'est la méga-classe-...

Des cagoules aussi, sûrement.

Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins apprécie beaucoup le travail de la maison Heidsieck, surtout dans son millésime 1995 (miel, fruits secs grillés et champs infinis de petites fleurs blanches dans la gueule).

Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins n'est pas content, il est content, il n'en a rien à treuf.

Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins est dessiné par Mieke Plaizier en 2009 et validé par la ouorld ouide Ubifaciunt corporation.

From Barrie (Ontario) to Athens (Grèce) en passant par Boulder, (Colorado), Berlin (Allemagne), Rome (Italie), Bruxelles (Belgique), Moulineaux, Avignon, Tours, Obernai, Parthenay, Grenoble, la Lorraine et Nanterre (pas tes rêves !)









Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins surkiffe cet article de Sophie Wahnich paru dans le Monde du 4 avril 2009 (et remercie Thib qui lui a envoyé) :


"La Révolution française, vingt ans après le bicentenaire, affleure à nouveau dans les discours publics. Le président de la République de reconnaître que ce n'est pas facile de gouverner un "pays régicide". Alain Minc de mettre en garde ses "amis de la classe dirigeante" en rappelant que 1789 a commencé en 1788 et qu'il faut sans doute savoir renoncer à certains privilèges. Jean-François Copé de déplorer "la tentation naturelle de refaire en permanence 1793".

Ces énoncés témoignent pour le moins d'une inquiétude : le peuple français ne se laisse pas si facilement gouverner, il a su et saurait peut-être à nouveau devenir révolutionnaire, voire coupeur de têtes. Parler de la Révolution française vise soit à la congédier en affirmant qu'on ne laissera pas faire à nouveau, soit à en faire le lieu d'une expérience utile pour ne pas répéter les erreurs passées. La violence doit aujourd'hui pouvoir rester symbolique et ne pas atteindre les corps. Pour ce faire, il faut savoir d'un côté la retenir, et de l'autre tarir les sources de son surgissement.

Retenir la violence, c'est là l'exercice même du maintien de l'ordre. Or il n'appartient pas aux seules "forces de l'ordre". Les révolutionnaires conscients des dangers de la fureur cherchent constamment des procédures d'apaisement. Lorsque les Parisiens, le 17 juillet 1791, réclament le jugement du roi, ils sont venus pétitionner au Champ-de-Mars sans armes et sans bâtons. L'épreuve de force est un pique-nique, un symbole dans l'art de la politique démocratique.

Aujourd'hui, les mouvements sont non violents, ils inventent, comme de 1790 à 1792, des formes qui permettent de dire la colère tout en retenant la violence. Les manifestations et les grèves encadrées par les syndicats et les coordinations relèvent de cette tradition, mais on peut aussi voir des occupations avec pique-nique, un "printemps des colères" qui propose en même temps une guinguette. On lit La Princesse de Clève dans un vaste relais de voix devant un théâtre public.

Or ces outils de l'auto-retenue de la violence peuvent être mis à mal par les forces de l'ordre quand elles usent de la violence répressive sur les corps. Ici encore, ce n'est pas sans rappeler la violence exécutive qui surgit contre les corps désarmés de la foule. Le 17 juillet 1791, certains sont morts dans une fusillade sans sommation, aujourd'hui certains perdent un oeil dans un passage à tabac, des enfants rentrent chez eux traumatisés, des manifestants sont interpellés et jugés pour rébellion.

Enfin cette auto-retenue peut céder si ceux à qui est adressée la demande de nouvelles lois n'entendent pas ces émotions disruptives que sont la colère, l'indignation et même l'effroi lié à la crise. Le désir de lois protectrices est au fondement du désir de droit. Le gouvernement joue avec le feu en refusant de traduire dans les faits cette demande populaire. Elle incarne un mode spécifique de la souveraineté en France : la souveraineté en actes. La disqualifier au nom de la seule démocratie représentative, c'est fragiliser encore davantage un pacte social d'unité déjà exsangue.

En effet, plus on s'éloigne de l'élection présidentielle, et plus la nécessité pour un président de la République de représenter le pays tout entier, réuni après la division électorale, semble négligée, voire méprisée.

