jeudi, janvier 03, 2008

Michon le père

Ca doit commencer vers quinze ans, gosse d'une province banale qui rêve à l'Arthur, au Mythe, pas celui barré au Harrar ni monté à Pantruche, mais à l'Ardennais, le taiseux, le terreux, quatre ans de parole, puis le vent et le silence. Rimbaud, la révolte facile et la métaphysique adolescente, les virées à Charleville et les lectures boulimiques de tout ce qui, de près ou de loin...

Pierre Michon, Rimbaud le fils. Cent dix pages bien tassées qui, à l'époque, me semblent obscures, étranges, rustres et flamboyantes, divines. Le moment où Il monte l'escalier pour se faire tirer le portrait par Carjat, la cravate qui penche, réussir à faire d'un cliché, il est bon que la cravate des poètes penche, faire d'un cliché de la poésie pure, la cravate penche éternellement.

A few years later, Rimbaud m'a quelque peu passé, non les mots. Au milieu des six heures de grec hebdomadaires, professeur et disciples, élèves et maître, il offre à une des plus merveilleuses femmes au monde un exemplaire des Vies minuscules. Sans doute était-il aussi un peu amoureux d'elle, admiratif à tout le moins, il n'empêche, le cadeau, l'unique, ce fut Michon.

De huit heures du soir à huit heures du mat', dans une guérite invivable de sueur, d'ennui et d'obligation salariée. Pendant deux mois, un des pires boulots de ma vie alors qu'Eugène et Clara crèvent de canicule et d'indifférence. Veilleur de semi-remorques, all nights long. Et qu'est-ce que je pourrais lire ce soir. Et tant et tant d'ennui. Et quelque chose de l'ordre d'une littéraire nuit pascalienne. La révélation et le miracle. Les Vies minuscules, celle d'Antoine Peluchet. Le silence et le vent. On n'a jamais mieux écrit le silence. Et encore le vent.

Ce père sera le mien, la littérature est tout entière tenue dans cette nuit de la banlieue rémoise, je sors de la guérite, au milieu des semi-remorques j'aspire l'air à grandes goulées, le vent fait trembler les feuilles d'un étique arbuste, la nuit et les étoiles au-dessus de Bétheny doivent bien se marrer ; et encore du vent.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Parfait! je viens de trouver quoi lire. :)

ubifaciunt a dit…

Je fais aussi le SAV, si ça te plaît pas, tu m'envoies et je rembourse ! (quand même mieux qu'Harry Potter, nan ?)

Anonyme a dit…

Marrant, je suis en train de lire Vies minuscules, du même Michon. Hasard du jeudi ?

ubifaciunt a dit…

heureux homme !!!

ubifaciunt a dit…

ça fait quoi alors la première fois... rappelle-moi...

Anonyme a dit…

ça fait bizarre, on est en pleine tempête stylistique, on a les mains dans la terre et les pieds dans un champ de neurones.

ubifaciunt a dit…

yes... de la jolie tournure qui correspond à donf', je trouve.


ça me parle.



(content que ça te plaise, un peu comme un vieil ami qui rencontre des gens que j'aime, en fait)

Anonyme a dit…

je te le dis, si tu aimes la terre qui chante et qui crache, plonge tête baissée dans tous les textes de Joseph Delteil ! Ne regarde même pas dans wikipedia, fonce !!

ubifaciunt a dit…

ah, cool cool cool, c'est noté... Aucun lien avec le Gérard du même nom ?