vendredi, février 15, 2008

vive les Violettes (Nozière)



Invité à bouffer chez la S. tonight.

La S., c'est non seulement une chouettasse potesse de dix ans que je surkiffe, mais aussi une des rares qu'a toujours des attentions délicates et des cadeaux au plus juste, et c'est surtout la seule qui m'offre des fleurs. Rien que pour ça, gloire à elle.

(Non mais sérieux, les filles, offrez nous aussi des fleurs, ça fait un plaisir insensé.)

Que donc, comme j'allais chez elle, le muscadet déjà dans le sac, j'étais parti pour aller chez mon fleuriste nanterrien habituel, mais me souvenant qu'y en avait un juste à côté de chez elle et vu que je voulais pas me taper le RER bondé avec mon p'ti bouquet (j'avais l'air d'un con, ma mère...), je sursois.

Tout près de Saint Germain des Prés qu'elle crèche, la S. Passer à chaque fois devant le Flore et les Deux Magots, se marrer en voyant les tronches des gens inside, qui viennent, pour le mythe ou pour Beigbeder, boire un demi à 6 euros (sauf que les gens là-dedans ils prennent pas de demi bikoz ça fait trop pas la classe, va pour le porto à 9 euros alors).

Faire une halte à la Hune pour renouveler le stock de bouquins à offrir aux z'aminches.

Coup de bol, le fleuriste à coté de chez la S. est encore ouvert, je pousse la porte, mon museau est joliment flatté, visiblement le stock de roses rouges pour la saint Valentin (piège à clampins) n'a pas fini de trouver preneurs, et là, en retrait, dans un coin, quatre petits bouquets de violettes. Ravissants. Touchants. Emouvants. Que je vais pour en prendre mais, accès de lucidité, je m'enquiers du prix avant auprès de la dame. 45 euros. Le bouquet de dix fleurs. Ok merci au revoir. La S. se contentera du muscadet chopé chez ED. Eclat de rire intersidéral rue des Saints Pères. 45 euros le bouquet de violettes. Franchement...

C'est pas parti pour être la plus grosse soirée danse du siècle chez la S., mais ça tchatchouille bien. Qu'on s'émeut, s'énerve, s'enflamme sur les dernières déclarations de notre Guide Suprême Himalaya de la Pensée qui fait se pâmer les femmes et bander Didier Barbelivien. Parce que quand même, quelle bonne idée de faire adopter un petit juif mort à Auschwitz à un gosse de 10 ans. A croire que la politique d'extermination systématique nazie n'a rien fait pour les homosexuels, les handicapés, les communistes ou les tziganes. Ou même les autres, d'ailleurs. Je serais prof, juste pour le fun, je ne parlerais que des homosexuel-le-s déporté-e-s. Que chacun-e adopte son homosexuel-le ou son handicapé-e livré par la police nationale de France aux autorités allemandes de l'époque me semble effectivement un sujet historique digne d'intérêt.

Arrivent des gens et v'là que se reconstitue chez la S. une bande qu'a bossé à Chanteloup-les-vignes. Chanteloup, la Noé (où fut entre autres tourné la Haine), où officie depuis 1983 Pierre Cardo, maire UMP né à Toulon et ancien administrateur d'Eurotunnel. Et du coup ça commence à tchatcher de le sujet fondamental pour que ça polémique : "le jeune de banlieue". Qui est forcément dealer. Violent. Sans repères. Et qui brûle les voitures du brave gens qui se lève à 4 heures du mat' pour aller travailler et ramener le pain pour sa famille au chômage. Encore plus de clichés que le jour de la visite de notre Guide Suprême au merveilleux pays de Mickey avec la femme de sa vie que le monde entier lui jalouse à juste titre.

"- Oui mais tu comprends, le sentiment d'insécurité, un jeune m'a craché au visage, il aurait pu me casser la gueule !
- Et il l'a fait ?
- Ben non, mais il aurait pu !"

Moment propice pour aborder la nécessaire distinction entre violence réelle et symbolique. "Tu sais le jeune il m'a dit, t'es pas chez toi ici, c'est pas ta cité." Et quoi, tu crois que la carte des tarifs du Flore et des Deux Magots, tu crois que le prix d'un bouquet de fleurs c'est pas tout aussi violent et encore plus radical pour te faire comprendre que tu seras jamais chez toi, ici, dans cette ville. Sauf que t'es restée plus d'un an à Chanteloup, et que t'as fini par aimer cette vie de quartier, ces solidarités de sous-france et de joie, cette lutte pour que la vie reste plus forte, malgré tout, nuit après jour. Et qu'au final, tu t'es jamais fait agresser, parce que, dans la guerre civile quotidienne, les jeunes et toi savez très bien où est le véritable ennemi.

"Je ne serai jamais neutre entre la violence des opprimés et la brutalité des oppresseurs". C'est du Jean Genet, homosexuel délinquant qu'a pas eu la chance de finir gazé puis cramé dans un four et qu'un gosse de CM2 n'aura donc pas l'honneur de pouvoir adopter. Le Genet sur la tombe duquel je rêve d'aller, dans le vieux cimetière espagnol de Larache, au Maroc. Cette tombe sur laquelle je déposerai un petit bouquet de violettes. Quel qu'en soit le prix.






No man's land - Paris Moscou Berlin




(et un joli tableau de Manet)

2 commentaires:

Dadu Jones a dit…

45 euros?

Le bouquet?

Ça fait quand même plus cher que la note du pressing pour le blouson sur lequel un jeune a craché.

ubifaciunt a dit…

oui !

oui !

j'te le fais pas dire, camarade...