Fin de l'hiver, furieuse envie de la Nationale qui va de Reims à Verdun, la tranche d'Histoire bien grasse et signifiante.
Les cimetières, les villages disparus, la route plate et morne au milieu des champs de betteraves.
Là où l'Est ça cause.
Violemment.
Le début des bourgeons même pas marcescents. Encore explosés de givre et de brume.
"Ô mes conscrits des cent villages" qu'il chantait, le stal de fou d'Elsa.
Pas de Beaugency ni de Vendôme, ici.
Mais Mourmelon, la pensée émue à chaque fois pour cette ingrate de Lou et le camarade Guillaume.
"Ma Lou je coucherai ce soir dans les tranchées
Qui près de nos canon ont été piochées
C'est à douze kilomètres d'ici que sont
Ces trous où dans mon manteau couleur d'horizon
Je descendrai tandis qu'éclatant les marmites
Pour y vivre parmi nos soldats troglodytes
Le train s'arrêterait à Mourmelon-le-Petit
Je suis arrivé gai comme j'étais parti
Nous irons tout à l'heure à notre batterie
En ce moment je suis parmi l'infanterie
Il siffle des obus dans le ciel gris du nord
Personne cependant n'envisage la mort"
Mais Souhain-Perthes-Les hurlus, bleds rasés en 14.
Mais Varennes, juste à côté de Sainte-Menehould et de sa recette du pied du cochon. Varennes et la fuite. Varennes et la légende. Varennes où des têtes commencent à tomber. Varennes d'où "l'on n'emporte pas la patrie à la semelle de ses souliers".
Mais Valmy. Valmy et le moulin. Valmy et Kellermann. Valmy et les poils de l'idée qui se dressent quand des va-nu-pieds moururent pour défendre l'Idée. Valmy et Goethe et le grand Totor et les soldats de l'an II.
"Ô soldats de l'an deux ! ô guerres ! épopées !
Contre les rois tirant ensemble leurs épées,
Prussiens, Autrichiens,
Contre toutes les Tyrs et toutes les Sodomes,
Contre le czar du nord, contre ce chasseur d'hommes
Suivi de tous ses chiens,
Contre toute l'Europe avec ses capitaines,
Avec ses fantassins couvrant au loin les plaines,
Avec ses cavaliers,
Tout entière debout comme une hydre vivante,
Ils chantaient, ils allaient, l'âme sans épouvante
Et les pieds sans souliers !
Au levant, au couchant, partout, au sud, au pôle,
Avec de vieux fusils sonnant sur leur épaule,
Passant torrents et monts,
Sans repos, sans sommeil, coudes percés, sans vivres,
Ils allaient, fiers, joyeux, et soufflant dans des cuivres
Ainsi que des démons !
La Liberté sublime emplissait leurs pensées.
Flottes prises d'assaut, frontières effacées
Sous leur pas souverain,
Ô France, tous les jours, c'était quelque prodige,
Chocs, rencontres, combats ; et Joubert sur l'Adige,
Et Marceau sur le Rhin !
On battait l'avant-garde, on culbutait le centre ;
Dans la pluie et la neige et de l'eau jusqu'au ventre,
On allait ! en avant !
Et l'un offrait la paix, et l'autre ouvrait ses portes,
Et les trônes, roulant comme des feuilles mortes,
Se dispersaient au vent !
Oh ! que vous étiez grands au milieu des mêlées,
Soldats ! l'oeil plein d'éclairs, faces échevelées
Dans le noir tourbillon,
Ils rayonnaient, debout, ardents, dressant la tête ;
Et comme les lions aspirent la tempête
Quand souffle l'aquilon,
Eux, dans l'emportement de leurs luttes épiques,
Ivres, ils savouraient tous les bruits héroïques,
Le fer heurtant le fer,
La Marseillaise ailée et volant dans les balles,
Les tambours, les obus, les bombes, les cymbales,
Et ton rire, ô Kléber !
La Révolution leur criait : - Volontaires,
Mourez pour délivrer tous les peuples vos frères ! -
Contents, ils disaient oui.
- Allez, mes vieux soldats, mes généraux imberbes !
Et l'on voyait marcher ces va-nu-pieds superbes
Sur le monde ébloui !
La tristesse et la peur leur étaient inconnues.
Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues
Si ces audacieux,
En retournant les yeux dans leur course olympique,
Avaient vu derrière eux la grande République
Montrant du doigt les cieux ! ..."
Mais Verdun.
Mais dingue comment 14 et 92 se lient à ce moment là, à vingt kilomètres près, les mêmes gueux paysans arrachés à leur terre pour une putain d'idée de foutue république.
Sauf que.
Des volontaires.
Et d'autres non.
Ou pas.
"Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places" qu'il disait le stal, chanté par le Léo et la Barbich'.
Envie de froid, de deep East, de rudesse, de betteraves et de terre.
Le Léo chante le stal, donc... Tu n'en reviendras pas (et moi non plus)
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