dimanche, juillet 08, 2007

une histoire de taf

Revenu sur le tiékar depuis deux jours ; ambiance super tendue, réglements de comptes à coups de gun avec une cité voisine, flics au taquet, résultat des putains d'élections, la cocotte-minute est en sang et et la virole va sans doute pas tarder à se barrer en couilles.

Ce matin, à 11 heures, comme souvent les mercredis, on fait la sortie du collège avec un collègue. Un môme, 16 ans, parmi les pires trublions à son âge vient me voir et me claque : "Hé, dis Ubi (en fait il m'appelle pas Ubi mais c'est pour préserver mon anonymat -relatif- sur ce forum), t'as pas une canne à pêche ?". Bon, les conneries des mômes, chuis un peu habitué, mais là faut dire que le brave M. m'en bouche un coin et je scotche dix bonnes secondes. "Ben, pour quoi faire ?" Il me regarde comme si je venais de Jupiter et me claque d'un ton qui ne saurait être que celui de l'évidence : "Trop envie d'aller pêcher cette aprème..."
Là, faut vraiment dire que j'hallucine grave. M. le loustic que ça fait deux ans qu'on essaie de trouver le moyen de l'accrocher pour des sorties, des accompagnements, des tout-ce-que-tu-veux parce qu'on sent qu'il suinte la provoc, le mal de vivre, l'herpès, v'là t'y pas qu'il me tend une perche de malade (c'est le cas de le dire) et me balance ça comme s'il me demandait du feu pour rouler son pét'.

Réflexe d'éduc à la con à qui on la fait pas, différer la demande, voir si elle tient toujours, si c'est pas une te-fein juste pour te la jouer à l'envers. Je lui file rencard à l'autre bout de la ville à 15 heures devant le Décathlon -tout en sachant qu'il devrait être à son entraînement de foot à cette heure-là-, voir si son désir est plus fort que la contrainte que, bassement, je lui impose.

Comme il nous a déjà planté pas mal de fois pour toutes sortes de rencards, je doute qu'il soit là. J'arrive devant le Décathlon à l'heure dite, M. sort flanqué de deux potes (dont M.A. putain, une autre histoire de fous celui-là...) et me raconte par le menu les cannes à pêche, leurs propriétés respectives, les prix et la converse qu'ils ont eu avec le vendeur. Je me retiens de leur tomber dans les bras et de leur faire des bisous. On rentre dans le magasin et ressortons une demi-heure plus tard, une jolie canne prête à l'emploi sous le bras pour laquelle j'ai avancé 20 dollars.

Direction, les quais de Seine, à travers la Zone Industrielle. Moment un peu surréaliste, M. fier avec sa canne à pêche de 3 mètres 50 à l'épaule, me balance ses emmerdes, son casier aussi peu vierge qu'une actrice de porno, sa convocation au tribunal pour début juillet, inculpation pour "tentative de vol en réunion", avocat comm' d'off' qui s'en contrebat les couilles, le flip de la prison, son pote M.A. à peu près dans la même situation pour une autre affaire, voilà quoi, un pan de vie qui se lâche d'un coup, tout ça sous le regard médusé des passants voyant trois lascars avec une canne à pêche discutant avec un mec à crête et à cravate (pourquoi l'avais-je sortie aujourd'hui ??? mystère...)

On embrigade encore quelques potes sur le chemin et on arrive sur les quais. Et là, faut bien le dire, une canne à pêche Décathlon à monter, c'est pire qu'un meuble avec une notice Ikéa. Bikoz' entre le moulinet, le fil et l'hameçon, deux heures plus tard on y était encore. Pas grave, la patience est la première vertu du pécheur.

On n'a jamais jeté la canne à l'eau, je suis reparti en les laissant avec leur matos vers 18 heures, trois heures à parler de taule, de juge, de flics, d'hameçons, d'envies, de fils qui s'entremêlent, à se fendre la gueule, à me dire que je fais quand même, pour ces putains de moments de magie, l'envie d'un gosse et lui dire OK, je te suis les yeux fermés, un des plus chouettes boulots au monde...

(Et on a repris rencard en attendant le jugement, et je vais préparer un séjour d'une semaine à la mer, pourquoi pas sur un bateau de pêcheurs...)

Et si le rock c'est avant tout de la logistique, la pêche c'est avant tout de la technique :









(OST : Baaziz - Hexagone)

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