vendredi, février 01, 2008

le vieux wagon

(une belle viellerie retrouvée, l'idée du vieux quartier m'ayant été suggérée par le père Rubab)




Paumée au fin fond de ce vieux quartier pourri, la gare pouvait être que désaffectée ; du genre les mauvaises herbes qui ont depuis longtemps pris le contrôle du ballast et des rails, seringues et capotes jonchant le sol de l’ancienne salle des pas perdus, lampadaires fatalement blafards qui peinent à éclairer le pavé brumeux, limite si la pipe du vieux Maigret n’allait pas pointer le bout de son imper. Pour que le plan soit foireux jusqu’au bout, elle lui avait donné rendez-vous à 23 heures 42, heure de passage du Corail pour Perpignan, Port-Bou, Barcelona.

Il avait cette lettre et cette invitation pour le rencard miteux dans le vieux wagon taggué, le seul qu’avait survécu aux assauts des Molotovs d’y a dix ans, quand ça s’était bastonné contre la fermeture de la gare. Deux belles soirées d’apocalypse, faut dire qu’y avait qu’à se baisser pour ramasser les caillasses et les barres à mine ; un flic mort d’une balle dans la tête en guise de compostage, la gare avait eu le droit à l’enterrement de première classe.

C’est là qu’il l’avait connue, et la baffe dans la gueule quand il la vit la première fois lui avait plus cramé la tête que les lacrymos et les cocktails qui furent ensuite échangés. Ils étaient, de la grâce de cette manif qui avait mal tourné, l’unique justification possible. Dix ans après, ils allaient de temps en temps passer la nuit au vieux wagon, pour le fleurir et s’y aimer. Mascottes d’un quartier qui trouvait la force de chérir ses symboles, ils vivaient du cours du temps et du hasard de s’être trouvés.

Elle lui avait donc écrit pour lui filer rencard. D’habitude, ils y allaient plutôt comme ça, sans l’avoir prévu, au bonheur de leurs nuits. « M’attends pas vendredi, retrouve-moi où tu sais à 23 h 42… ». Ça présageait rien de bon, elle se mettait à prévoir des trucs dans sa vie, ambiance film noir à deux balles, il se demanda s’il aurait le choix des armes puisqu’elle avait décidé des lieux et heures, de toute façon il viendrait sans témoin, retrouve-moi où tu sais, pffff, tu parles d’une expression à la con, sans parler des points de suspension…








(big up Dadu pour la tof !
OST : Muddy Waters - Mannish boy)

6 commentaires:

Dadu Jones a dit…

Alors, jette un oeil à ça, mon ami:

http://www.forbidden-places.net/exploration-urbaine-la-goutte-d-eau
et lis les commentaires.

Et puis tant que tu y es, jette ton autre oeil à ça:

http://www.forbidden-places.net/exploration-urbaine-gare-de-canfranc

Roh, et puis allez, défriche tout ce site: http://www.forbidden-places.net/

Comme quoi les Belges sont décidément des gens biens. Mais méfie-toi, j'y ai perdu une nuit complète à tout lire et tout regarder... il y a même de bien belles explorations des toits et cavités de Paris...

el rubab a dit…

toujours aussi bon ce texte (surtout la description pour l'entrée en matière, terrible)
je te file un nouveau sujet Ubi: les abattoirs désaffectés de Reims (qui on été détruits depuis, mais j'avais pris des photos avec l'ami Fred, je les ai encore!); j'déconne, te lance pas dans un sujet pareil vieux, j'aurais peur de lire ce que tu pourrais en faire (déjà que t'as l'air focalisé sur 14 ces derniers temps...)

ubifaciunt a dit…

@ dadu : merci pour les fabuleux liens, c'est merveilleux...

@ rubab : les abattoirs, non, plutôt les halles et la verrière ;-)

el rubab a dit…

La verrière ?
tu veux parler de la Verrerie (le quartier) non?

ubifaciunt a dit…

Non, non, la verrière qu'il y avait au fond des Halles (côté grand poste, quoi... remember ? -au pire, doit bien y avoir une tof du Dadu qui traine...-)

el rubab a dit…

tant qu'on est dans ce genre d'ambiances les gars, lisez "rue des maléfices" de Jacques Yonnet. terrible ce livre, on y découvre des trucs hallucinants sur les bas fonds urbains d'antan, "les mystères de Paris" à côté c'est la bibliothèque rose.
c'est édité chez phébus, voici un lien si vous voulez voir un petit résumé: www.atoutlivre.com/Rue-des-malefices-Chronique.html