vendredi, février 22, 2008

Beatus ille qui procul negotiis...

"Vous semblez vous tenir très informé de l’actualité politique française. Quel regard portez-vous sur notre nouveau président ?

Depuis des mois, il s’étale ; il a harangué, triomphé, présidé des banquets, donné des bals, dansé, régné, paradé et fait la roue... Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. Une chose me frappe pourtant, c’est que dans toutes les qualités qu’on lui reconnaît, dans tous les éloges qu’on lui adresse, il n’y a pas un mot qui sorte de ceci : habileté, sang-froid, audace, adresse, affaire admirablement préparée et conduite, instant bien choisi, secret bien gardé, mesures bien prises. Fausses clés bien faites. Tout est là... Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.


Derrière cette folle ambition personnelle, décelez-vous une vision politique de la France, telle qu’on est en droit de l’attendre d’un élu à la magistrature suprême ?

Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit, et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve si énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve quelque surprise. On se demande : comment a-t-il fait ? On décompose l’aventure et l’aventurier... On ne trouve au fond de l’homme et de son procédé que deux choses : la ruse et l’argent... Faites des affaires, gobergez-vous, prenez du ventre ; il n’est plus question d’être un grand peuple, d’être une nation libre, d’être un foyer lumineux ; la France n’y voit plus clair. Voilà un succès.


Que penser de cette fascination pour les hommes d’affaires, ses proches ? Cette volonté de mener le pays comme on mène une grande entreprise ?

Il a pour lui désormais l’argent, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte... Quelle misère que cette joie des intérêts et des cupidités... Ma foi, vivons, faisons des affaires, tripotons dans les actions de zinc ou de chemin de fer, gagnons de l’argent ; c’est ignoble, mais c’est excellent ; un scrupule en moins, un louis de plus ; vendons toute notre âme à ce taux ! On court, on se rue, on boit toute honte... une foule de dévouements intrépides assiègent l’Elysée et se groupent autour de l’homme... C’est un peu un brigand et beaucoup un coquin. On sent toujours en lui le pauvre prince d’industrie.


Et la liberté de la presse dans tout ça ?

Et la liberté de la presse ! Qu’en dire ? N’est-il pas dérisoire seulement de prononcer ce mot ? Cette presse libre, honneur de l’esprit français, clarté de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle ?"






Merci à la Poï-Cube qui m'a fait parvenir cette interview de...

... Victor Hugo par lui-même au moment de l'arrivée au pouvoir de Napolélon-le-petit

8 commentaires:

Anonyme a dit…

tournerait-on en rond? :)

ubifaciunt a dit…

Toute ressemblance avec des événements etc...

Anonyme a dit…

à s'y méprendre
très intéressant

et dans le genre actuel plus complaisant, il y a le duo Eddy Mitchell et Johnny Halliday ( on veut des légendes)... ;-(
je ne te ferai pas l'insulte de mettre les paroles de cette chanson sur ton blog bien sûr.

Anonyme a dit…

Réédition en mars 2007 par Actes Sud de "Napoléon le petit" de Hugo. Prémonition ? Dans cet entretien, il reprend mot pour mot certains passages du dit livre.
et encore :
"Il aime la gloriole, les paillettes, et les passe-quilles, les grands mots, les grands titres, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvour. "
Ne serait-ce que pour "passequilles"

ubifaciunt a dit…

@ birahima : ah si, vazyyyy, te gêne pas (vu qu'en plus je suis poursuivi par le Johnny en ce moment...) !!!

@ thé : hé hé, très cohérent tout ça, et je kiffe le mot "passequille".. mais ça veut dire quoi au juste ?

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Anonyme a dit…

Ce sont des ornements sur des vêtements, sur costumes folklo ou autres. Hugo l'écrit passe-quille ; de nos jours passequilles, plutôt. N'ouvre pas le Robert ; ça doit pas être dedans. Tu penses bien qu'ils ont autre chose à foutre que recruter, analyser, tous ces mots de bimbelotiers.
Cherche plutôt dans ton eucologe.
Car , devant tout ça, il y a des jours, je me dis, mais qu'est-ce qu'on peut faire ? , prier, peut-être ?
Voilà. A défaut de syndicat, je me fais envoyer la pensée soufie du jour et la météo.

ubifaciunt a dit…

neque deus
neque dominus
neque magister