Loin de tenir compte des attentes du camp adverse, notre gouvernement n'a pas non plus tenu compte de son propre camp, à qui il avait promis un meilleur niveau de vie. Aujourd'hui, la crise s'installe. Les effets sociaux et politiques du bouclier fiscal sont devenus lisibles. On assiste à une volonté de réformer le système éducatif français sans concertation et les réformes sont vécues comme des démantèlements purs et simples. Une dette d'honneur et de vie pourrait opposer frontalement deux groupes sociaux antagonistes et diviser profondément la société.

Dette d'honneur, car l'électorat a été trompé par un usage sans vergogne du registre démagogique et que, maintenant, il le sait. Dette d'honneur, car le refus de concertation prend appui sur la valeur supposée des résultats électoraux en démocratie. Effectivement, Nicolas Sarkozy a été bien élu, et la valeur donnée au rituel se retourne contre ceux mêmes qui y ont cru, dans toutes les catégories sociales révoltées. Enfin, "dette de vie", car aujourd'hui le travail et l'éducation nationale sont vécus comme des "points de vie" qui semblent disparaître sans que les plus riches semblent s'en soucier, avouant une absence totale de solidarité dans la crise.

Le mot d'ordre qui circule "nous ne paierons pas votre crise" met en évidence cette division sociale entre un "nous", les opprimés, et un "vous", les oppresseurs. Mais elle a surgi également dans l'enceinte de Sciences Po Paris. Des étudiants de l'université étaient venus chercher des alliés dans cette maison. Ils ont été éconduits et parfois insultés, qualifiés de futurs chômeurs dont les étudiants de Sciences Po auraient à payer le RMI. Cette violence symbolique traverse déjà donc différents segments de la société et ne peut qu'attiser la rébellion de ceux qui se sentent ainsi bafoués par une nouvelle morgue aristocratique. Les étudiants venaient chercher des alliés, ils ont rencontré des ennemis.

Mais le "nous" des opprimés n'est pas constitué uniquement des précaires, chômeurs, ou futurs chômeurs, il est constitué des classes moyennes qui sont précarisées, des classes lettrées qui manifestent et se mettent en grève pour défendre une certaine conception de l'université et des savoirs. Il est constitué de tous ceux qui, finalement, se sentent floués et réclament "justice". A ce titre, les mouvements sociaux de cet hiver et de ce printemps sont déjà dans la tentation naturelle de refaire 1793. Ils veulent plus de justice et pour l'obtenir affirment que, malgré les résultats électoraux, ils incarnent le souverain légitime.

Cette tentation naturelle du point de vue du président de la République, c'est celle de "l'égalitarisme", terme disqualifiant le fondement même de la démocratie : l'égalité. Ce supposé égalitarisme viserait à empêcher ceux qui ont le mieux réussi en termes de gains de richesse, de pouvoir pleinement bénéficier de cette richesse. Le bouclier fiscal serait une loi protectrice contre l'égalitarisme. Ici, refaire 1793 supposerait de refuser ce faux débat. Pendant la Révolution française, l'épouvantail brandi par les riches s'appelle "loi agraire", une volonté supposée de redistribuer toutes les terres. Robespierre, le 24 avril 1793, en rejette l'idée : "Vous devez savoir que cette loi agraire dont vous avez tant parlé n'est qu'un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles ; il ne fallait pas une révolution pour apprendre à l'univers que l'extrême disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes. Mais nous n'en sommes pas moins convaincus que l'égalité des biens est une chimère. Il s'agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l'opulence".

Le 17 juin 1793, il s'oppose à l'idée que le peuple soit dispensé de contribuer aux dépenses publiques qui seraient supportées par les seuls riches : "Je suis éclairé par le bon sens du peuple qui sent que l'espèce de faveur qu'on veut lui faire n'est qu'une injure. Il s'établirait une classe de prolétaires, une classe d'ilotes, et l'égalité et la liberté périraient pour jamais."

