« Où ils font un désert, ils appellent ça la paix. »
Mur de banlieue, rue du Blues.
Ça faisait plus d’un an que je remettais ce billet au surlendemain. L’explication d’un pseudo.
« Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant. »
La Raison du plus fort, documentaire de Patric Jean. Des cités d’Amiens aux prisons de Bruxelles, du cœur de Marseille aux hauteurs de Lyon, partout la même misère, la pauvreté, partout les mêmes déchéances et les mêmes petits espoirs.
« Où ils font un désert, ils appellent ça la paix. »
On ne doit guère lire Tacite dans les cités d’Amiens. Il n’empêche, un graff sur un mur. Ça ne doit pas plus comprendre le latin dans cette banlieue que dans cette classe où ces friqués gosses belges n’entravent grand chose au Sénèque que le vieux prof aussi cravaté que consciencieux cherche à enseigner.
« Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant. »
Le discours de Calgacus au chapitre XXX de la Vie d’Agricola fait écho aux plaintes de tou-te-s ces anonymes. Deux mille ans que le désert ne cesse de s’étendre. Ils nous promettent une paix de dix mille ans.
« Où ils font un désert… »
Le tractopelle s’approche du graffiti. Des mots d’un historien romain tracés au cœur d’une banlieue qui tiennent depuis plus de vingt siècles, qui tiendront dix millénaires. Le tractopelle abat le pan de mur. Le silence se fait, le désert avance.
« … Ils appellent ça la paix. »
Scènes d’une justice de classe ordinaire. Malades au mitard dont les cris hurlent au fou et au loup, vieille facho réac sur la colline de Fourvière pour qui une rafale de Kalash’ serait un trop aimable supplice, flics partout, matons, juges, et vous, mes ami-e-s, qui résistez à votre façon. Avec Pasolini, avec des lunettes à triple foyer et un vieux caméscope, avec l’accent des oliviers par-delà la Mare Nostrum, avec la moustache roussie de tabac brun, avec les cent pas mille fois répétés dans la cour de promenade. Avec l’humour et la rage. Salvateurs. Et toujours des flics.
« Ubi solitudinem faciunt… »
Patric Jean ne nomme rien. Il montre ; tout au plus. La misère, et le silence. Longs plans fixes sur une rue vide ou une porte de prison qui se ferme, sur le regard d’un vieux qui ne rentrera jamais au pays, sur des rires de mômes, par-delà le mal et le mal, par-delà CRS et désespoir.
« … Pacem appelant. »
Quoi qu’ils fassent, ils appellent. Ils tentent de nommer. L’ennemi n’a pas l’intelligence des mots, l’ennemi les piétine. Mais c’est la guerre. Qu’ils le veuillent ou non. Qu’on la souhaite ou pas. La guerre que ‘la Raison du plus fort’ donne à voir. Celle qu’ils s’obstinent en vain à essayer de pacifier. La guerre contre les opprimé-e-s, les pauvres et les sans-grade, contre le peuple. La guerre contre une idée. La guerre contre ce qu’ils font.
« Nous construirons
Nous liquiderons la peur. De la nuit
Nous ferons du jour plus tendre –
Et nous n’aurons besoin
Que du toucher des peaux » (1)
Et un doigt creuse le grillage des barreaux, demandant de l’amour.
(1) : Eugène Guillevic
Nina Simone - Blues for mamma
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
11 commentaires:
Raptore orbis, postquam cuncta vastantibus defuere terrae ...si locuples hostis est, avari, si pauper, ambitiosi...
Auferr, trucidare, rapere, falsis nominibus, imperius, atque, ubi.....
In hoc orbis terrarum vetere famulatu, novis nos et viles in excidium petimur.
si je ne m'abuse, on est à la fin du 1er siècle !
@ thé : hé hé, that's it (avec quelques ptites fautes de frappe, oups.... ) quelle merveille que ce discours entier...
@ birahima : toutafé, loin vers la Calédonie, écrit en 98 pour des événements ayant eu lieu entre 71 et 83 (non non rien n'a changé...)
Non, non, rien n'a changé
Tout, tout a continué
Non, non, rien n'a changé
Tout, tout a continué
Moi je pense à l'enfant entouré de soldats
Moi je pense à l'enfant qui demande pourquoi
Tout le temps, tout le temps
Moi je pense à tout ca mais je ne devrais pas
Toutes ces choses là ne me regardent pas
Et pourtant, et pourtant
Je chante, je chante
hé hé, je pensais exactement à "ça" (je n'ose appeler "ça" une chanson...)
Et toi non plus, tu n'as pas changé
Toujours le même parfum léger
Toujours le même petit sourire
Qui en dit long sans vraiment le dire
Non, toi non plus tu n'as pas changé
Tu reconnais tout de suite le canzone
un ancien gardien de but du Real Madrid, hu hu ^^
http://www.youtube.com/watch?v=uG8rvHfUU6M
là, c'est plus marrant qu'avec l'avocat
et distrayant avec ça la fin du premier sièk
Pas pour tous les Romains.
réclame :
paléographie latine en vue chez Primavera.
Enregistrer un commentaire