(lettre écrite à l'intention d'une demoiselle croisée à l'occasion de quelques manifs, jamais pu lui remettre, si elle passe par ces pages...)
Mademoiselle,
L'actualité me rattrape en ce 10 décembre alors que je pensais commencer cette lettre autrement. Les miroirs d'Oaxaca s'effacent devant la grande nouvelle de la soirée : les disparu-e-s et les mort-e-s de Santiago rejoignent dans mon crâne ceux et celles qui luttent pour cette putain de terre mexicaine & ce foutu idéal de dignité, ils rejoignent vos yeux entraperçus lors de quelques manifs et ce débile espoir d'un monde (un peu) moins abject. Dieu est mort, l'Art est mort, Augusto Pinochet vient de crever, Ulises Ruiz is still alive.
Oaxaca et ses miroirs, donc, puisque ce salopard de Ruiz vient d'être évoqué, Ruiz qui n'hésite pas à envoyer la troupe pour mater une révolte de 500000 personnes qui dure depuis plus de six mois, les hélicos de nuit qui balancent les lacrymos quand certain-e-s osent braver le couvre-feu, les blindés qui encerclent la ville pour forcer des barricades qu'une rage a construites, des escadrons de la mort qui tuent et enlèvent celles et ceux qui ont l'arrogance d'exiger l'impossible, l'intelligence et la liberté.
Hélicos by night, pas de Wagner en fond sonore pour nous refaire le coup de l'Apocalypse, juste l'aveugle barbarie sous l'oeil de ces putains de projecteurs pour qui toute ombre est un-e supect-e et toute ruelle est crapuleuse.
Et les miroirs. Au bout de trois nuits de survols incessants, la Commune libre d'Oaxaca a décidé, pour dérisoire que cela paraisse, de donner à quiconque se promènerait la nuit un miroir, un miroir d'un mètre carré à porter à bout de bras. Dérisoire qui rejoint le poétique et l'essentiel. Quand une simple lumière renvoyée est sublime. Une demi-douzaine d'appareils se crashent en quelques nuits sous l'effet de simples miroirs.
Les hélicos ne survolent plus Oaxaca depuis déjà plusieurs semaines. Ici, on crève, on essaie tant mal que bien d'avoir quelques infos de là-bas, de savoir si la poésie des miroirs continue de mettre à mal la bête immonde, ici bientôt des élections, des banlieues qui crameront, quelques manifs sans intérêt, sans foi, sans passion, où j'espérerai vous croiser et retrouver vos yeux, miroir de mes miroirs.
Bien à vous,
nb (fuck the ps) : "Un salut et une fleur pour cette tendre fureur, je crois qu'elle les mérite..." sous-commandant Marcos
(OST : Cheb Hasni - Choufi oumri)
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1 commentaire:
cool, moi qui rêvais d'opportunités au Costa Rica.. Et le Nicaragua, Kely, t'as pas des plans, genre un hommage aux sandinistes ???
my articles are "fantastic, good written", hé hé, i know my dear...
par contre "interseting for everybody", je sais pas pourquoi mais je doute un peu, là...
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