Une loi, aujourd'hui, a été votée pour agrandir cette classe d'ilotes, mais le gouvernement refuse que l'impôt sur les immenses richesses puisse venir en aide aux "malheureux". Le pacte de la juste répartition des richesses prélevées par l'Etat semble avoir volé en éclats quand les montants des chèques donnés aux nouveaux bénéficiaires du paquet fiscal ont été connus : les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions d'euros) ont touché chacun un chèque moyen de 368 261 euros du fisc, "soit l'équivalent de trente années de smic". Une dette de vies.

Lorsque Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne, affirme qu'il est "regrettable que le gouvernement et sa majorité soient plus attentifs au sort de quelques centaines de Français plutôt qu'aux millions d'entre eux qui viennent de manifester pour une meilleure justice sociale", il retrouve en effet le langage révolutionnaire. Ainsi le cahier de doléances du Mesnil-Saint-Germain (actuellement en Essonne) affirme : "La vie des pauvres doit être plus sacrée qu'une partie de la propriété des riches."

Certains, même à droite, semblent en avoir une conscience claire quand ils réclament, effectivement, qu'on légifère contre les bonus, les stock-options et les parachutes dorés. Ils ressemblent à un Roederer qui, le 20 juin 1792, rappelle que le bon représentant doit savoir retenir la violence plutôt que l'attiser. Si le gouvernement est un "M. Veto" face à ces lois attendues, s'il poursuit des politiques publiques déstabilisatrices, alors la configuration sera celle d'une demande de justice dans une société divisée, la justice s'appelle alors vengeance publique "qui vise à épurer cette dette d'honneur et de vie. Malheureuse et terrible situation que celle où le caractère d'un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances".















Le comité invisible des buveurs de champ' clandestins écoute cette fabuleuse version live de Vancouver par Véronique Sanson (au Zénith en 1993).

dimanche, avril 05, 2009

L'Internationale conspirationniste de la barre de fer


Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF : "Je quitte Strasbourg avec un profond sentiment de colère parce que les voix pour la paix qui s’étaient donné rendez-vous n’auront pas été entendues. Les autorités portent une lourde responsabilité car, en dépit des avertissements répétés des organisateurs du rassemblement pacifiste, elles n’auront pas permis que la manifestation se déroule dans des conditions où la sécurité de tous était assurée. Mais surtout j’ai de la colère parce que des gens qui seront présentés comme des militants anti-Otan alors qu’is ne méritent que le nom d’imbéciles ont commis des actes très graves, qui méritent une condamnation claire et sans ambiguïté. Ces gens ne sont pas des nôtres, ce ne sont pas des militants pacifistes et nous refusons que leurs actes soient rapprochés d’une manière ou d’une autre à la manifestation pour la paix."

A part ça, hier à Nanterre, au lieu-dit du Mont Valérien (tu veux un cours d'histoire MGB ?) y avait ça qui devait fleurer bon la banlieue rouge old school, la moustache jaunie et le velours cotelé :



Bon, je pouvais pas vu que j'étais au fantastique Bal de la Ferme (putain, quelle soirée...), et que si j'y avais pas été, je serais allé à Strasbourg aux côtés des barres de fer à cagoule, mais bon, ça m'a fait sourire avec plein de tendresse... Et quelle classe "les communistes du quartier", à aucun mot, ils ne parlent du Parti, m'est avis que ça doit être la section Georges Guinguoin locale (un cours d'histoire MGB ?).

Les salauds, ils avaient des barres de fer !!!






Un bien chouette compte-rendu de la big manif strasbourgeoise chez Article XI

Spéciale kassdédi au camarade Leroy : Allain Leprest, Sacré coco

jeudi, avril 02, 2009

Dansons et rions un peu en attendant la mort








Faut que ça danse, bordel, ce samedi à Nanterre (pas mes rêves) !

Alors, de 20 heures au chant du coq , on y va.

Après le mythique Bal des pianos, après le Bal de la-France-des-Cavernes, le Bal Bardak vient visiter la Ferme du Bonheur pour la première fois.

Ouvert à tou-te-s et prix d'entrée à discrétion








(Ami-e bouletto-a de l'informatique, clique sur l'image pour les renseignements pratiques... Sinon RER A direction St-Germain en Laye, arrêt Nanterre Université, traverser la fac, se repérer à la musique bikoz' si tu continues tout droit, t'arrives à la maison d'arrêt...)