lundi, août 20, 2007

la Khaima, suite et fin (pour l'instant)...

"Il ne suffit pas d'avoir du talent,
il y faut encore votre permission,
- n'est-ce pas, mes amis ?"
Frédéric NIETZSCHE


Ce devait être l'apothéose, le bouquet final, la fête ultime pour célebrer l'adieu estival de la Khaïma aux quartiers de Nanterre (pas mes rêves). Une semaine la tente plantée en face du conseil général des Hauts de Seine (président, M. Patrick Devdejian, succeseurs de MM. Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy), avec toujours les chèvres, l'âne et le thé à la menthe. Une semaine de teuf, de théâtre, de rencontres, de musiques et d'inconnu après avoir semé la joie, le débat et la vie dans toutes les cités, malgré les embrouilles et les plombages incessants. Malgré le gâchis.

De fil en aiguille, à mesure qu'août s'avançait, ça sentait de moins en moins bon. Les prises de gueule avec la mairie qui soutient sans soutenir et surtout sans aider ; les bouts de ficelle qui ne donnent même plus l'illusion d'être des cordes ; les flics qui rôdent autour, parfois dedans, parce qu'il y a trop de bruit. Bah ouaip', y a des gens comme ça qu'ont toujours pas capté que y avait certaines choses qui ne pouvaient être vécues et dites qu'à certaines heures pâles de la nuit, dans le froid, le bruit, dans la peur et le silence, dans l'attente du jour qui va venir. Quand la fête sert autant à fuir qu'à dire. Quand l'intime de la nuit nous rappelle que nous sommes vivants.

Toujours est-il que pour conclure ce mois de présence dans les tiékars nanterriens, la tente et le Roger (salut à toi, ô mon frère !) devaient s'installer, non plus en pied de tour au coeur d'une cité, mais dans un espace libéré du lieu dit "projet Seine-Arche" qui vise à relier les tours de la Défense à la Seine (attention, je cite le dossier-de-presse-qui-vaut-son-pesant-de-cacahuètes-technotratico-langue-de-bois-pour-pas-dire-qu'on-va-virer-les-pauvres :"ce site, pourtant prestigieux de par son appartenance à l'axe historique dessiné par Le Nôtre pour aller des Tuileries jusqu'à la Seine, est longtemps resté un no man's land urbain, isolant à ses franges les cités environnantes. L’ambition du projet Seine-Arche est d’affranchir cet espace et d'y recréer de la ville, en restaurant la qualité du paysage et l'unité de la ville.")

Bizarrement, "affranchir cet espace" c'est en somme ce que proposait concrètement la Khaïma : faire en sorte que tou-te-s les habitant-e-s des cités touché-e-s par l'opération, se ramènent, non pas pour recréer la ville, bien assez insupportable comme ça, mais pour recréer la vie, au moins pendant une semaine. Manque de pot, la semaine fut d'abord réduite à trois jours, bikoz' les différents services concernés de la mairie (communiste) et du conseil général (de M. Devedjian, successeur de MM. Pasqua et Sarkozy), après avoir donné leur accord et quelques subventions, se renvoyaient la balle parce que franchement, hein, ramener une tente et des chèvres et des noirs et des arabes et des pauvres et des anarchistes alors qu'on va construire bientôt des chouettes lotissements pour jeunes cadres dynamiques bossant à la Défense, franchement, hein...

Et de trois jours, avec toute la mauvaise foi et la mauvaise volonté qu'on peut mettre au monde, on peut bien réduire ça en disant qu'on ne filera pas à la Khaïma, ni eau, ni électricité, et que la Khaïma elle peut se démerder comme elle a fait jusqu'à présent, avec toute son exceptionnelle bonne volonté.

Sauf que là, ras-le-cul.
Sauf que là, nique sa mère les atermoiements, les bâtons dans les roues, les plantages et les oublis au dernier moment, les négligences et le laissez-aller, les promesses et les belles paroles.
Sauf que là, la Khaïma elle préfère se saborder avec honneur plutôt que de se compromettre avec les demi-mesures des autres.

Donc voilà, il n'y aura pas de dernière semaine, pas de teuf devant le conseil général présidé par M. Devedjian et dont les prédécesseurs étaient MM. Pasqua et Sarkozy, pas de tente ni de chèvres ni d'âne ni de thé à la menthe dans cette bonne ville communiste de Nanterre (pas mes rêves même si faut s'accrocher), pas de cinéma, de rencontres, de théâtre, d'intelligence dans une friche inculte, et que tous ceux et toutes celles qui viennent pleurer sur "la rupture du lien social" à longueur de temps ne viennent pas oser claquer à la rentrée que la situation a empiré.

La rage et le dégoût, le gâchis. le gâchis.


"Ici, ici il ne se passera rien, ici il n'y aura personne, de sitôt.
Les départs, les histoires, ce n'est pas pour demain.
Et les voix, d'où qu'elles viennent, sont bien mortes."
Samuel BECKETT



(OST : Joe Strummer & the Mescaleros - Mondo bongo)

1 commentaire:

Magazine Centre-Ville mercredi 11h30/13h a dit…

Superbe blog.

Aurore
(celle du "Temps des Bouffons")