Commission "Guadeloupe et Tagada"

Ce qu'est bien, avec la suppression de la pub sur le service public, c'est que t'as enfin des reportages de fond.

Nos z'ami-e-s de France-un-faux (déjà auteurs de ce superbe reportage tout en demi-mesure) se déchaînent dans la prog' cette nuit de lundi et touchent le fond.

Les mille réformes de l'ami Fillon, la "croissance négative", la crise que c'est pas grave.

Sauf en Guadeloupe.

Mais là, le big problème, c'est que les stations-services sont fermées.

Evidemment pas un traître mot de la grève générale et encore moins des revendications, non, juste une interview d'Yves Jégo encore plus complaisante que Pie XII en 1943 discutant avec un Waffen.

Ce brave Yves qui a écouté "le Guadeloupéen de la rue". Trop téméraire, le Yves, même pas peur. Ce brave Yves Jégo qui restera "le temps qu'il faudra". 

Et à qui la seule question posée par France-un-faux est de savoir s'il pourra se rendre au conseil des ministres de mercredi.

Que oui, rassurons-nous, car aujourd'hui, grâce à l'avion, on peut faire l'aller-retour Basse-Terre / Paris en deux jours et c'est trop pratique.

On apprend quand même, sans doute après un grand travail d'investigation googlistique des journalistes de France-un-faux, qu'en Guadeloupe, "la vie est chère selon les observateurs".

Bon, cela dit, rien qui ne dénote trop par rapport à la soupe habituelle. 

Et là, près de l'endormissement, l'attaque surprise.

Un reportage de fond de cinq minutes.

Sur la fraise.

Et même pas la gariguette ni celle de Plougastel.

Non. 

La fraise Tagada.

Sur France-un-faux, service public.

De mémoire, ça commence comme ça :

"C'est le quarantième anniversaire d'un succès qui ne s'est pas démenti depuis ses origines : celui de la fraise Tagada. Deuxième plus grosse vente de la marque derrière les Dragibus..."

Et que ça continue et ça enchaîne avec l'interview du "maître-confiseur" qui même sur son lit de mort, ne livrera pas le secret de ce qui fait tant saliver les petits et les grands enfants. 

Cinq minutes.

Se dire qu'on approche le néant comme même Nietzsche à Turin n'en a pas eu l'éclairage sublime, que la France et le service public après ça peuvent crever et que c'est tant mieux, que mon éclat de rire résonne de Montreuil jusqu'à la Guadeloupe et salue les camarades qui luttent là-bas et qui en crèvent. 

J'ignore si le Comité Invisible ou Lafesse a détourné l'antenne de la radio, si le stagiaire a voulu se foutre de la gueule du rédac' chef après avoir fait trente-cinq stages non rémunérés chez Pernaut, si la suppression de la pub conduit la rédac' à faire du placement de produit pour financer ses oeuvres sociales, si...

Journal de minuit.

Premiers titres : 25 morts en Afghanistan, 85 morts à Madagascar et émeutes généralisées, bref rappel sur la Guadeloupe, la France en crise et la volonté de pé-da-go-gie du gouvernement après la grève de jeudi dernier. Merde, plus rien sur les Dragibus ni les fraises Tagada.

Dernier sujet.

Le créateur des Playmobil, un Allemand de 78 ans, vient de mourir. "Les petits et grands enfants sont orphelins".

Un journaliste facile dirait en concluant son billet qu'ils n'ont qu'à se gaver de fraises Tagada pour oublier.

Pas moi.

Qu'ils crèvent.

Harry Belafonte - Day-O (banana boat song) pour tous les nègres des champs de coton de Guadeloupe et d'ailleurs.

(Cela dit, rien à voir mais je bois en écrivant ces mots un fabuleux clavelin de Château-Chalon de 1993 qui est une splendeur absolue. Gloire au Jura !)