jeudi, septembre 06, 2007

origami crew




La soirée prévue jusqu'à 22 heures commence à la one again. Direct sur la zone où y a eu la Khaïma (cf épisodes précédents) avec quatre zouzous qui zonent sur un banc et avec qui on partage la pizza offerte après la pizza achetée et bouffée quelques instants avant chez D. Quatre jeunes, évidemment arabes, forcément dealers, voleurs, à casquette et capuche. Sauf que là ils ont pas de capuches et que, comme d'hab' avec eux, ça sent pas le shit'.

Pendant qu'A va rechercher un ballon de foot dans le coffre de sa bagnole avec K, un des trois zouzous s'enquiert du bouquin qui sort de ma poche. Nicolas Offenstadt, "les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective." Ca tchatche un peu de Quatorze, des mutins et des fraternisations. On s'envoie consciencieusement la pizza.

B, animateur en colo cet été, a la joyeuse idée de nous faire une boule de Noël en pliage avec une feuille de papier. Trois feuilles filées à la cantonnade, l'abruti de K, revenu entre temps, en fait des confettis qu'il me balance dans la tronche en étant fier de sa vanne. Dont acte. Un souvenir à la con me remonte à la gueule, du temps où il m'arrivait d'avoir quelques pétales de roses sous ma casquette et que je saluais de jolies demoiselles dans la rue dans un tourbillon de pétales. Je file et reviens dix minutes plus tard, enlève mon chapeau et les confettis papillonent près du terrain de foot. Les gosses et ma collègue me regardent atterrés et Y part dans un fou rire (forcément homérique). Et les rires, et les rires.

Et là, l'idée à la con.

A, ma chère collègue, fait un oiseau tout chelou en pliage. Une grue. L'oiseau, pas le truc du BTP auquel sont forcément consacrés tous les arabes dealers à capuche précités quand ils franchissent le seuil d'une ANPE.

Les gosses scotchent.

"Vazy, fais le nous, vazy, fais le nous..."

Re trois feuilles à la cantonnade.

Et c'est parti.

Trois gosses de 17 à 20 ans dans la nuit de Nanterre (définitivement pas mes rêves !) vont passer une demi-heure à faire de l'origami avec deux éducs. Des histoires de plis, de feuilles, de carré, de truc-qui-ressemble-à-la-Vierge-Marie, de vélo de la Poste, de jambe à Zidane ; une oasis de poésie et de surréalisme au plein coeur des quartiers chauds si chers à TF1. Ben oui, ces putains de jeunes, ces terrifiants jeunes de 17 à 20 ans qui trippent à plier une misérable feuille.

"- Putain, c'est chaud, on plie, on replie, on déplie, ça fait un quart d'heure qu'on se galère.
- Ben oui, mais d'un autre côté, c'est un peu ça le principe au Japon...
- Ah, oui, c'est vrai, t'as raison..."

J'hallucine complétement et sors discrètement le MP3 pour enregistrer ce moment de magie. On est vraiment hors du monde, les jeunes se tirent la bourre pour savoir qui réussira la plus belle grue et toujours des dialogues hallucinants. M et H parlent de cataphilie et de procrastination, je les vanne-à-la-con en leur disant que leur dialogue est catamaran, ils me répondent à juste titre sur la catastrophe de ma vanne, Z m'explique qu'à cause de ces jeux de mots foireux, il a les oreilles bouchées et a besoin de cata-tiges.

Au bout du compte, y a deux grues sur trois qui ressemblent à des grues, et une qui ressemble à rien. M, dépité, se rend compte qu'elle ressemble plus à un dindon qu'à l'oiseau japonais symbolique de la paix et de l'amour. Ca sera l'oiseau symbole du sandwich (à la dinde).

L'heure de rentrer. On les quitte alors qu'ils essaient de faire voler leurs piafs comme n'importe quels avions en papier.

Z, 19 ans, pense déjà à l'engueulade qu'il va subir de sa daronne, brandit fièrement sa grue et dit qu'il l'offrira à sa mère pour s'excuser de son retard. Comme un collier de nouilles en mieux.

Des fois, tu te dis que tu fais vraiment un drôle de boulot et que si M. Devedjian, successeur de MM. Pasqua et Sarkozy à la tête du Conseil Général des Hauts-de-Seine, savait à quoi il te paie...



(OST : Janis Joplin - As good as you've been to this world)